vendredi 4 novembre – Celui qui chante

2 minutes de lecture

Cher Journal,

Pour devenir un grand artiste, c'est important de soigner son image, presque autant que de sortir la guitare de son carton. Pourquoi travailler ses premières notes quand on peut tout miser sur l'apparence ?

À quoi ressembler en tant qu'artiste ? À moi-même ? Je garde mon style, le « si je sors tout nu dans la rue les gens vont mal le prendre donc je mets des vêtements basiques car c’est mieux que rien » ? Basket en toile sans marque. Jean couleur jean. T-shirt unis. Veste à capuche pas chère. Cheveux coiffés-décoiffés, surtout décoiffés. Le figurant de base. Je dois rester moi-même pour plaire au public ? Mais quand je reste moi-même, j’ai du mal à plaire en public. Et à moi-même… Plein de grands guitaristes se pointaient avec un style unique tout en restant eux-mêmes. Celui d’AC/DC, son short trop court, sa cravate, son béret, on ne sait pas s'il vient enchaîner les solos ou nous vendre des sandwichs saucisses avant un Strasbourg-Metz. Et Kurt Cobain ? Ses pulls de grand-mère trop grands. Ses longs cheveux dignes d’un héros nordique, sans les muscles. Sa dégaine de looser ténébreux insomniaque planté devant Téléfoot le dimanche, sûrement pour le résumé de Strasbourg-Metz. Ces styles leur vont bien, mais de là à ressembler à Kurt Cobain… À vivre comme lui… Hum. Et adopter un vrai style de guitariste, le vrai de vrai ? Cheveux mi-courts, mi-longs. Mi-soigné, mi-laissé aller. Mi-sale, Mi-pas trop propre. Mi-classe, mi « derrière cette apparence, je cache des choses et TU vas les trouver bébé ». Petite veste. Petit pantalon serré. Petite clope.

C’est marrant, on associe la clope aux musiciens, aux artistes, aux gens cools. Moi, je l’associe à mon grand-père. Celui qui est mort, pas l’autre… J'oubliais : les deux sont morts… Bref, mon grand-père fumait souvent. Souvent quand il se passait un truc. Besoin d’aide pour déplacer un meuble ? Papi se prépare à partir, la clope s’allume. Un enfant pleure à l’aide son Papi chéri ? Première latte. Remarque passive-agressive désobligeante de mon père vers ma mère ? Un bout de clope en moins. Ses enfants veulent en savoir plus sur son état de santé ? Un quart de clope parti. Situation banale de repas de famille qui dérape en belle engueulade ? Une demi-clope. Ses enfants trouvent une raison pour ne plus s'apprécier puis ne plus se voir ? Plus qu’un quart de clope. Le grand-père tombe malade et garde l’information pour lui au lieu d'affronter le regard de ses enfants ? Un fond de clope. Un appel de ma tante pour nous annoncer que ce n’est plus la peine de rendre visite à Papi samedi, il ne sera pas là, il n’est plus là ? La cigarette est consommée. Papi est parti.

Ça ne me tente pas de me mettre à la clope. Je vais peut-être garder mon style naturel… J'ai encore du temps pour m'occuper de tout ça : je n'ai même pas sorti la guitare de son carton.

Annotations

Vous aimez lire Corentin Bailly ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0