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Dès le lendemain, il va se promener rue du Docteur Roux, pour reconnaitre les lieux. Sans peine, il identifie le centre grâce à l’inscription sur son fronton. La grille étant ouverte, il pénètre dans le petit jardin qui précède l’immeuble, sans que quiconque s’inquiète de sa présence. Cette absence de sécurité le déroute un peu, car ce n’est pas ce que Quatre lui avait dit. Il se fiche devant un énorme panneau, avec toute une liste de noms commençant par « Lab. de », qu’il traduit sans peine par « laboratoire de ». La plupart des mots qui suivent n’évoquent rien pour lui, à part certains, ceux de maladies redoutables. Au bout de chaque ligne, une lettre et un chiffre, qu’il devine être la localisation. Un de ces laboratoires retient son attention, et, toujours sans encombre, il se dirige vers le bâtiment D après avoir demandé son chemin. Une plaque près de la porte indique que le laboratoire est au quatrième étage : autant continuer !

Il pousse la porte et tombe sur un homme en blouse blanche tenant un tube en verre dans la main.

— Bonjour…

— Bonjour, vous cherchez quelque chose ?

— Oui, j’aimerais beaucoup travailler dans votre laboratoire !

L’homme sourit.

— Vous êtes chercheur ? Vous avez des diplômes ?

— Oui ! J’ai mon certificat d’études !

— Je vois ! Et pourquoi spécialement ici ?

— J’aime les animaux et je m’intéresse beaucoup à ceux qui ont du venin. Je peux faire n’importe quoi !

— Oui, oui, c’est cela ! Mon ami, je pense qu’il y a erreur. Vous êtes ici au laboratoire de vénérologie, vous savez ce que c’est ?

— Ben oui, ceux qui s’occupent des venins !

— Pas tout à fait ! Comment dire… Ici nous travaillons les maladies vénériennes, c’est-à-dire transmises par l’acte sexuel.

Gaspard se liquéfie sur place. Quelle honte ! Il tourne le dos en murmurant un merci. Quel imbécile ! Il n’y connait décidément rien à rien.

Le soir, il regrette d’être parti si vite : l’homme aurait pu le renseigner sur le nom du laboratoire qu’il cherche, peut-être même qu’il connaissait Jacob ou Dubois.

Pourtant, le jour suivant, muni d’un petit dictionnaire, il est à nouveau devant le panneau, décryptant chacun de ces mots. Aucun ne se rapproche des araignées et des venins. Tout en bas figure une ligne qu’il avait ignorée, car non précédée de « Lab de ». Elle indique « Recherches avancées », suivi de « accès restreint ». C’est évident ! Si c’est secret, c’est forcément affiché pour dire que c’est secret ! Malheureusement, c’est la seule ligne sans le code de localisation qu’il maitrise bien maintenant. Le site ne doit pas être si grand ! Il lui suffit de visiter tous les bâtiments, se dit-il. La veille, il avait remarqué que tout le monde portait un sac, une petite valise, un dossier et marchait d’un pas assuré. Il s’est donc muni d’un de ces porte-documents et il parcourt les allées d’un pas décidé, comme les autres. La première journée ne suffit pas, car il doit monter chaque escalier et lire chaque plaque. C’est bien sûr dans le dernier bâtiment qu’il trouve, au second étage !

Il se doute que c’est la bonne porte, car c’est la seule gardée sur tout le site et qu’à l’entrée du bâtiment, aucune plaque ne mentionne cet endroit. Encore les bienfaits de la dissimulation ! En revanche, quand vous avez trouvé, alors vous êtes renseignés ! À côté de la porte, un panneau porte un ensemble de sigles, pour la grande majorité inconnus de Gaspard SDECE, CNRS, INRA, CPAM, ENA, suivis d’autres, mais en première ligne ce qu’il cherche : Professeur Jacob-Dubois.

Alors qu’il hésite sur la conduite à tenir, un groupe bruyant pénètre à l’intérieur. Emporté par le mouvement, il les suit et se trouve bloqué par un policier armé.

— Ta carte, il faut que tu montres ta carte !

— Mais, je…

— Ah, tu viens pour le poste de balayeur ? J’ai été prévenu que ce matin ! Il faut que tu retournes au bâtiment administratif. Tu demandes monsieur Martin et tu dis que c’est pour le laboratoire de Dubois.

Gaspard comprend à ce moment précis que le succès des espions n’est dû qu’à la chance, car il est engagé sur le champ. Il devra s’occuper de tout le bâtiment, y compris donc le laboratoire secret, sous réserve de son accréditation par le ministère des Armées. Le salaire est identique à celui de chez Citroën, ce qui est un avantage. Pour se faire accréditer, il doit se rendre rue Saint-Dominique. Cela ne lui pose aucun problème, car il a compris le fonctionnement du métro et des correspondances et appris à lire un plan de Paris. C’est couvert de sueur qu’il remet son vrai-faux passeport, sa vraie-fausse carte d’identité, car ces papiers portent son véritable nom. Il se dit que l’administration secrète de son pays a peut-être des progrès à faire. Son passé, et surtout les soupçons et son évasion, sont forcément connu de l’armée française. Il attend, tremblant, certain d’être démasqué et emmené par les services de contre-espionnage dans une cave où il sera torturé. Les héros des romans arrivent à s’en sortir, mais il craint de ne pas être à la hauteur. Soudain, la porte s’ouvre, le faisant sursauter.

— Entre ! Alors il te faut une habilitation pour aller faire le ménage ? Pas de problème pour un ancien d’entre nous ! Tu étais supplétif ? C’est bien !

Un coup de tampon et Gaspard sort du bureau. Apparemment, la dernière partie de son dossier a dû rester là-bas. Finalement, son administration avait bien fait les choses !

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