Chapitre 4-3

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Neuf mois plus tard à la Taverne...


« Il y a du monde, ça fait plaisir », murmure Nicolas à l'oreille de sa femme.

Au bar, les enterrements sont toujours des grosses journées. Sylvie, enceinte jusqu'aux yeux, s'active à servir le canon que tous boivent à la santé du mort. Les mines sont grises, mais le bon sens paysan ne s'encombre pas très longtemps l'esprit avec la fatalité. Ça trinque et ça parle fort :

« Au Papé ! Quatre-vingt-sept ans, c'est le bel âge pour s'en aller, assure Dédé.

— Surtout qu'il aura eu une bonne vie et une belle mort ! Partir pendant son sommeil, c'est le rêve, renchérit Alain.

— Il va me manquer. Il venait tous les jours, ajoute Sylvie.

— Le prochain ce sera moi, annonce Dédé, vidant cul sec son ballon de rouge.

— Rien n'est moins sûr ! La faucheuse est sournoise ! Elle se fout de respecter la chronologie ! s'exclame Nicolas resservant les verres vides.

— C'est ces bonnes-femmes au pouvoir qui l'ont achevé le vieux, dit Dédé d'un air malicieux en regardant Sylvie.

— Arrête tes conneries, idiot ! rouspète-t-elle en souriant.

— Faut bien détendre un peu l'atmosphère, se justifie-t-il. Bon, allez, remets la mienne et après je me rentre. Il n'y a pas que les cafetiers qui travaillent bien quand sonne le tocsin, les gendarmes vont être à tous les croisements pour nous faire souffler. C'est de pire en pire ! Elles sont pas au courant les Cybèles, que le petit Jésus a dit : "Buvez, buvez !"

— N'importe quoi mon pauvre Dédé, s'amuse Sylvie. Tu n'es pas plus heureux maintenant qu'on a fait le ménage et remis un peu d'ordre ? Et puis, tu peux mettre du beurre dans tes épinards avec notre nouveau revenu de subsistance inconditionnel. Plus besoin de braconner ! ajoute-t-elle pour enfoncer le clou.

— Oui, enfin, elles ne rigolent pas : retrait de permis à vie...

— Aie ! Ouille ! Merde... gémit Sylvie en se tenant le ventre à deux mains.

— Ça ne va pas chérie ? Assieds-toi ! »

Tout le monde se précipite autour de la patronne et y va de son commentaire sur la grossesse, l'accouchement et les vêlages. Devant la flaque au pied de la chaise, ils sont unanimes : le colis va arriver !

« Fille ou garçon ? demande un client.

— Ils n'ont pas voulu savoir, répond Julien en tapant dans le dos de Nicolas devenu tout blanc.

— Appelle la sage-femme, ordonne Sylvie à son mari, et aide-moi à grimper à l'étage ! », ajoute-t-elle, avant d'être prise d'une nouvelle contraction.

Les clients venus pour un enterrement sont enchantés par la tournure que prennent les événements. Les pronostics vont bon train :

« Un ventre de cette forme ce sera une fille, annonce la nièce du Papé. Pour les garçons, le ventre est plus rond et plus haut...

— Vous savez comment vous allez l'appeler si c'est un gars ?

— Messieurs dames, je crois que je vais être obligé de fermer, je m'excuse... tente Nicolas.

— Ne t'affole pas gamin ! Tu en as pour quelques heures avant de le tenir dans tes bras. On va fêter ça : un qui s'en va, un qui arrive ! La vie dans toute sa splendeur ! J'offre une tournée générale ! s'exclame Dédé.

— Monte auprès de ta femme, dit Alain en passant derrière le bar, je m'occupe de tout ici.

— Ouais on te remplace ! » ajoute Julien, serrant Nicolas dans ses bras, puis le poussant vers les escaliers.


Trois heures plus tard, la petite Cybèle-Angélique fait une rapide apparition dans les bras de son papa, puis retourne contre le sein de sa mère sous une flopée d'applaudissements alcoolisés.

« Toutes les filles qui naissent se prénomment Cybèle quelque chose, rouspète un vieux.

— C'est pour ne pas oublier que nous, les femmes, sommes toutes de la même famille, toutes des sœurs, affirme l'épouse d'Alain qui les a rejoints.

— C'est quand même mieux de pouvoir mettre les enfants au monde à la maison ! commente la nièce du Papé, qui se gausse de la confirmation de son pronostic.

— Bienvenue à cette nouvelle petite Cybèle et à ce petit Ange » postillonne Dédé en liesse.


Dimitri avait tiqué en lisant le prénom de sa mère mais Charlotte, d'un signe de tête impératif, lui avait commandé de continuer. Donc, il attaqua le dernier chapitre :

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