Chapitre 18 - Justice

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Les jours suivants filèrent à toute allure, une certaine frénésie s’étant emparée de tout le village. Même Ishta n’avait besoin de personne pour comprendre que le Storkan arrivait.

Le vent soufflait tellement fort que certains enfants s’étaient retrouvés poussés sur plusieurs mètres alors qu’ils marchaient en rue. Le froid devenait de plus en plus intense et la neige ne cessait de tomber, bouchant complètement certains passages. Même Pahala ne se montrait plus au-dessus des montagnes, la nuit dominait, ne laissant aux Íbúa que quelques heures de pénombre plus claire en milieu de journée. Ishta n’avait jamais vu un tel phénomène. La nuit mélangée à la neige en continu créait une atmosphère oppressante qu’elle avait du mal à supporter.

Les préparations en vue du Storkan nécessitèrent toutes les mains disponibles, elle passait ses journées avec Toumet et ses filles, allant d’une tâche à l’autre sans jamais se reposer, ou presque.

Sa relation avec Toumet avait d’abord été tendue. Mais Ishta comprenait ce qui l’avait poussée à agir comme elle l’avait fait. Pour les Íbúa, le mariage était sacré. Rien n’est plus important que la famille que l’on se crée. Certes, Toumet avait de l’affection pour Ishta mais elle était, avant tout autre chose, la femme de Leif et, parce qu’elle le respectait, elle ne voulait pas aller ouvertement contre sa décision. Même si la situation avait blessé Ishta, elle ne pouvait la blâmer. C’est une relation qu’elle-même enviait.

Alors quand Toumet vint pour lui présenter ses excuses, Ishta les repoussa d’un geste de la main et serra la femme dans ses bras. La complicité qu’elles partageaient lui était plus chère que sa colère, pour un acte qu’elle comprenait. Si elle avait la chance de partager autant d’amour et de respect avec quelqu’un, elle aurait certainement pris la même décision.

Et, invariablement, penser à la relation de Leif et Toumet ramenait ses pensées vers Ulrik.

Elle se revoyait debout devant le chaman dans la petite chambre, le sang battant à ses oreilles, la tête vide. Elle sentait le désarroi d’Ulrik et voulait y mettre fin. Le sentiment pressant qu’elle se devait de dire quelque chose, n’importe quoi, remontant le long de sa gorge. Mais ne sachant tout simplement pas quoi dire.

Elle n’avait jamais pensé à Ulrik de cette façon-là. Non pas qu’elle ne puisse pas le faire, juste que l’idée n’était tout simplement pas une option possible à ses yeux. Elle était déjà promise à quelqu’un, que ce soit Leif ou Fryktebjorn. Penser à un autre homme ne pouvait que lui attirer des ennuis et la rendre malheureuse. Et jamais, au grand jamais, elle n’aurait imaginé qu’Ulrik puisse s’intéresser à elle. Il était tellement sûr de lui, tellement impressionnant, tellement… Homme. Elle n’était qu’une enfant perdue qui ne faisait pas grand-chose d’autre que de pleurer. Elle n’était ni gracieuse comme Toumet, ni grande et élégante comme Holga, elle n’avait pas la sagesse ou l’humour piquant de la plupart des femmes Íbúa. Elle n’avait rien à offrir, rien d’intéressant.

Ulrik lui lâcha la main et s’apprêta à se redresser, l’air résigné et blessé. À le voir ainsi, son corps réagit avant qu’elle ne puisse y réfléchir et elle lui caressa doucement la joue, lui relevant la tête afin que leur regard se croise. La barbe du chaman était rêche contre sa paume mais la peau de sa joue sous ses doigts était douce. Aujourd’hui encore elle rougissait en pensant à son geste. Comment avait-elle pu être aussi audacieuse ?

Mais elle repensa à Fryktebjorn. Il était peut-être à moitié bête, mais cela voulait dire qu’il était aussi à moitié Íbúa. Si le mariage lui était aussi sacré que pour le reste de son peuple, il n’apprécierait sûrement pas que sa femme entretienne des sentiments pour un autre. Si elle espérait un jour avoir une relation basée sur autre chose que la peur, elle devait s’y prendre correctement.

Ulrik la regardait, les yeux pleins de questions auxquelles elle ne voulait pas répondre. Elle laissa tomber sa main et reprit la parole.

« Pour dire vrai, je pas préférer personne. Je pas pouvoir penser comme ça. Je pas choisir mari de moi mais je veux bonne relation avec, comme femme Íbúa. Et je pas avoir ça si je pense à autre que lui. Tu comprendre ? »

Cette langue qu’elle ne maîtrisait pas la rendait plus cruelle qu’elle ne l’aurait voulu. Le visage d’Ulrik se crispa alors qu’il tentait de lui cacher ce qu’il ressentait mais toute une vie de conditionnement permettait à Ishta de lire les signes de tristesse et de colère sur toute sa physionomie. Pour la première fois de sa vie, elle comprit que cette colère n’était pas pour elle. Tout son être avait enfin compris que cet homme n’avait jamais été en colère contre elle, et, ici encore, elle était dirigée contre la situation et la vie en général. Elle comprit aussi, sans trop savoir comment, qu’il réfléchissait vite et intensément à un choix difficile qu’il aurait à faire. Comme elle-même venait de le faire.

Puis le visage d’Ulrik se durcit, il avait pris une décision. Il se leva et alla chercher leurs manteaux dans l’autre pièce, aidant Ishta à se rhabiller. Elle ne savait plus quoi penser. Il se dirigea vers la porte et l’ouvrit mais avant de sortir, il ajouta :

« Je comprends, Sjel... Viens maintenant, je te ramène au Hovedhuren. »

Elle ne l’avait presque pas revu depuis. Non pas qu’elle en ait vraiment eu le temps, entre les préparations avec Toumet et les offrandes avec Olvir et Knut.

Un soir qu’elle discutait avec Holga, Ishta lui avait parlé de l’effet qu’avait la nuit continue sur son humeur. Après tout, elle avait vécu toute sa vie avec non pas un soleil, mais deux. Les nuits sur la capitale de l’Empire étaient courtes et jamais aussi sombres que celles du Konungaland. Holga comprit et parut très concernée mais changea de sujet assez rapidement.

Le lendemain, cependant, Knut vint la voir pour lui demander un service. Il était en charge des offrandes avec Olvir et deux jeunes Íbúa mais l’un d’entre eux s’était fait une entorse et ils avaient besoin d’un remplaçant pour les aider à monter la charrette. Cette histoire d’offrande intriguait Ishta depuis la première fois qu’elle en avait entendu parler, mais les choses s’étaient enchaînées de telle façon qu’elle n’avait pas pu y repenser calmement. Aussi, elle sauta sur l’opportunité et accepta.

Depuis, tous les jours après le repas du midi, elle montait à l’arrière de la charrette conduite par Rurik, un jeune garçon qui ne devait pas avoir plus de douze ou treize ans, s’assurant que le chargement arrive à bon port alors que Knut et Olvir faisaient des rondes à cheval pour les protéger de tout animal sauvage. Jusqu’ici leur présence avait suffi et rien n’était arrivé. Ils quittaient le village par le petit chemin passant devant sa nouvelle maison, son cœur se serrant doucement à chaque fois, ramenant ses pensées vers le chaman.

Après discussion avec Finn et les deux frères, Ishta avait décidé de ne pas y emménager avant le Storkan. Elle ne comptait pas y passer les semaines de tempête toute seule et n’en avait de toute façon pas les ressources nécessaires. Déménager ses maigres possessions maintenant pour les ramener au Hovedhuren au début du Storkan n’avait pas de sens non plus. Aussi le plus simple était de repousser son emménagement. Sans jamais l’avouer à personne, elle était soulagée par cette décision, elle ne se sentait pas encore prête à vivre seule, à l’écart de tous.

Une fois sortis du village, ils traversaient une portion de forêt et grimpaient à flanc de montagnes pendant plusieurs heures. Entre le vent et la neige, le trajet n’avait rien d’agréable mais ses vêtements Íbúa la protégeaient correctement et la route était plate et fréquentée tous les jours, donc en bon état. Mais la fin du trajet était ce qu’Ishta préférait.

Au bout d’un certain temps, la brume devenait omniprésente, il lui arrivait à de ne même plus voir Rurik à l’autre bout de la charrette. Knut lui expliqua alors qu’ils traversaient les nuages. Aussi invraisemblable que cela puisse lui paraître, elle dut se rendre à l’évidence lorsque, quelques minutes plus tard, ils émergèrent au-dessus d’une mer brumeuse et agitée, sous les rayons de la lune. Au-dessus d’eux, Ishta pouvait admirer le ciel dégagé pour la première fois depuis le début des orages. Le froid était intense et le vent lui brûlait les joues mais la pression qu’elle avait ressentie ces derniers jours s’évanouit instantanément et elle remercia Holga du fond du cœur.

« Profite autant que tu peux Sjel, dans quelques jours les nuages recouvriront aussi cet endroit. » lui dit Olvir, un sourire bienveillant s’étalait sur son visage.

Il savait visiblement pourquoi ils l’avaient amenée avec eux et l’élan de gratitude s’étendit aux deux guerriers qu’elle remercia aussitôt.

Quelques instants plus tard, la charrette s’arrêta devant l’entrée d’une grotte gigantesque. Le vent qui s’engouffrait dedans produisait des bruits aigus, donnant à la caverne des airs de gueule géante et gémissante prête à avaler goulûment toute pauvre âme qui oserait passer devant. Knut lui fit signe de faire silence et il sortit sa hache alors qu’Olvir encochait une flèche sur son arc.

Elle jeta un œil à l’intérieur pendant qu’elle déchargeait les offrandes avec l’aide de Rurik mais le boyau se rétrécissait rapidement et ses yeux ne parvenaient pas à percer les ombres. Le travail se fit avec le moins de bruit possible, les guerriers étaient à l’affût et il n’en fallut pas plus à Ishta pour comprendre que le danger régnait. Ils déposèrent les sacs de toile dans un recoin de pierre quelques mètres après l’entrée et les laissèrent ouverts. Ils contenaient principalement de la viande et du poisson séché mais également du pain ainsi que quelques fruits d’hivers et des noix.

Pénétrer aussi loin dans l’antre la mettait mal à l’aise, elle avait toujours l’impression que des yeux la scrutaient depuis les ténèbres, se préparant à l’emporter dans les ombres au moindre faux pas de sa part. Les rares fois où le vent se calmait, elle croyait entendre une respiration lourde, lente et profonde résonner depuis le fond de la caverne. Mais le vent revenait si vite qu’elle ne pouvait définir si le son sortait tout droit de son imagination ou non.

Chaque jour, les sacs de la veille avaient disparu. Il leur fallait quelques minutes pour tout décharger, puis ils entamaient la descente vers le village. Ishta était tout d’abord très excitée de résoudre ce mystère qui, pour une fois, ne tournait pas autour d’elle, mais ces trajets ne l’avaient pas plus aidé à comprendre. Elle ne voyait pas en quoi nourrir un animal pouvait limiter les attaques de tous les autres, quand bien même la grotte abriterait toute une meute.

« Quoi vivre dans ce grotte ? » demanda-t-elle un soir à Knut.

« Glemsött, un protecteur. Si on la nourrit bien, elle chassera les autres animaux dangereux de son territoire mais nous laissera tranquille. Les attaques diminuent et elle est rassasiée, tout le monde est gagnant. Mais fais attention, elle est dangereuse. »

Après ça, le rythme des choses à faire ne fit que de s’accélérer. Le soir, tout le monde était si fatigué que rares étaient ceux qui mangeaient dans la grande salle, et Ishta n’en faisait pas partie. De sa vie elle n’avait jamais autant travaillé, ses activités au palais n’étaient guère plus fatigantes que de la broderie ou une courte balade entre les fontaines du jardin. Elle découvrit cependant qu’elle avait tout de même une bonne endurance aux tâches physiques. Ses jambes et son dos étant capables de supporter des positions inconfortables voire douloureuses sur le long terme. Peut-être devait-elle remercier les poèmes de bienséance et l’apprentissage des nombreuses positions d’attentes ? L’idée la fit sourire amèrement.

Malgré tout, la fatigue lui tombait dessus tous les soirs et elle se contentait d’une tranche de viande entre deux morceaux de pain, le tout avalé directement dans son lit avant de sombrer dans le sommeil.

Un soir où elle était particulièrement fatiguée et avait hâte de retrouver son lit, elle n’attendit pas Knut et Olvir alors qu’ils rangeaient la charrette et décida de rejoindre le Hovedhuren au plus vite. Les rues sombres étaient désertes et le vent sifflait fort à ses oreilles. Une bourrasque plus forte que les autres emporta son écharpe, alors qu’elle se baissait pour la ramasser, un mouvement à l’orée de son champ de vision attira son attention. Elle se retourna mais ne vit personne. Mettant ça sur le compte de la fatigue, elle reprit sa route.

Cependant, plus elle avançait, plus l’impression que quelque chose la suivait augmentait. Si ça avait été Knut ou Olvir, ils l’auraient rejoint et ne se seraient pas amusés à la suivre discrètement. Le fait d’être seule ajouta à son malêtre et elle se maudit de ne pas avoir été plus prudente. Depuis l’incident avec Astrid, elle faisait pourtant attention à toujours sortir accompagnée et, même ainsi, il lui arrivait encore d’être insultée.

Elle aperçut du mouvement derrière elle à plusieurs reprises mais n’avait aucun moyen de voir ce qui la suivait. La panique prit le dessus et lui fit presser le pas. L’idée de faire demi-tour pour retrouver les guerriers lui traversa l’esprit mais cela demandait de revenir sur ses pas et s’approcher de ce qui la suivait. D’autant plus qu’elle avait parcouru plus de la moitié du chemin.

Accélérant toujours plus, elle se retrouva tout bonnement à courir à toutes jambes, glissant à moitié sur la neige. À ce stade, son poursuivant laissa tomber toute discrétion et le bruit lourd de ses bottes se faisait entendre. Elle n’osait regarder derrière par peur de trébucher et perdre son avance, aussi elle se concentra sur sa course et commença à appeler à l’aide. L’air glacial lui brûla les poumons et ses cris ne faisaient qu’épuiser son souffle. Le soulagement la submergea quand elle vit enfin le Hovedhuren apparaître en bas de la rue mais son pied rencontra alors une plaque de verglas. Elle s’étala de tout son long et dévala la pente sur plusieurs mètres.

Elle voulu se remettre debout au plus vite mais ses membres ankylosés ne lui obéissaient plus. Une main puissante l’attrapa par les cheveux et la souleva du sol. Un hurlement de douleur s’échappa de sa gorge alors que l’homme se mit à rire derrière son oreille.

« Ah tu fais moins la fière maintenant sale chienne ! »

Elle reconnu la voix grasse et l’odeur de bière rance que l’homme dégageait. Après avoir survécu à son père, elle n’allait sûrement pas mourir ici, par la main de cette sale brute. Accrochée au poignet de son agresseur pour réduire le poids porté par ses cheveux, elle se débattit de toutes ses forces, ruant et donnant des coups de pieds derrière elle aussi fort qu’elle le put.

Il riait encore quand un talon furieux rencontra son entrejambe et le fit se plier en deux de douleur. Ishta en profita pour se dégager, perdant une poignée de cheveux au passage. Elle ne savait plus dans quelle direction était le Hovedhuren mais elle ne chercha qu’a s’éloigner de la brute qui se mit à la couvrir d’insulte.

Ses jambes refusaient de la porter correctement et elle trébuchait plus qu’elle ne courait, aussi, il ne fallut pas longtemps à l’homme pour la rattraper. Un marteau de charpentier à la main, un sourire mauvais éclairé par une des rares lanternes de la rue, Ishta put apercevoir un bleu à sale allure couvrant la moitié de son visage. Son nez était tordu et il lui manquait aussi plusieurs dents. Une pensée fugace et elle se demanda ce qui avait bien pu lui arriver mais son instinct de survie reprit aussitôt le dessus.

Elle rampait aussi vite que possible pour lui échapper, ses jambes refusant de la soutenir. Mais l’homme fût bientôt sur elle. Elle vit le marteau se lever au-dessus de sa tête et sa main rencontra quelque chose sous la neige qu’elle brandit pour se protéger. La bûche de bois explosa sous l’impact, la force du coup la sonna à moitié et elle vit l’homme lever son arme une seconde fois.

« Mais meurs, salope ! » cria-t-il.

Une ombre passa dans le champ de vision d’Ishta, l’homme hurla de douleur et une gerbe de liquide chaud gicla sur la cape de la jeune femme.

« T’as pas compris la leçon la première fois ? Donne-moi une seule bonne raison de te laisser en vie, bâtard ! » énonça Knut d’une voix étonnamment calme.

Le guerrier se tenait debout, menaçant de sa hache l’homme recroquevillé au sol. C’est quand elle vit la main tenant le marteau par terre devant elle, et définitivement détachée de son propriétaire, qu’elle comprit d’où venait le sang qui la maculait. Rurik et Olvir se précipitèrent vers elle pour s’assurer de son état alors que l’homme hurlait sa réponse d’une voix incrédule.

« Tu préfères défendre une putain de l’ennemie plutôt qu’un homme de ton propre clan avec qui t’as combattu épaule contre épaule ? »

« Mauvaise réponse. »

Et, d’un geste négligeant de sa hache, Knut lui trancha la gorge.

Incapable de tenir sur ses jambes, c’est Olvir qui la porta sur le chemin du retour. Bien que le Hovedhuren ne fût que quelques maisons plus loin, le trajet lui sembla durer une éternité. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait quelqu’un mourir sous ses yeux. Il y avait eu d’abord sa mère, battue à mort par un eunuque de l’Impératrice, puis un nombre incroyable d’esclaves, de femmes et d’enfants qui avaient juste eu la malchance de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment.

La violence ne lui était pas étrangère, que se soit en tant que spectatrice ou en tant que victime. Mais quelque chose dans la scène la mettait mal à l’aise. Elle observait Knut du coin de l’œil. Il était calme. Il n’avait pas agi dans la colère. Ni dans l’urgence. Une fois la main coupée, Ishta ne risquait plus rien. Knut aurait tout simplement pu emmener l’homme devant la justice. Au lieu de quoi il l’avait mis à mort sans sourciller.

Seulement, Ishta s’en rendait maintenant compte, les Íbúa n’avaient ni tribunal, ni juge, ni milice. Tout du moins pas à sa connaissance. Malgré ses questionnements, elle était infiniment reconnaissante envers Knut et elle commençait à s’inquiéter pour le guerrier. L’annonce du meurtre ne pouvait être bien reçue. Tuer un autre homme de sang-froid équivalait à la peine de mort au sein de l’Empire. On pouvait agir comme on le souhaitait envers les femmes et les enfants, mais l’homme était sacré.

Certes, les Íbúa ne pensaient de la même façon, mais l’assassinat de sang-froid de l’un des leurs n’allait sûrement pas rester sans conséquence, d’autant plus si c’était pour protéger une étrangère.

Olvir gravit enfin les premières marches menant au Hovedhuren et Ishta lui demanda de la poser au sol. Entrer dans la salle portée comme une princesse, pour annoncer qu’on avait assassiné un homme en son nom lui paraissait le comble de l’irrespect. Elle se devait de tenir sur ses propres pieds.

Knut ouvrit la double porte et le silence se fit quand tous les virent couvert de sang. Ulrik se leva et se précipita sur Ishta mais Knut lui barra la route.

« C’est pas son sang Sjel, elle n’a rien. »

Le chaman voulut écarter Knut pour atteindre Ishta mais le guerrier ne le laissa pas faire.

« Attends le forsvar Sjel, c’est mon témoin. »

Le chaman ne fit plus mine d’avancer mais il ne s’éloigna pas non plus.

L’inquiétude d’Ishta grandissait quand elle vit Toumet et Leif prendre place sur l’estrade en bout de salle. Jamais encore elle n’avait vu qui que ce soit utiliser cette estrade. L’air solennel du couple et leur regard sévère intimidèrent Ishta. Quelque part au milieu des discussions, des rires et des préparations, elle avait oublié que Toumet était le chef de son clan.

Knut s’approcha jusqu’au milieu de la salle et proclama :

« Toumet, fille de l’aigle, Ansatt de mon clan, ce soir j’ai tué un homme. »

Et il jeta la tête de l’homme qui roula jusqu’au pied de l’estrade. Ishta ne s’était pas aperçut que le guerrier avait décapité le corps et aucune raison valable ne lui vint à l’esprit. Mais cela ne sembla choquer personne et Toumet prit la parole.

« Knut, chevaucheur de montagnes, chasseur d’esprit de mon clan, pour quelle raison as-tu assassiné l’un des nôtres ?

- Cet homme a essayé de tuer quelqu’un qui m’est cher sous mes yeux et il a déshonoré l’hospitalité du clan offerte par vous, mon Ensatt. »

Les Íbúa n’avaient encore jamais été aussi formels devant elle. Toumet se tourna vers Ishta qui dût lutter contre tous ses instincts pour ne pas se prosterner au sol, au lieu de quoi elle fit quelque pas en avant.

« Ishta pétale du Sha, future femme de mon clan, confirmes-tu les dires de cet homme ? » lui demanda Toumet.

Le protocole Íbúa ne lui était pas familier mais elle était habituée à plus complexe.

« Oui, Toumet fille de l’aigle, je confirme.

- Malheureusement, en tant que victime, tu ne peux être un témoin. Quelqu’un ici peut-il témoigner de la bonne foi de cet homme ? »

Rurik et Olvir s’avancèrent.

« Moi, Olvir tueur de légion, je me trouvais sur les lieux par la grâce des Dieux et j’en suis témoin.

- Moi, Rurik fils de Sigmund, je me trouvais sur les lieux par la grâce des Dieux et j’en suis témoin. »

Si la voix d’Olvir était calme et posée, la jeunesse de Rurik s’entendait clairement. Le pauvre ne devait pas avoir l’habitude de prendre la parole en public et l’importance du moment le rendait tremblant.

Mais Ishta doutait que la simple parole de deux amis de Knut et d’une étrangère suffise, elle s’inquiétait de plus en plus pour le guerrier. Il en était là pour l’avoir sauvée et elle ne pouvait l’aider comme il le méritait. Une boule se forma dans sa poitrine, la culpabilité avait rejoint l’inquiétude.

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