Plic, ploc.
En face de moi, les gouttes alimentent cette flaque dans un bruit aussi lancinant qu'agaçant. Il doit y avoir une fuite là-haut. Je ne sais pas, je n'ai pas regardé. De toute façon, personne ne sait à quoi ressemble le plafond dans les couloirs du métro. Peut-être n'y en a t-il pas, et la sensation d'enfermement que l'on éprouve n'est qu'une sorte d'effet placebo inversé. C'est pour ça d'ailleurs, que je ne regarde pas ce plafond. De cette manière, je garde espoir qu'il n'existe pas, et que je ne suis pas réellement enfermé.
J'ai délibérement choisi cette place, en face de cette flaque. Je me suis dit que, quitte à devenir fou, autant que ce soit controlé. J'ai ainsi conscience de mon plus grand désagrément, et j'ai la solution pour y remédier; il me suffit de me déplacer. Bien sûr, une fois que j'aurai réglé celui-ci, mon premier problème redeviendra insurmontable. C'est pour ça que je reste ici.
Les gens eux, n'ont que faire de cette fuite. Ils se contentent de l'éviter mécaniquement. La plupart ont des casques ou des oreillettes, et n'entendent ainsi même pas ce lancinant clapotis. De toute façon, ils passent trop vite pour qu'il devienne lancinant. Certains ne la voit pas, et passent dessous. Leurs réactions sont rigolotes. Beaucoup jettent un regard noir vers la source, et s'essuient frénetiquement le haut du crâne comme si ils venaient de trouver un rat mort sur leur tête. D'autres n'ont aucune réaction. C'en est presque effrayant.
Ces centaines de jambes passant sous mon nez renforcent ma solitude. Avec elles, vient un espoir vain et cruel. Lorsque, la nuit, je suis réellement seul, il ne me reste qu'à m'appitoyer sur mon sort, à pleurer, et surtout à dormir. Mais lorsqu'elles sont là, ce n'est plus pareil. Mes plus vieux fantasmes refont surface tels des vieux démons. Des fantasmes jamais réalisés en cinquante ans d'existence, mais en lesquels je continue, naivement, de croire. Et l'échec de ces fantasme m'enfonce chaque jour un peu plus dans le désespoir et la solitude.
Plic ...
La fuite s'est arretée. Un instant, je ressens un curieux mais agréable bien être. Et puis très vite, la faim, le froid et la solitude refont surface. Surtout la solitude. J'ai dû oublier de payer la facture, alors l'eau m'a été coupée. Ma dernière compagne m'a été retirée. Personne ne peut survire sans eau. Je vais donc m'éteindre au milieu de cette foule. Je vais donc m'éteindre, seul.