Jackpot

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Cinq heures, cela faisait cinq heures que notre partie durait et stagnait avec les mêmes participants.

Nos regards commençaient à exprimer une anxiosité qui se propageait dans toute la salle. Une tension palpable envahissait notre table qui augmentait à chaque seconde de d'autres personnes venues admirer le spectacle qu'offrait notre jeu. Nous entendions derrière nous des gens en train de parier sur la personne qui va gagner cette mise. Le croupier en charge de notre table, ne pouvait s'arrêter de mélanger les cartes, de plus en plus vite.

Mais, bien que tous ces facteurs augmentaient la tension au sein du jeu, nous n'étions pas le moins du monde déconcentrés, mais enviants de la tour de jetons qui se présentaient devant nous. Nous l'avions construite, et nous en étions fiers, tels Gustave Eiffel qui avaient fini son monument. J'étais plutôt content de la contribution que j'ai mis à la bâtir, en effet tout le bas gauche m'appartenait. La couleur de mes jetons noirs (qui sont ceux qui valent le plus), blancs, rouges, verts et bleus, donnaient une sorte de polychromie à notre édifice. Cependant, malgré notre fierté dans cette construction, il fallait s'attendre qu'elle s'effondre dans les bras d'un de nous.

Nous nous mîmes à regarder le croupier qui mélangeait de façon de plus en plus nerveuse ses cartes. Ca avait l'air pour lui un moyen de se détendre. Pendant toute la partie, il n'arrêtait pas de nous fixer après avoir dévoilé les cartes, observant notre réaction après une défaite ou une victoire. La tension de notre partie l'affectait lui aussi, mais il gardait une impassabilité au niveau du visage, ce qui faisait un contraste assez marqué vu le mouvement des cartes qu'il avait dans ses mains. Un mélange très sec, mais parsemé de tremblements réguliers. L'air à proximité de cette activité intense, avait l'air d'être déformé, comme si une hélice le brassait. Il allait bientôt nous distribuer de nouvelles cartes. Cela faisait longtemps qui n'avait plus vu ce genre de partie intense.

Soudain, il arrêta brusquement ses mouvements mécaniques. Ce fut brutal, et l'on entendit les cartes s'entrechoquer l'une sur l'autre. Il tira les cartes une par une, avec toujours ses tremblements secs qui l'accompagnait dans sa distribution aux joueurs. Les cartes glissaient rapidement sur le tapis de la table, et arrivait avec ponctualité à chacun de nous. Lorsqu'elles furent arrivées à bon port chez chaque joueur, nous les empoignions tous d'une manière différente. Certains étaient pressés, d'autres bien plus détendus, mais notre point commun lorsque nous les prenions était que nos mains fusaient de transpiration. Après les avoir prises et palpées au bout de nos doigts, nous les observions attentivement. Comme le croupier, nous gardions une tête impassible. Avec beaucoup de discrétion, nous essayions de nous regarder les visages des uns et des autres, espérant trouver chez chacun une once d'émotion qui pouvait nous trahir.

Premier tour. Ma main était mauvaise, mais elle n'était pas horrible non plus. Cependant j'étais quasiment obligé de bluffer pour gagner. Je fus le troisième à miser. Parmi les jetons qu'il me restait, cinq noirs étaient encore debout. J'en pris deux, et les lançais au centre de la table, au pied de la tour. Cette mise surpassait largement celle de mes deux premiers adversaires, qui firent l'erreur d'afficher un visage inquiet. Ils allaient se coucher au prochain tour pour protéger leurs dernières ressources, j'en étais sûr. Ce fut au quatrième joueur de miser. Il se coucha. Déjà ? me disais-je. Il lui restait quelques ressources et comme ses camarades, il voulait les préserver. Au tour du cinquième. Sans hésitation, il prit les trois jetons noirs qu'il lui restait et les envoya d'un mouvement sûr et assuré sous la tour. Était-ce aussi du bluff ? Il ne lui restait presque rien, juste six rouges jetons de faible valeur. Après cette action qui me laissait perplexe, j'observais attentivement le sixième joueur. C'était celui à qui il restait le plus d'argent avec encore dix jetons noirs encore debouts. Mais, lorsque qu'il empoigna ses quatre jetons, il les lança avec sa main droite tremblant d'hésitation. Vint le tour du dernier joueur. Financièrement, il était dans la même situation que moi. Encore cinq jetons noirs et d'autres jetons de plus faible valeur éparpillés à côté. Logiquement, je m'attendais à ce qu'il mise quatre jetons noirs plus quelques jetons assez faibles. Mais il fit une décision qui surprit toute la table et agita toutes les personnes autour. Tapis. C'est ce qu'il avait prononcé. Il déplaça tous ses jetons près de la tour, qui avait l'air d'avoir un nouveau bâtiment de contruit près d'elle.

Deuxième tour. La tension monta d'un cran. Les deux premières cartes se revélèrent, j'avais une paire. Comme je l'avais prévu, les deux premiers joueurs se couchèrent très vite. Cependant, à cause de la décision du dernier joueur, je dus faire tapis moi aussi. Le joueur suivant fit de même. Le plus riche, lui, se coucha. Nous n'étions plus que trois. Nous misions tout.

Dernier tour. La tension était à son maximum. Le croupier dévoila les trois dernières cartes. Les trois derniers joueurs se précipitèrent pour les fusiller du regard. Après les avoir vues, je pris mes deux cartes et mon rendit compte que j'avais un magnifique carré de dames, qui était difficilement surpassable. Une grande joie d'empara de moi. J'étais heureux. Un silence dans ma tête s'était installé. Lorsque je relevais ma tête et posais mes cartes au sol, je vis les gens fuir autour de moi. Je ne vis plus le croupier aussi, qui était à ma gauche. Puis, en baissant mon regard, je constatais avec frayeur le corps du cinquième joueur, gisant sur la table, tué d'une balle dans la tête. Dans sa main inanimée, se tenait un roi de piques. Il avait un brelan de rois, une jolie combinaison mais qui ne me surpassait pas. En relevant ma tête vers la droite, ce n'était pas des cartes que je vis dans la main du dernier joueur, mais le long canon d'un magnum. Le bruit de la détonation brisa le silence de joie présent dans ma tête. Mon corps s'effondra sur le sol. Dans quelques secondes, je joignerai la mort. Cependant je ne regrettai pas celle-ci, car j'ai gagné la tour, j'ai gagné le jackpot.

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