13. Maya Delorme – 23 Avril

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QG - 8h55

De retour dans sa chambre avec Snyder, Maya demeure tendue, méfiante. Quand il l’invite à s’asseoir en sa compagnie, près d’une table basse garnie d’un petit déjeuner, elle choisit obstinément de rester debout, appuyée contre le lit.

— Je te sers un thé ? propose-t-il néanmoins.

— Servez-moi plutôt les explications promises, réplique-t-elle agacée par son sourire affable et sa familiarité.

Mac la fixe un instant puis, l’air soudain sérieux :

— Je suis sincèrement désolé de t’avoir menti. Nous le sommes tous. Mais si je t’avais dit la vérité, tu ne serais jamais venue.

— Vous auriez dû essayer ! lance Maya avec un rire sec. Franchement, vous pensez que maintenant je vais vous croire ? Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, en général ! Mais je vous en prie, tentez votre chance.

— Sache que, bien que tu ne sois pas ici de ton plein gré, tu n’es pas non plus notre prisonnière. Une fois que nous t’aurons tout expliqué, tu seras libre de partir.

— Ce que je ferai dès que Julia pourra être rapatriée.

— Nous renverrons ton amie auprès des siens, quoi que tu décides. Cependant, si tu choisis de rentrer avec elle, rien de ce qui aura été dit ou vu ici ne devra être divulgué. C’est notre seule exigence.

— Vous n’êtes pas vraiment en position d’exprimer des exigences, monsieur Snyder. Jusqu’à preuve du contraire, j’ai été enlevée et mon amie, victime d’une tentative de meurtre.

— Tu as raison, nous sommes partis sur de mauvaises bases. Contrairement aux apparences, nous ne sommes pas les méchants dans cette histoire. Tu es ici au quartier général de l’O.E., l’Organisation Elementum. Nous ne travaillons pour aucun gouvernement mais nous sommes financés par la plupart d'entre eux. Du moins ceux qui ne sont pas encore corrompus. Notre histoire remonte à la nuit des temps. Nous sommes, en quelque sorte, les protecteurs de la Terre... les protecteurs de Gaïa.

Maya lève les yeux au ciel. Loin de s'offusquer de son impatience, son interlocuteur poursuit :

— Nous nous battons contre un ennemi puissant, omniprésent - et fort antipathique, tu verras - qui détruit peu à peu notre planète et, par conséquent, notre civilisation.

— Noah Blake m’a sorti un discours similaire, bien que moins présomptueux. Si c’est tout ce que vous avez pour me convaincre, c’est mal engagé.

— Ne t’es-tu pas demandé d’où vient cette étrange aura blanche ? Pourquoi ces hommes ont pris Julia en otage pour te forcer à les suivre ? Comment Noah et toi les avez mis hors d’état de nuire ?

Inconsciemment, la jeune femme s'est saisie d'un bout du drap qu'elle malaxe nerveusement .

— Ne désires-tu pas savoir pourquoi ta mère, Elena Hristova, est morte dans cet accident de voiture ?

Cette fois, Maya s'affaisse sur le lit, abasourdie.

— Que savez-vous à propos de ma mère ? demande-t-elle dans un souffle.

— Et toi ?

Mac Snyder vient de la renvoyer à ce jour où elle avait appris que la femme froide et autoritaire qui l’avait élevée n’était pas sa génitrice. Quatorze ans, elle avait vécu quatorze ans dans le mensonge. Oubliant un instant son ressentiment envers l'Organisation, Maya énonce, plus pour elle-même que pour son interlocuteur :

— J'avais à peu près deux ans quand l'accident s'est produit. Nous n'étions que toutes les deux, ma véritable mère et moi. Aux dires de mon paternel, notre voiture a été prise en chasse par des individus mal intentionnés. Des gens de la mafia russe, je crois, avec qui mon grand-père était en affaires. Elena a perdu le contrôle du véhicule et nous sommes tombées dans un lac de montagne. Je suis la seule à m'en être sortie. Ensuite, mon père, ma tante, et moi avons dû fuir pour que ces types ne nous retrouvent pas. Selon lui, ils avaient besoin de nous pour faire chanter mon grand-père.

— Comment as-tu survécu ?

— Je ne sais pas… mais je ne crois pas aux miracles, contrairement à mon géniteur. Qui sait, peut-être qu’un pêcheur m’a secourue ou que je me suis accrochée à un objet flottant. Le plus probable étant que ma mère m’ait sauvée avant de perdre la vie.

— En réalité, Elena et toi étiez poursuivies par des personnes agissant pour assurer la prospérité de notre ennemi. Ton grand-père était un homme honnête qui ne trempait dans aucune affaire louche. Ce que ces individus voulaient, c’était toi. Ta mère n’était qu’un dommage collatéral pour eux. Mais toi… tu as reçu un don incroyable à ta naissance. Un don qui, une fois maîtrisé, mettrait en péril leur grand projet. Un don qui t’a sauvé la vie.

Méfiante, Maya ne sait à quel saint se vouer. Mac Snyder s’est exprimé avec calme et une franchise non feinte. Son regard de glace la pénètre avec une chaleur déconcertante. Il ne veut pas seulement qu’elle le croie, il en a besoin.

— Je suis curieuse de savoir pourquoi vous pensez que je possède un don particulier ?

— Je ne le pense pas, j'en suis sûr. Le pouvoir que tu portes en toi est immense. Attention, je ne suis pas en train de te parler de pouvoir magique, mais d’une aptitude naturelle. Disons que c’est un petit coup de pouce de l’Évolution. Cette aura, qui apparaît depuis quelques temps, est l’expression de ce pouvoir. C’est grâce à elle, et à cause d’elle, que tu deviens repérable. Nous ignorons comment les autres savaient parce que c’est lors de cet accident que tes capacités se sont exprimées pour la première fois. Eux étaient informés depuis longtemps. Nous n’avons jamais su comment. Toujours est-il que nous t’avons repérée ce jour-là. Nous étions censés te protéger mais, malheureusement, nous sommes arrivés trop tard. Ton père a fait le nécessaire pour qu’on perde ta trace. Ton pouvoir ne s’est jamais réexprimé depuis. Probablement un blocage dû au traumatisme.

— Alors pourquoi maintenant ?

— Parce que le temps presse Maya, Gaïa le sait. Vous êtes douze dans le monde à avoir été choisis. Ça ne s'était pas produit depuis des millénaires. Aujourd'hui, nous vous avons enfin réunis et, crois-moi, ça va être explosif !

Il siffle entre ses dents tout en mimant ce qui ressemble à une explosion. Plutôt un feu d'artifice, à en croire son air satisfait.

Maya tente d'assimiler le discours de Snyder alors que d'autres questions surgissent les unes après les autres.

— Si j'ai bien compris, ce pouvoir serait une mutation naturelle.

— Une adaptation permettant de lutter contre un ennemi spécifique.

— Un peu comme des anticorps.

— C'est ça, vous êtes les anticorps de la Terre ! Cette idée me plaît.

Maya continue de dérouler sa liste de questions, fermement décidée à en apprendre le plus possible sur ces gens et sur elle-même.

— En quoi consistent nos aptitudes exactement ?

— Je pensais que c'était évident, se moque gentiment Mac avec un sourire mystérieux. La maîtrise des éléments à l'origine de la vie sur Terre. Et le tien c'est...

Le feu, l'eau, la terre, l'air.

— L'eau, répond Maya songeuse. Ce qui expliquerait comment j'ai survécu à l'accident.

Mac se lève pour s'approcher de la jeune femme. Il prend ses mains dans les siennes. Elles paraissent immenses à Maya, qui se raidit sans toutefois s'esquiver. Un frisson familier court sur sa peau. Elle ne quitte pas Mac Snyder des yeux.

— Vous aussi vous avez une influence sur l'eau ?

Elle répugne à utiliser le mot pouvoir. Cela ne rentre pas dans son schéma de pensée.

— À une époque, oui. Le moment venu, elle s'est désactivée. La nature a transmis le flambeau.

Maya baisse les yeux sur leurs mains jointes. Elle remarque pour la première fois le bracelet qui orne son poignet gauche. Similaire à celui de Blake, il est en argent finement ciselé et porte une pierre de lune au reflets nacrés. Mac devance sa question.

— Cette gemme t'est indispensable pour recouvrer ton énergie. Comme maintenant. Ta jauge est H.S. C'est la raison pour laquelle ton aura ne se manifeste pas. Faut dire que tu leur as mis une sacrée dérouillée hier soir.

La biologiste se tait. Dans sa tête, un chaos d'informations, de questions, d'émotions. Elle a besoin d'être seule. Sentant probablement son trouble, Mac lâche les mains de la jeune femme puis recule. Il saisit un paquet de papier Kraft posé sur la table de nuit.

— Je te laisse un moment pour digérer tout ça. Je reviendrai te chercher dans une heure. Sens-toi libre de visiter.

Tendant le paquet, il ajoute :

— Si tu acceptes de te joindre à nous, voici une tenue réglementaire.

— Une tenue réglementaire ? C'est l'armée ou une secte votre Organisation ?

— Un peu les deux, sourit Mac, mystérieux. C'est surtout un caprice esthétique qui remonte à l'Antiquité. Aujourd'hui est un grand jour, nous devons faire honneur aux traditions.

Maya sourit malgré elle alors qu'il lui tourne le dos pour sortir. Soudain, elle l'interpelle :

— Monsieur Snyder, est-ce que la mission de l'Organisation Elementum inclut de tuer des gens ?

— Non, notre job est de les sauver. Mais il en est certains pour qui on ne peut plus rien. Rassure-toi, tu n'as tué personne. Noah y a veillé.

Une fois seule, Maya ouvre le paquet. Il contient un pantalon et une tunique de lin blanc. Une fine broderie représentant la Lune orne le col Mao. Une cordelière, blanche également, et une paire de ballerines complètent l'ensemble. Perdue dans ses pensées, l'esprit confus, Maya contemple les vêtements sans vraiment les voir. La conversation avec Snyder a suscité davantage de questions et elle n'est pas encore disposée à faire confiance. Cependant, Julia ne pouvant être transportée pour le moment, le choix de rester à ses côtés est évident. Cela lui donnera l'occasion d'obtenir des réponses et, surtout, de déterminer le degré de fiabilité de toutes ces informations.

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