Un goût amer (2)
Liam exposa donc au reste du groupe, l’idée de Jack. Bruno et Allan aimaient ce plan. Dès qu’il s’agissait de foutre le bordel, ils répondaient toujours présent. Quant à Jim, il émit quelques doutes, cette stratégie lui semblait surtout risquée, et avoua également être curieux de découvrir ce que cachait cet endroit. Même s’il reconnaissait ne pas faire confiance à ces types venus du ciel, il n’envisageait pas de parier sa vie sur ce camion dépourvu d’arme ou de blindage. C’était un homme de science : il se fiait aux chiffres et aux faits, Liam le savait et ne pouvait lui en vouloir de douter.
– Écoute Jim. On tente de redémarrer cet engin pour commencer. On pourrait aussi y fixer des plaques ou des protections en utilisant ce qui traîne dans l'coin, non ? On se donne jusqu’à ce soir pour essayer. Et si ça ne marche pas, on ouvrira cette porte d’une manière ou d’une autre. Peut-être qu’en réveillant la technomagie des lieux, on obtiendra un moyen de pression pour négocier et sortir d’ici vivant. Ok ?
Jim poussa un soupir, il n’avait rien à ajouter ni aucune raison de contredire cette proposition. Lui et Bruno partirent donc pour examiner le véhicule. Allan les suivit en proposant de les aider du mieux qu’il le pourrait tandis que Jack, préféra partir de son côté pour affûter ses armes. Le chef se retrouvait de nouveau livré à lui-même. Il scruta les décombres en se questionnant sur le nombre d’individus se trouvant derrière. Il jugea alors opportun de discuter avec celle qu’il supposait être la cheffe, afin de gagner un peu de temps. Il fouilla dans sa poche pour sortir la radio à courtes fréquences qu’il porta à ses lèvres.
– Il y a quelqu’un ? sa question était rhétorique, il voulait juste s’assurer qu’il ne parlait pas dans le vide.
– D’ici, je ne vois aucune lumière ni mouvement. J’imagine que vous n’avez pas encore fait votre part du marché, rétorqua Wanlia.
– On y travaille. On a fouillé tout l’endroit et une porte blindée nous bloque actuellement l’accès à ce qu’on suppose être la salle des commandes.
– Explosez la ? Vous l’avez bien fait avec l’entrée, après tout.
– J’ai dit qu’elle était blindée. Je doute qu’elle cède facilement avec le peu d’explosifs dont on dispose. Et si on fait s’effondrer le couloir ou la pièce derrière, pas sûr qu’on puisse redémarrer quoi que ce soit ensuite, fit remarquer Liam. Du coup, on cherche une autre solution. Et savoir qu’on est enfermé et plus ou moins vos prisonniers, n’aide pas mes hommes à se concentrer, je vous l’accorde.
– Je vous accorde également que je n’aurai pas dû donner l’ordre de vous tuer quand on a débarqué, avoua Wanlia. Mais vous savez ce que c’est : l’exclusivité, la curiosité ou simplement l’égoïsme. J’ai dit qu’aucun mal ne vous sera fait, alors détendez-vous.
– Et en guise de bonne foi, déblayer maintenant l’entrée et nous aider, ne serait pas une bonne idée ? interrogea Liam.
– Moi aussi j’ai besoin de savoir si je peux vous faire confiance. Demain à l’aube, si vous n’avez toujours rien fait : je ferai exploser les décombres et on entrera. Devant votre manque de coopération, je laisserai mes hommes décider de vous tuer ou non. Et je ne doute à aucun moment que vous nous ferez un bon accueil. Mais s’il faut en arriver là…
– On va faire notre possible d’ici demain matin. Et on ne cherchera aucun problème quand vous entrerez avec vos hommes, j’en fais le serment.
Liam fourra l’artefact dans sa veste en jurant. Ils avaient donc moins de vingt-quatre heures pour trouver une solution. Réparer le camion ou ouvrir la porte, ces deux options ne garantissaient pas leur survie mais il devait bien se raccrocher à quelque chose.
Jim et Bruno avaient décroché un carter du véhicule pour voir dans quel état se trouvait le moteur. Ils découvrirent une couche de crasse et des durites devenues poreuses par les années. Jim commença à démonter ce qui devait être changé pendant que Bruno partait chercher les outils de l’autre côté du hall. Avec l’aide de son frère, ils récupérèrent des pièces détachées et des bidons qu’ils posèrent sur une servante pour tout rapporter vers l’engin de transport. Le trio passa l’après-midi à nettoyer et remplacer les parties mécaniques que le temps avait maltraitées. La courroie fut changée, les bougies nettoyées et les gaines en plastique remplacées. Chose surprenante : la batterie du véhicule était toujours en état, elle avait besoin d’un nettoyage pour retirer la rouille et d’autres dépôts mais quand ils firent un essai, elle fonctionnait. Satisfaits par cette bonne nouvelle, les mécanos continuèrent de plus belle. L’engin pouvait démarrer mais il manquait une chose importante : le carburant. Jim comme Bruno, ignoraient à quoi fonctionnait le véhicule. La batterie ne servant qu’à démarrer ou alimenter l’éclairage. C’est là qu'Allan fit une hypothèse intéressante : pourquoi ne pas utiliser du radz, après tout ça brûlait bien et produisait une quantité d’énergie non négligeable, si toutefois c’était bien un moteur à combustion. Ce que Jim confirma après vérifications. Les trois hommes décidèrent donc de collecter des radiations cristallisées qui trainaient dans le coin, espérant en trouver suffisamment.
Le soleil se couchait et le groupe pouvait voir les derniers rayons à travers de hautes meurtrières. Le hall dans cette demi-pénombre orangée, donnait un aspect presque féérique au lieu. Jack contempla son idée en état de rouler. Satisfait du boulot qu’avaient accompli ses compagnons, il les félicita tous d’une tape dans le dos en souriant allégrement. Ce qui était aussi rare qu’un peu effrayant pour les autres : Jack n’avait pas vraiment la tête du mec sociable et amical. Liam s’était contenté de rire en les observant, il ne pouvait que comprendre ses compagnons. Lui connaissait bien le mercenaire et le savait moins bourru qu’il voulait le laisser paraître. Les jumeaux grimpèrent dans le véhicule pour revenir avec des portions de nourriture et des outres d’eau ou de vin. C’était la dernière soirée à être coincés ici et ils comptaient bien fêter ça dignement. Personne ne s’opposa à cette idée. Ils firent un petit feu avec ce qu’ils avaient sous la main pour s’éclairer et se réchauffer : les terres de Gaïa pouvaient se montrer fraîches la nuit tombée. Jack garda sa bonne humeur et discutait de bon cœur avec les frangins, il s’excusa même de s’être emporté plus tôt dans la journée. Jim vint s’asseoir à la droite du leader, il lui tendit une gourde de vin tout en mâchouillant de la viande fumée.
– On oublie donc cette porte et la salle de commande ?
– Pour l’instant. On va se réfugier dans le véhicule et y dormir. Demain matin, quand ils entreront, on y sera un minimum à l’abri. Et si ça dégénère, on pourra s’en servir pour foutre le camp. Comme toi, je voudrais que ça se passe bien mais…
– On n'est jamais trop prudent, termina le mécanicien.
Liam lui fit un sourire en guise de réponse. Il leva l’outre pour saluer ces belles paroles avant de prendre une longue gorgée de liqueur. Jack éclata alors de rire, sa voix résonna dans l’immense hall vide. Les jumeaux devaient avoir raconté une blague dont ils avaient le secret. Le reste de la soirée se déroula ainsi dans la bonne humeur et ils allèrent tous se coucher sur les banquettes du camion.
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