La terre promise (1)

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  Sven était assis devant les écrans qu’il regardait avec intérêt. Zenia s’était éloignée pour récupérer de la nourriture, les boîtes de conserve finiraient par manquer et l’écorchée disait avoir un substitut. Le jeune homme s’était renseigné sur le monde qui l’entourait. Il avait découvert grâce à une tablette, que les températures du continent gelé remontaient. Enfin, le nord devenait plus doux, provoquant la fonte des glaces alors que le sud était plus souvent touché par le blizzard. D’après sa compagne, la Grande Catastrophe avait détraqué le monde à l’époque et les radiations dans l’atmosphère continuaient ce dérèglement. D’après l’ordinateur, son pays avait bien changé ces dix dernières années. Le sud avait perdu plus d’une quinzaine de degrés alors que le nord remontait de cinq. Des créatures nordiques migraient lentement pour échapper à cette chaleur à laquelle ils n’étaient pas habitués. Sven n’en avait jamais vu, mais les rumeurs sur ces « titans des glaces » existaient depuis longtemps. Des êtres humanoïdes et immenses, dotés d’une force incroyable que certains appelaient parfois les trolls des neiges. Titans ou trolls, le danger restait le même. Le troupeau comme le qualifiait Zenia, se dirigeait vers la capitale souterraine pour survivre au réchauffement. Ce qui pourrait entrainer de gros problèmes avec son peuple.

  Dans le reste du monde, des pluies d’acides étaient à prévoir ici ou là. Dans le nord de l’immense continent, le vent aride risquait d’être encore plus violent. Certaines ruines pouvaient aussi se détériorer et provoquer des cataclysmes. Le jeune homme soupira devant toutes ces mauvaises nouvelles. Il se sentait frustré et agacé mais surtout, un besoin de se défouler montait en lui depuis plusieurs jours. Zenia survivait grâce aux radiations, il avait donc compris qu’il y avait des radz dans le coin ou des radiations ordinaires. Il devait trouver un moyen d’expulser son trop plein d’énergie avant d’être intoxiqué. Mais contrairement à un circuit électrique qu’on pouvait mettre à la terre, lui ne pouvait se décharger dans le vide. Il lui fallait un conducteur et ici, le risque de griller les installations technomagiques était grand. Il se leva alors, récupérant la canne que sa nouvelle amie lui avait trouvée. S’appuyant dessus, il marcha vers le couloir pour se rendre à sa chambre. Sa jambe lui faisait toujours mal même si les soins prodigués par Zenia l’aidaient grandement.

  Une fois dans le tunnel, Sven qui avait pensé à s’allonger pour se reposer, eut un vertige. Il posa sa main libre contre le mur avec l’impression que tout le couloir dansait. Le jeune homme sentait comme un poids sur sa poitrine qui rendait sa respiration difficile. Une sueur froide glissa le long de son dos, le faisant frissonner. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il n’avait été malade comme ça que rarement. Comprenant qu’il devait faire quelque chose pour aller mieux, ses doigts se crispèrent sur sa canne et il prit une longue inspiration. Sven frappa avec le bâton pour l’enfoncer dans la pierre. Un regard à gauche, puis à droite pour s’assurer que Zenia n’était pas là : elle lui avait dit ne pas être vraiment humaine, mais il n’osait pas lui dire être un mutant ou un Amplifié, ignorant lui-même ce qu’il était. Expirant alors, il libéra l’électricité stockée dans son corps. L’éclairage tressaillit au rythme des impulsions que déchainait Sven. Après quelques secondes, le jeune homme tituba et finit par tomber dos au mur, le souffle court et en sueur. Totalement livide, il avait le sentiment que toutes ses forces venaient de quitter son corps. Jusqu'à présent, la production d'électricité lui permettait de se sentir mieux. Mais là, il avait accumulé depuis bien trop longtemps les radiations en lui. Déjà avant sa chute et l'isolement, il avait été exposé. Et autre preuve, jamais il n'avait produit une telle décharge, capable d'affaiblir l'éclairage. Il avait bien sûr évité de le faire proche des ordinateurs, se doutant que même à faible intensité, un court-circuit pourrait s'avérer dramatique. Lui qui voulait s'alllonger, il n'était plus sûr d'avoir la force ni le courage d'atteindre son lit.

 – Très intéressant, dis donc.

Zenia s’avançait dans le couloir, un panier sous le bras gauche. Ses yeux argentés posés sur son compagnon et un sourire étrange aux lèvres. Arrivée à sa hauteur, elle posa sa main sur le front de Sven.

 – Tu es un peu fiévreux. Mais tu as meilleure mine que ces derniers temps.

 – Tu… ne me questionnes même pas ? dit-il, troublé.

 – Je ne suis pas idiote. Je peux déduire toute seule que tu as une mutation et apparemment, tu as besoin d’évacuer ce phénomène anormal de ton organisme. De l’électricité donc ?

 – C’est ça… j’accumule la radioactivité en moi et je peux produire de l’électricité.

 – Vraiment intéressant. Tu sais que ça pourrait, peut-être, nous aider à sortir ?

Prit au dépourvu, Sven poussa un bruit interrogateur après les mots de Zenia, mais celle-ci l’invitait déjà à la suivre. Et une fois de plus, elle l'aida à marcher, voyant qu'il tenait à peine sur ses jambes. Elle lui promit de lui donner à manger. Du sucre devrait l'aider à se remettre rapidement.

  De retour dans la salle d’observation, la jeune femme posa son panier sur la table au centre avant d'aider son compagnon à s'asseoir. Sven détestait cette situation, il était si faible et ne pouvait bien souvent se déplacer qu'avec l'aide de cette mystérieuse femme. Il lui était reconnaissant pour son aide, mais sa virilité en prenait un coup. Si peu machiste qu'il était, être aidé en permanence par une femme commençait à lui miner le moral, être dépendant de quelqu'un n'a rien de glorieux. Elle sortit un fruit allongé et jaune, et le lança au jeune homme qui l’attrapa au vol. Zenia en prit un également et se dirigea vers les moniteurs. Rapidement, elle montra à Sven qu’il devait retirer la peau pour manger le fruit. Puis elle lui indiqua un écran, le même où il avait vu la jungle et cette femme tuer deux hommes. Zenia tapota sur un clavier pour changer la caméra. Les deux individus pouvaient alors voir un groupe de personnes dans un immense hall, au centre se trouvait la jeune femme que Sven avait déjà aperçue et face à un inconnu, manchot qui plus est. L’Écorchée reprit la parole :

 – Il y a quelques mois de ça, j’ai bouffé une partie de l’énergie du labo pour communiquer avec l’extérieur. Je suis parvenue à joindre ce groupe qui dispose d’un aéronef, face au regard de Sven, Zenia soupira. Un vaisseau ou appareil de transport capable de voler. Ils ont remis l’engin en état et j’ai réussi à leur laisser des informations dans la base du vaisseau.

 – Des informations ? Pour leur dire quoi ?

 – De trouver un certain site. L’endroit où ils sont actuellement. De là, ils peuvent activer d’autres sites mais surtout : les localiser. Eux comme moi, on aura accès à ces localisations.

 – Pour faire quoi ? questionna Sven.

 – Un site météorologique. Avec mes connaissances et ta mutation, j’ai une idée pour sortir d’ici. Ensuite on se rendra à l’endroit en question. Et on pourra peut-être stopper le détraquement climatique.

 – Tu… tu penses que c’est possible ?

 – Oui, dit-elle simplement. À condition qu’ils arrêtent de s’entretuer et se rendent dans la salle qu’ils viennent d’ouvrir !

 – Et l’utilité de ma mutation dans tout ça ?

 – On dispose d’un moyen de transport à l’étage inférieur. Mais… je n’avais rien jusque là pour l’alimenter. En revanche toi, avec une bonne dose d’électricité, tu pourrais le remettre en route !

 – Je tiendrai pas longtemps accroché à la batterie, hein ?

 – On utilisera les radz pour la suite. Faut juste que tu relances la machine. Mais comme je viens de le dire, on doit déjà attendre qu’ils se rendent dans l’autre pièce. Donc pour l’instant, profitons du spectacle, d’accord ?

Sven et Zenia se concentrèrent donc sur l’écran pour voir ce que ces pirates du ciel comptaient faire de leurs prisonniers. Le jeune homme se demanda s’il allait assister en direct à l’exécution de la jeune sauvageonne. Zenia appuya sur un bouton pour obtenir le son sur ce qu’il se passait dans les ruines qu’ils regardaient.

  De l’autre côté des moniteurs, Noa se tenait devant Nobu. Elle le fixait de ses yeux émeraude. Il était bien plus grand qu’elle et son bras était aussi épais que ses deux jambes. C’était un sacré morceau, pensa-t-elle. La sauvageonne en venait presque à regretter d’avoir ouvert la bouche. Mais elle préféra ça plutôt que d’attendre, enchaînée qu’on l’exécute. Au moins là, elle pouvait faire face. Un brigand s’approcha avec le katana et la veste de la jeune femme qu’il lui tendit sans dire un mot. Noa fit tourner la veste pour qu’elle finisse dans son dos, passant ses bras dans les manches. Contente de ne plus être un morceau de viande observé par tous ces hommes. Certes, il y avait quelques femmes dans les brigands, mais elle sentait bien les regards qui la déshabillaient jusque-là. Elle fixa le katana à sa taille puis fouilla dans sa poche pour sortir sa pipe et ses silex.

 – Puis-je ? demanda-t-elle en montrant la pipe.

Personne ne lui répondit, juste quelques rires se firent entendre parmi les spectateurs. De toute évidence, on lui accordait le droit de fumer. Elle sentait que personne ne l'a prenait au sérieux. Les mains tremblantes, elle l’alluma donc sa pipe pour tirer une longue bouffée de fumée verdâtre. Ses tremblements s’estompèrent enfin. Ce n’était donc pas la peur ou l’adrénaline, juste le manque de son herbe à fumer. Elle fit un sourire, détendue et confiante mais surtout prête à en découdre.

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