Précieux cadeau (3)
Quelques heures plus tard, Orm était adossé à une caisse non loin du feu. Depuis sa vision, son moral était légèrement redescendu car il ne savait pas comment l’exploiter. Savoir Sven en vie était une bonne chose mais ils devaient réussir à quitter ce gouffre. Ogard faisait griller un petit poisson au bout d’une planche cassée, il faisait mine d’être vexé que Sibjorn soit parvenu à en pêcher même si en réalité le fait de s’être procuré à manger était la meilleure chose qu’il leur soit arrivé depuis leur descente dans cet enfer. Malheureusement ils devraient se contenter de cette unique prise pour l’instant car malgré les efforts de Sibjorn, aucun autre poisson n’avait décidé de mordre l’hameçon. Ils mangèrent se maigre repas tout en écoutant le quarantenaire dire qu’il aurait pu l’assaisonner s’il avait eu ses affaires sous la main. Il soulevait un autre problème pensa Orm, en plus de remonter, ils devaient retrouver le quartier où ils avaient élu domicile pour récupérer leurs vêtements chauds, leurs sacs et toutes leurs affaires. Maintenant qu’une partie du bâtiment s’était effondré, rien ne garantissait que tout ne soit pas sous des décombres… Sans oublier le risque de croiser d’autres titans de glace qui pouvaient se promener où ils voulaient.
Après avoir conclu qu’ils avaient plus de problèmes que de solutions, le groupe s’empressa de manger leur maigre prise pour se remplir le ventre. Même s’il n’était pas gros, le poisson grillé eut un goût délicieux avec quelque chose de réconfortant face à cette situation désespérante. Orm se redressa en soupirant après avoir avalé sa part, son pied glissa sur la roche lisse et inégale, il perdit l’équilibre et lança sa main pour se rattraper. Le contact avec la caisse en bois fut douloureuse, d’instinct il avait utilisé son bras blessé et il faillit hurler mais son corps était comme tétanisé. Une voix résonna dans sa tête, il se sentit agressé avant de parvenir à identifier la personne qu’il entendait.
– C’est donc une arme ? Mon frère pourrait s’en servir contre des titans ?
C’était Sven ! Il parlait à quelqu’un, sûrement cette mystérieuse femme et Orm était le sujet principal de la discussion. Il entendit ensuite un grincement, comme une porte qui s’ouvre. L’instant suivant, le corps du chasseur fut parcouru de frissons et de spasmes mais ce n’était pas à cause de son bras cassé. La voix de son petit frère s’éleva de nouveau en lui :
– J’espère que tu vas bien, Orm. Ce truc, aussi étrange soit-il, devrait t’être utile. En tout cas, je le souhaite de tout mon cœur. Je suis désolé de partir mais j’ai trouvé quelque chose d’important à faire… rentres sans moi et ne t’en fais pas. Je te promets de revenir.
Orm sentit des larmes perler sur ses jours : pourquoi Sven devait partir ? Et pour aller où ? De quoi parlait-il qui pourrait s’avérer utile ? Il s’inquiétait pour son frère, ne pouvait accepter l’idée de le laisser seul dans un endroit inconnu.
Sa vision cessa d’être trouble, la douleur ainsi que le froid firent leur retour comme si son corps venait d’être plongé dans une eau glacée. Il ne comprenait pas tout ce qui venait de se passer. Il ignorait de quoi parlait Sven mais étrangement, son regard se posa naturellement sur l’énorme caisse qu’ils n’étaient pas parvenus à bouger avec ses compagnons. Instinctivement, il le savait, c’était cette boite qui possédait toutes les réponses qu’il se posait. Orm s’avança prudemment pour éviter de glisser de nouveau et chercha comment ouvrir le fruit de sa curiosité. À première vue, il n’était pas possible de différencier le devant de l’arrière de cette caisse, il n’y avait pas non plus d’interstice pour y glisser un doigt afin de l’ouvrir. Pendant que le jeune chef observait ce contenant comme une poule devant un couteau, Ogard le suivait des yeux en essayant de comprendre ce qui se tramait dans la tête de son compagnon.
Orm laissa glisser ses doigts sur la surface métallique et froide du coffre. Il y avait des gravures sur l’acier à différents endroits mais il ne connaissait pas l’ancienne langue et ne pouvait s’en aider pour l’ouvrir. À un moment, une des plaques bougea légèrement au passage de sa main, il tenta une impulsion pour l’enfoncer et un cliquetis se fit entendre. Les deux côtés de la caisse s’ouvrirent comme deux portes battantes pour enfin laisser voir ce qu’il y avait à l’intérieur.
Ogard ainsi que Sibjorn avaient cessé toute activité pour se concentrer sur ce que venait de découvrir leur ami. Tous les trois avaient à présent sous les yeux un objet étrange, composé de plusieurs tiges qui semblaient être faite d’un acier noir et donnaient le sentiment d’observer les pattes d’une énorme araignée. Le tout était relié à différentes plaques et câbles. Orm se demanda en quoi ce truc pouvait être une arme ? Cette chose était aussi grande que lui si ce n’est plus et devait donc être très lourde car faite en acier ce qui la rendait, à ses yeux, peu pratique. Un bout de papier était accroché à l’une des tiges-griffes de l’engin.
– Qu’est-ce que c’est que ce machin ? laissa échapper Ogard devant cet étrange spectacle.
– C’est un message de Sven, expliqua Orm en empoigna la note pour la déplier.
– Une araignée mécanique ? Faudra lui dire qu’il a des goûts bizarres quand même, ironisa Sibjorn.
Orm ne prit pas la peine de répondre à son compagnon, il commençait déjà la lecture du mot et comprit rapidement que c’était l’inconnue qui l’avait fait car l’écriture était bien différente de celle de son frère.
« Ceci est une armure WIV’LAUR datant de l’époque que vous appelez l’ancien temps. Elle s’agrippe au corps de son utilisateur pour améliorer ses mouvements et peut également servir de protection même si ce n’est pas son objectif principal. Pour l’activer, il faut ajouter une séquence génétique dans l’unité centrale mettre une goutte de sang sur le boitier du milieu. L’armure fera ensuite une analyse de l’utilisateur avant de s’y synchroniser. Attention, la première utilisation peut s’avérer légèrement douloureuse car la WIV’LAUR va effectuer des points de pression à différents endroits du corps pour stimuler le système nerveux.
P.S. : le nom de cette armure pourrait se traduire en : Veuve Noire, elle ne reconnait que l’utilisateur qui a fait le pacte de sang et ne pourra être utilisée que par cette personne jusqu’à ce que l’armure détecte le décès de son utilisateur. Le choix de celui qui va l’utiliser n’est donc pas à prendre à la légère. Pour utiliser l’armure, une fois synchroniser : pas besoin d’explication, vous comprendrez le principe par vous-même. »
Après cette lecture à haute voix, Orm se tourna vers les deux autres pour voir s’il l’un d’eux avaient compris quelque chose de plus que lui. L’ancien marchand se contenta d’hausser les épaules, de toute évidence une araignée métallique ne l’intéressait pas trop.
– T’as un bras blessé, du coup une armure pour compenser et te protéger, c’est pas plus mal, non ? demanda Sibjorn.
– Donc la question de qui va l’utiliser ne se pose pas, conclu Orm.
– À la vie à la mort, j’ai jamais été friand de ce genre de promesse, expliqua Ogard avec un sourire en coin.
– Ça aurait limité énormément tes anecdotes si tu avais dû te caser avec une seule femme, plaisanta le jeune chef. Bon, quand faut y aller… quelqu’un à un couteau ou un truc pour m’aider à passer ce pacte de sang ?
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