Entre ciel et terre
Le soleil était déjà haut et se reflétait sur les fenêtres de l’hôpital. Plusieurs jours avaient passé et tout le monde ne parlait que de la jeune femme qui avait kidnappé un enfant, avant d’être repérée par un agent de police qui avait payé de sa vie son acte de bravoure et malheureusement laissé s’enfuir la meurtrière avec son otage, non sans la toucher par deux fois avec son arme de service. Les médecins dépêchés sur place par INRIS avaient constaté de nombreuses choses, notamment à cause de la quantité de sang versé et leurs prélèvements avaient identifié celle qu’ils recherchaient. Les télévisions se consacraient essentiellement à cette affaire, malgré le peu d’informations qu’elles avaient et à cette heure, les présentateurs et présentatrices du pays répétaient sans cesse les mêmes informations depuis la veille.
Zelda Carmen est toujours en fuite. Ses complices sont introuvables et la rame de tramway qu’elle occupait a été vidée et nettoyée. La police cherche toujours à comprendre le mobile du crime ainsi que la place de la criminelle dans la société. L’acte n’ayant pas été revendiqué et aucune organisation n’étant officielle, il est pour l’instant difficile de savoir ce qui aurait pu pousser une jeune journaliste à…
- Décidément, la Présidente cache toujours aussi bien notre existence, murmura un jeune homme, assis à côté d’un lit d’hôpital, à plusieurs mètres sous terre.
- Oui, lui accorda l’espagnole en secouant la tête, mais c’est un peu de sa faute, quand-même…
- Ne dis pas ça, Victoria, tu sais bien qu’elle n’y peut plus rien, maintenant… Et puis, même à l’époque, elle n’y pouvait pas grand-chose, je crois.
- Si, si, je sais… C’est juste que de la voir, là, comme ça…
- Ça fait bizarre, oui…
- Fred a dit qu’elle était hors de danger, déclara-t-elle avec assurance. On devrait pas s’inquiéter.
- Tu as raison, mais comment on va lui dire, pour l’autre… ?
- Je sais pas. Tu sais comment elle est, surtout après une opération ratée comme celle-là…
- Elle déteste être blessée et forcée à rester alitée. On va l’entendre râler un peu…
Ce furent les premiers mots que la jeune femme entendit. Ses yeux papillonnaient encore dans la lumière artificielle et son esprit vagabondait un peu, mais ces quelques mots lui firent tourner la tête. Elle se redressa maladroitement sur ses oreillers et émit ce qui ressemblait plus ou moins à un croassement.
- Bonjour Zelda… sourit sa camarade de boisson.
- Comment ça va ?
- Les… Les médicaments font encore… effet, marmonna-t-elle d’une voix rauque. Comment va… Kazumi… ?
- Kazumi ?
- Ah, l’enfant ! s’exclama le jeune homme d’une voix un peu forte qui fit grimacer la blessée. Il est atteint d’albinisme occulo-machin de type 3, si j’ai bien compris et…
- Ses blessures… ?
- Ça… Je suis pas sûr d’être le mieux placé pour en parler… tenta-t-il en glissant un œil vers sa camarade, qui refusa tout net.
- Ni si te ocurra !
- Pardon… D’après le docteur, l’impact et la balle en soi n’ont pas fait tant de dégâts, c’est un véritable coup de chance qu’elle n’ait frappé que les côtes, mais il avait perdu beaucoup de sang pour son âge et sa taille. Il est normalement sorti d’affaire, pourtant Fred refuse de se prononcer définitivement, tant qu’il reste un risque…
- Qu’il ne se réveille… pas ? murmura Zelda en fermant les yeux, se laissant retomber sur le lit.
Ils restèrent muets, cependant leur silence ne suffit pas à cacher leur inquiétude. La jeune femme leur tourna le dos et tenta d’élever la voix, ne parvenant qu’à grand peine à aligner sa voix sur un ton un peu virulent.
- Allez-vous-en… Non, allez le voir. S’il se réveille… Si vous pouviez demander… À ce qu’il soit installé à… À côté…
- On va essayer, amiga, si ça peut t’aider à te reposer.
- Merci…
- Tu ne veux pas savoir ce qui va t’arriver ? s’inquiéta le jeune asiatique en se levant et en jetant un œil à sa perfusion.
- Je le saurais bien… assez tôt…
- Ne t’inquiète pas si ton Optio est désactivé, ajouta son amie, c’est…
- Pour qu’elle ne… me retrouve pas, hein…
- Repose-toi, le boss ne devait pas tarder à arriver, il a dit qu’il passerait avant sa réunion. Viens, Victoria, on y va.
Ses deux collègues lui adressèrent un petit signe et quittèrent les lieux rapidement, à tel point que même l’esprit embrumé de Zelda lui fit comprendre qu’ils fuyaient plus qu’ils ne partaient. Elle n’avait aucune idée de pourquoi et ne chercha pas. Elle le saurait bien assez tôt, surtout si son père adoptif venait vraiment. Il lui ferait un exposé détaillé de toutes les erreurs qu’elle avait commises et il n’aurait pas tort. Elle avait clairement mis l’organisation en péril, probablement jeté leur ultime plan à l’eau, failli se faire tuer et pour ne rien arranger, elle avait mis en danger quelqu’un d’étranger et tué un représentant de l’ordre public. Oh, elle avait aussi failli faire tuer un de ses camarades et donné sa véritable identité à son ennemie mortelle, rien de vraiment dangereux. Si ?
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