Acte III

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Acte III

Lorsque la salle redevint calme, vide de toute présence à peine humaine, la marionnette s'autorisa à plonger dans ses pensées. Elle avait si peur, de cette conscience qu'elle prenait de jour en jour que le monde l'entourant n'était qu'un ramassis de réactions superflues, de faux-semblants, et de manipulation.

Elle ne savait plus exactement à quel moment elle s'en était sortie, ni même comment c'était simplement possible. Chaque fois qu'elle tournait la tête, elle le voyait lui ou ses désirs dirigeant ses gestes.

Danser avait été son rêve jadis. Sa bulle de liberté, son envie de s'exprimer, son besoin de sortir ce que sa poitrine contenait sans rien céder au dehors. Elle avait eu peur de ses premières représentations, mais elle s'était sentie vivre finalement. C'était son moment à elle, son heure de gloire, et sa fierté.

Cela avait duré un certain temps dont elle ignorait les bornes : les jours se ressemblaient trop pour les différencier.

Puis, c'était devenu autre chose. Elle ne racontait plus seulement une histoire, elle la vivait. Cette passion destructrice entre elle et son compagnon, c'était plus qu'un spectacle. Ses entrailles avaient commencé à vibrer quand ils se mettaient à danser l'un contre le corps de l'autre. C'était une union qui donnait un véritable sens à leur représentation, qui aurait dû faire pleurer les yeux, créer une vague d'émotions dans la salle.

Ce n'était jamais arrivé. Et cela n'arriverait jamais.

Lui ne s'était à aucun moment demandé pourquoi, cela ne l'intéressait pas.

Mais elle, avait commencé à réfléchir au-delà de ce qui lui était permis.

Danser n'était pas son rêve, et cela ne l'avait sans doute pas été à un seul instant. C'était celui de quelqu'un d'autre, qui le vivait seulement à travers elle. Et comme tous ces gens venus les voir en n'en ayant pas éprouvé l'envie, peu à peu sa passion avait cessé d'exister. Elle était devenue une machine, elle aussi, cessant de croire qu'elle avait choisi.

Qu'elle pourrait toujours avoir le choix.

Chaque soir voir au travers des spectateurs celle qu'elle était devenue était un coup de poignard que l'on enfonçait en plein cœur. Le contact de sa peau sur la sienne, leurs regards haineux ou complices pour la scène lui étaient insupportables ou insuffisants.

Chaque jour était identique au précédent et ne différait en rien de ce qui se passerait le lendemain.

Elle s'était lassée, s'était faite une raison, à l'image de ceux qu'elle regardait plus qu'ils ne la regardaient vraiment. Elle s'était mise à danser sans réfléchir, ses gestes emportant tout, ses bras s'animant seuls, ses jambes l'amenant au sol quoiqu'elle tente de résister. Ses muscles engourdis après une représentation lui faisaient l'effet de lui avoir été greffés, de n'être pas les siens réellement.

Ce soir-là précisément, le regard rivé sur ses genoux brûlés par le parquet, elle comprit qu'elle ne voulait pas que sa vie soit celle d'un autre. Lorsqu'elle releva la tête pour observer celui qui l'accompagnait depuis toujours, luisant de sueur tandis qu'il se désaltérait, elle en fut certaine...

La révolte avait fini par embraser sa poitrine.

La marionnette ne voulait plus en être une.

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