ÉPISODE 3 : Qu'est-ce que la vie ?

La danseuse : Joie

   –  Arabelle ? Arabelle ? Tu nous entends ?

   Ces mots mettent un terme à ses sanglots. Elle en oublie même la douleur qui se diffusait depuis sa plaie. Des voix singulières. Elle n'est pas seule. Elle se retourne. Scrute la rue. Personne. Elle regarde de l'autre côté. Idem.

   –  Je les ai entendus. C'est sûr.

   –  Arabelle !

   –  Je suis là ! s'exclame-t-elle. Où êtes-vous ?

   Pas de réponse. Notre caméra située à l'arrière de son crâne s'élève et s'incline, passant par dessus sa tête dans une rotation renversante pour se positionner face au visage qui nous apparaît de ce fait à l'envers. La caméra bascule alors sur le côté pour que l'image soit à l'endroit. Le plan met en lumière ce magnifique visage empli de joie. Ses lèvres arborent un timide sourire, faisant se bomber ses joues violettes d’hématomes, forçant le bord de ses yeux à se rider de pattes d'oie. Puis elle exulte. Son visage bouffi prend enfin un air réjoui. Elle n'est pas seule. Elle est perdue, certes, mais pas seule. Elle ne cesse alors de le répéter, encore et encore, sa voie euphorique gagnant en assurance :

   –  Je ne suis pas seule.

   Alors elle lève un bras, puis l'autre, se redresse, se met debout, tourne et danse. Elle entame un ballet gracieux et délicat, rejetant sa peine et sa douleur pour accueillir à bras ouverts cette sensation de plénitude. Sous le regard émerveillé de cette petite fille couverte d'un imperméable jaune, elle danse sur cette promenade, le long de la mer, sous le chant des mouettes et des goélands, rythmée pas la brise et la joie de vivre.

   –  Je ne suis pas seule, continuera-t-elle de penser.