À la dérive
ÉPISODE 3 : Qu'est-ce que la vie ?
À la dérive
– Je ne me souviens pas.
– T'es sûr ?
– Oui, la seule chose dont je me souviens c'est que je me suis réveillé chez cet homme et qu'il s'est occupé de moi, mais qu'il ne pouvait rien dire de plus.
– Mais c'est complètement con, il aurait pu au moins te dire ce qui t'est arrivé.
– Ils ont tous préféré ne rien dire et faire comme si j'avais toujours fait partie de leurs vies. Mais maintenant j'en suis sûr, je ne suis pas né sur cette planète. D'ailleurs, parle-moi de la tienne. Si tu as déjà vu les robots qui se sont occupés de moi, peut-être qu'on est du même monde.
Après plusieurs jours de captivité, les deux hommes s'étaient liés d'amitié. Leurs conversations tournaient toujours autour des mêmes sujets. Leurs origines, leur passé, ce qu'ils sont devenus. Beaucoup de points communs les lient, à tel point que cela en devient presque curieux. Mais aujourd'hui, pour la première fois depuis un long moment, Taak est heureux. Il a retrouvé cette émotion qui était si profondément enfouie en lui. Hélas, l'engouement sera de courte durée.
Une forte secousse se fait ressentir dans toute la cellule avant de faire place à un calme pesant. À première vue, juste des turbulences spatiales. Saule se redresse et regarde par le hublot. Ses yeux balayent cet univers vaste, riche et pourtant si vide, avant de poser le regard sur la fusée. Leur fusée. Ils ont été expulsés. Leur module a été catapulté dans le vide sidéral, largué comme un vulgaire déchet.
– Ils ont quand même pas fait ça !
– Quoi ?
– Taak, je crois que nous sommes livrés à nous-mêmes.
– T'es pas sérieux là j'espère ?
– Malheureusement, si.
– Fais chier, fait chier, fait chier. Merde. On est dans la merde. On va crever tout seuls dans l'espace et en plus …
– Chut, lui souffle Saule en prenant la tête de Taak entre ses paumes. On va trouver une solution.
La panique laisse alors place à l'angoisse, puis au calme et au silence. Encore ce silence.
– Ma planète s'appelait Q – se prononce kiou. Une simple lettre me diras-tu. J'avais une famille merveilleuse. Il faisait bon vivre, sauf quand les tempêtes de pierres menaçaient de faire des ravages. Hormis ça et les lacs de venins, on s'y plaisait plutôt bien.
– Les tempêtes de pierres ? Ça ne me parle pas. Je n'ai pas de souvenir de cela.
– Un jour, ma famille et moi devions faire un voyage touristique dans l'espace à bord du plus gros vaisseau jamais construit sur Q. Le spectacle était magique. Pouvoir voir sa propre planète. Tu imagines ?
– Oh que oui, j'ai vu Linéa flamber quand j'essayais d'entrer dans cette satanée fusée.
– Ah. Oui. Autant pour moi. Bon. De toute façon, ça a mal tourné pour moi aussi. Une erreur de trajectoire nous a envoyés dans l'espace. Perdus, à la dérive dans un univers que nous ne connaissions que très peu. Et puis il y a eu cette planète. Elle nous a aspiré. Comme si un énorme champ magnétique avait précipité notre vaisseau sur elle.
– Vous vous êtes écrasés comme l'a fait cet énorme machin.
– Oui, répond Saule non sans émotion. Mon grand-père était à bord de ce vaisseau. Lui, moi et tous les survivants avons été accueillis par une ville déserte. Alors nous nous la sommes appropriée. C'est mon grand-père qui leur à donné ce nom, à la ville et à la planète tout entière. Linéa. Et me voilà maintenant à revivre la même chose.
Taak détourne le regard, pensif, percutant ce que venait de dire plus tôt son camarade. « Q ». Il a déjà entendu ce nom. Ce fameux robot n'arrêtait pas de le répéter.
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