Lorsqu'ils eurent terminé leur repas, les adolescents se séparèrent.

— Montre-moi ta chambre ! demanda Malia à son meilleur ami.

Sa chambre était exactement la même que la sienne. La même taille, le même aménagement. Quelle déception ! Malia manqua de se moquer gentiment de lui en voyant la demi-douzaine de livres qui trônaient sur sa table de chevet.

Shane s'assit sur le lit, et Malia s'installa en face de lui sur la chaise de bureau.

— Alors, de quoi tu voulais parler ?

— Rien de spécial, répondit-elle en haussant les épaules. Juste parler.

Il y eut quelques secondes de silence avant qu'elle s'exclame :

— Shane... la magie existe !

— Mais oui !

— Mais tu te rends compte ! On est des sorciers ! Je peux faire du feu ! Et de l'eau ! Et... communiquer par la pensée ! Enfin je crois.

— On apprend à faire des potions, on va apprendre à réciter des formules ! On pourra tout faire !

— Il y a de la nourriture à volonté !

— Il y a des couloirs sans fin !

— J'adore la magie !

— Moi aussi !

Il la prit frénétiquement dans ses bras pour coller un énorme bisou sur sa joue, ce qui la fit beaucoup rire.

— On va devenir deux sorciers super badass.

— Et on butera le cul aux méchants sorciers !

— Et on enseignera à la prochaine génération !

Les trente minutes qui suivirent furent ponctuées d'adoration pour la magie et de spéculations sur les possibilités qu'elle leur offrait.

— J'ai encore du mal à réaliser, fini par avouer Shane. J'ai l'impression que je suis dans un rêve et que d'un coup, tout peut disparaitre.

— Et on retournerait à nos vies d'avant...

— Je ne sais pas si j'en serais capable.

— Moi non plus. Cette école... c'est tout ce dont j'ai toujours rêvé. Et vivre ce rêve avec toi !

— Oui !

— Cela dit, il faudrait quand même qu'on trouve une excuse plausible pour l'école et le foyer... on n'a pas encore dix-huit ans, on n'a pas le droit de partir comme bon nous semble. Ils n'arrêtent pas d'appeler.

— La batterie de mon téléphone a lâché tout à l'heure... déplora Malia.

— Moi aussi, ce matin... On devrait peut-être demander aux garçons de nous aider ? Il nous faudrait une attestation de l'Académie disant qu'on a changé d'école. Ou un truc comme ça.

— On pourrait le falsifier ? Avec la magie je suis sure que c'est possible, proposa malicieusement Malia.

— T'es folle ! On fait quoi si on se fait prendre ?

— On appelle Axel et Raphaël, ils nous téléporteront !

— Mais si on nous envoie en prison.

Malia le regarda en arquant un sourcil.

— On est mineur, Shane ! Ils ne vont jamais nous envoyer en prison, surtout pour ça.

— On sait jamais ! Et sinon, je change totalement de sujet, mais : de quoi vous parliez avec Axel hier soir en dehors de la chambre ?

Malia lui expliqua ce qu'il s'était passé entre Axel et Antonis.

— Antonis a pourtant l'air si gentil !

— Mais oui ! J'étais choquée ! Et je pensais qu'Axel allait monter dans les tours et s'énerver contre lui, mais il était très calme... Du coup, après leur dispute, il a quitté la pièce. Je pensais qu'il était vexé donc je voulais lui en parler.

— Et ça allait ?

Elle fit la moue.

— Il en avait l'air en tout cas.

— Tu sais que Raphaël m'a présenté ses excuses ?

— Ses excuses ? Pourquoi ?

— Tu sais, hier matin, quand il s'est « énervé » pour que tu réussisses à utiliser ta magie. Il m'a traité d’incompétent.

— C'était juste pour m'énerver.

— Je sais ! Et, même si j'avoue que sur le coup ça m'a fait un peu mal, je ne lui en voulais pas du tout. Mais il tenait à s'excuser quand même.

— C'est vraiment un gars bien. Même si je me sens un peu bête d'être tombée dans le panneau ! rit-elle.

— J'avoue que, sur le coup, j'ai trouvé ça étrange. Et tu sais, j'ai voulu t'aider à un moment, mais Axel m'a fait signe de laisser faire.

— Tu crois qu'il savait ce que faisait son frère ?

— Probablement.

Ils discutèrent encore une bonne demi-heure jusqu'à ce que Malia se souvienne de quelque chose dont elle voulait lui parler :

— Au fait ! En parlant avec Axel, il m'a dit que la magie pourrait nous aider à connaitre la vérité sur notre passé.

Shane lui fit un petit sourire complice avant de se pencher pour attraper les livres qu'il avait ramenées de la bibliothèque. Il les lui tendit. Tous traitaient plus ou moins directement du passé.

— J'ai commencé à chercher ce qui existait, avoua-t-il, avant d'ajouter précipitamment : mais je sais que notre priorité est de neutraliser le sorcier qui nous a attaqués !

Malia sourit. Elle savait qu'il ne s'était engagé dans la chasse au sorcier que parce qu'elle avait décidé de s'y lancer. Bien sûr qu'il préférait se renseigner sur leurs origines... Mais maintenant qu'ils étaient lancés, il était bien trop poli pour accepter de faire marche arrière, même si c'était ce qu'il désirait le plus.

Et puis, ce n'était maintenant qu'une question de temps.

— T'es le meilleur, commenta-t-elle.

Ils passèrent le reste de la journée à discuter de tout et de rien, parcourant rapidement les quelques ouvrages dont ils disposaient.

***

Le lendemain matin arriva beaucoup trop vite, notamment car la nuit avait été courte. Ils avaient passé la soirée en compagnie d'Antonis, qui avait terminé de réviser, et s'étaient couchés tard. Et bien que Malia rêvait d'une grasse matinée...

— Toc toc, fit une voix, la réveillant.

Elle plongea dans un désespoir infini en reconnaissant Axel et geignit.

— Tu mériterais de bruler en Enfer.

— Toujours plus dans l'exagération, se moqua-t-il. Allez lève-toi avant de subir mon courroux.

— Je te déteste.

— Je sais.

Malia s'assit sur son lit et lui sortit son meilleur jeu d'acteur d'enfant triste. Il se mit à rire.

— Tu as une sacrée tête au réveil.

Elle lui balança son fameux geste déplacé dont il commençait à avoir l'habitude, qui valait toujours plus que mille mots pour décrire ses pensées.

— Allez, dépêche-toi ! ordonna-t-il en se téléportant.

Raphaël, Axel et Shane étaient déjà là, assis, à manger tranquillement. Malia s'installa à leurs côtés.

— Bon matin ! souhaita Raphaël.

Elle grogna, les faisant rire, avant de se jeter sur la nourriture.

Ils discutèrent plusieurs minutes dans le calme.

— Oh attention ! prévint Malia à voix basse. Votre fan-club arrive...

En effet, les quatre filles qui étaient venues squatter leur table le premier jour se dirigeaient dangereusement vers eux. Sans prévenir, Axel se leva en chuchotant :

— On se casse !

Il attrapa le bras de son frère pour qu'il le suive. Shane regarda Malia avec incompréhension avant qu'ils ne se lèvent à leur tour. Lorsqu'ils se croisèrent, la brune s'accrocha au bras du blond :

— Vous partez déjà ? demanda-t-elle avec une moue triste.

— Oui, on vous laisse la place, dit-il en se détachant d'elle poliment et en prenant la tangente, sans se retourner.

Malia, un peu plus loin, rit de sa réaction., ce qui lui valut un regard noir de la concernée. Elle lui envoya un grand sourire insolent, et si Shane ne l'avait pas tiré à sa suite, Malia était sure qu'elle lui aurait sauté dessus.

— Cette situation est très amusante ! murmura-t-elle à Shane avant de rattraper les deux frères.

— Juste pour toi.

— Oh, arrête ! T'as pas l'impression d'avoir été projeté dans une série américaine avec celles-là ? Sérieusement, c'est à mourir de rire !

Il eut un petit sourire, qu'il tenta de réprimer.

— Malia ! tenta-t-il, réprobateur.

— Je saiiiiis.

— Tu t'en prends à une sorcière !

— Moi aussi je suis une sorcière !

— Tu t'en prends à une sorcière expérimentée !

— C'est elle qui s'en prend à moi. Je ne suis qu'amour ! ironisa-t-elle.

— Je te signale que si on était dans une série américaine et qu'elle était ta rivale, ça voudrait dire que tu aurais des vues sur le héros, dit-il discrètement en désignant le blond, alors qu'on les rejoignait presque.

Malia le regarda de haut en bas avant de hausser les épaules.

— Hm... Je n'avais pas pensé à ça.

Aucun d'eux ne put rajouter quoi que ce soit, car ils rejoignaient déjà les deux frères.

— Qu'est-ce que vous marmonnez tous les deux ?

— On parlait sur vous ! railla l'adolescente, clôturant la question.

Ils passèrent la matinée dans la chambre des deux frères, à apprendre les bases des formules. Faire des rimes, rester attentif aux nombres de syllabes, bien choisir ses mots... Si Malia avait retenu une chose, c'était qu'elle préférait l'alchimie aux formules. Elle s'était ennuyée tout le long !

Shane continua de poser des questions sur la leçon pendant la pause déjeuner, ce qui agaça fortement l’adolescente. À croire qu'il n'en avait pas eu assez !

L'après-midi, finit la théorie : ils reprirent l'entrainement sur la magie intuitive. Ils faisaient de bons progrès, réussissant à mieux utiliser leur magie. Cependant... l'utiliser et la contrôler était deux mots très différents.

Les deux frères levèrent la session d'entrainement lorsque Malia manqua d'inonder la salle, alors qu'elle tentait de créer une légère pluie fine. Résultat : ils étaient tous trempés, et épuisés.

— Il vaut mieux s'arrêter là, rit Raphaël.

— Je suis vidée ! Je ne crois pas qu'il reste la moindre goutte de magie en moi.

— Heureusement, railla Axel. Sinon tu nous aurais carbonisé cette fois !

Elle lui tira la langue, ce qui fit rire Shane.

Malia était si fatiguée par sa journée qu'elle alla se coucher juste après manger.