C’est Jericho ici ! Les villes, les boulevards, les immeubles sont vides ou complètement défoncés. Je ne comprends pas comment j’ai pu me retrouver coincée ici ? Bon, ce n’est pas la première fois que je tombe dans un parallèle apocalyptique. Comme si le destin de la Terre oscillait entre deux phases, ne pouvant arrêter sont choix sur l’une ou l’autre. Cette probable fin du monde, telle une épée de Damoclès. Si ça continue, c’est l’univers qui risque d’imploser. On pourrait imaginer, une étoile hésitant sur sa façon de mourir. Supernova ou trou noir ? La Terre bloque sa ligne temporelle dans une incertitude trop instable. Bref, réflexions mises à part, je reviens sur ma « Jericho Earth », parce que si je veux résoudre cette anomalie énigmatique, je dois d’abord me tirer de ce bourbier. Perdue dans les méandres de mes angoisses, j’ai omis de mentionner un détail essentiel : Aloisius. Accessoirement, avoir un partenaire dans un univers totalement méconnu, peut s’avérer utile. Surtout si le partenaire en question y est né.

Aloisius, que dire ? C’est un survivant. Plutôt solitaire et débrouillard comme un singe ! Il serait plutôt chat : sauvage, indépendant, fonctionnant à l’économie d’énergie, privilégiant la réflexion à l’action selon les situations. Aloisius rêve de trouver Utopia, la cité mythique où  la civilisation et l’espoir d’une existence meilleure sont possibles. Après le cataclysme écologique, la vie sur Terre s’est transformée en enfer. On peut supposer que près de quatre-vingt dix pourcents de la population a été anéantie, et près de soixante-dix pourcents de la surface de la planète sont devenus impraticables. Aloisius a grandi dans cette Géhenne de nuages magnétiques, à l’atmosphère viciée par les gaz toxiques et les zones de haute radioactivité. La couche d’ozone ne protège plus des éruptions de cet « astre du jour », qui autrefois donnait la vie à toutes choses. Par endroit, les vents solaires ont tout carbonisé sur leur passage. Le jeune homme a été bercé de récits sur la grande cité d’Utopia. Ses parents, aujourd’hui décédés, lui ont conté qu’il devait être fier d’être un descendant des fondateurs du « Nouveau Monde ». Je me demande comment peut-on se trouver si loin de ce royaume idyllique si on en est héritier ? Aloisius s’était, bien entendu posé la même question. Sa mère lui avait répondu qu’il y avait eu une première Utopia, mais qu’elle avait dû être reconstruite ailleurs, pour la protéger de l’avidité de certains groupes d’humains, malveillants. Le scénario est plausible, j’ai pourtant une tout autre théorie sur le sujet. Cette légende a été créée dans l’espoir qu’un jour les jeunes générations tentent de refonder une civilisation digne de ce nom, afin de rendre sa dignité à l’humanité et offrir un avenir aux enfants. En attendant j’ai décidé d’aider mon nouvel ami dans ses recherches, en espérant que cette version du monde ne soit pas un point fixe dans le temps.

Je ne me sens pas à l’aise à l’idée de passer la nuit dans un immeuble désaffecté, avec un feu de camp improvisé. Ça fait clodo, en plus ! Cependant, en attendant de rejoindre la prochaine acropole, dernier vestige de notre culture, je n’ai pas le choix. Il me faut un minimum de technologie, même basique : poste radio, lecteur cassettes, montre etc. Je dois booster mon manipulateur de vortex, afin d’augmenter sa sensibilité à l’intriquation quantique et obtenir un maximum d’informations sur le point de rupture dans l’Histoire des Hommes. Voyager dans le temps n’est plus possible, mais trouver le moyen de plier le continuum afin de modifier la divergence temporelle, semble réalisable. Aux vues des circonstances, c’est le seul moyen.