Chapitre 6

7 minutes de lecture

28 juillet 2020

Toute la journée, je m’étais demandé ce que je devais faire. Finalement, j’avais pris mon courage à deux mains et m’étais décidé de retourner à la cave. Je voulais récupérer les carnets. Comme ça je n’aurais plus à aller les chercher à chaque fois que j’en finissais un. Je pense que c’était la meilleure chose à faire. Juste avant que mes parents ne reviennent, je suis descendu. J’avais espéré que ça serait de plus en plus facile, mais je me suis trompé. A peine avais-je ouvert la porte que je ressentis un coup de froid. C’était beaucoup plus fort que toutes les autres fois. Adélie devait être en colère que je la prive de la compagnie de ma sœur. Elle me le faisait ressentir avec ce froid surnaturel.

La sensation se dissipa quand je donnai un coup sur la petite sonnette. Après avoir allumé, je me dirigeais rapidement vers l’étagère. Le chemin entre les meubles n’avait pas bougé. Je me retrouvai à me faufiler entre canapé, table et buffet. J’arrivai assez vite là où était rangé les livres. J’avais laissé le drap baissé, pour ne pas que mes parents ne voient les ouvrages. C’était une mesure de sécurité, étant donné que je ne savais pas si je devais leur en parler.

Je soulevai le morceau de tissus. J’eus alors la surprise de ne plus voir aucun carnet. Les deux étages étaient totalement vides. Je restai perplexe un instant. J’étais en train de refaire le chemin inverse quand je me suis dit que, peut-être, l’esprit ne voulait plus de moi ici. À peine cette pensée m’avait-elle traversée l’esprit que la lumière s’éteignit.

Mon cœur accéléra. Qu’est-ce qui arriverait si la lumière se rallumait ? Je n’avais pas sonné une deuxième fois ! La sensation de froid réapparut. J’avais l’impression de me trouver devant un congélateur ouvert. Je frissonnai. La sortie était légèrement à ma gauche. Je contournai le dernier meuble et me mit face à la porte. Là, je fermai les yeux et me dirigeai vers la sortie. Si jamais la lumière se rallumait, je ne voulais pas voir l’esprit par inadvertance. Il n’y avait aucun obstacle, ainsi, je pu sortir sans aucun -autre- problème. Une fois hors de danger, j’ouvris les yeux. J’étais encore dos à la cave.

C’est sans doute ce qui me sauva la vie. La lumière se ralluma, projetant mon ombre sur les escaliers. Je n’osais plus bouger. Doucement, je vis une ombre prendre forme derrière moi. Au départ je pensai rêver. Or, l’ombre gagnait en substance. Avec une lenteur irréelle, je la vis se glisser par-dessus la mienne. L’esprit de la cave, Adélie, était juste derrière moi. Deux mains glacées agrippèrent mon bras gauche. L’effet cumulé du froid et de la surprise me fit hoqueter. Tous les éléments de mon cauchemar était réuni. J’en tremblais de peur.

Je sens encore ses mains froides me toucher, même après plusieurs heures. Parfois, la nuit, on a la sensation que quelque chose vous sort de vos rêves. Ça n’est qu’une mauvaise sensation. Mais elle réussit à vous sortir de votre sommeil. Vous ne vous êtes jamais dit que ça pouvait être quelqu’un ? Après tout, pouvez-vous être sûr que personne n’était avec vous, dans votre chambre ? La prochaine fois que ça vous arrive, prenez le temps d’écouter. Si vous entendez des grattements, c’est qu’Adélie est venue vous rendre visite. C’est elle qui vous a sorti de votre sommeil, avec ses petites mains glacées.

Toujours tourné vers les escalier, je tâtonnai le mur avec ma main droite. L’interrupteur ne devait pas être très loin. Je voyais l’esprit du coin de l’œil. Ses yeux bleus me transperçaient de part en part. J’étais totalement terrorisé. Je respirais très vite. Je savais que, si je me retournai, je mourrais. Je m’étonne de ne pas avoir crier à l’aide. Mais maintenant que j’y pense, c’est peut-être une bonne chose. Si ma sœur -c’était la seule à être à la maison- était venue, elle aurait vu Adélie. Et voir l’esprit signifie la mort assurée. Un vague de soulagement déferla sur moi quand j’atteignis enfin l’interrupteur. A la seconde où la lumière s’éteignit, la pression sur mon bras gauche disparue. Je claquai la porte sans attendre. Je constatai par la même occasion que le trace de ses doigts était restée sur ma peau.

Je titubai jusqu’aux marches et m’y assis. J’étais sidéré par la tournure des événements. Plus qu’autre chose, j’étais terrorisé. Les carnets n’étaient plus à leur place, Adélie avait voulu me tuer et je n’avais pas la moindre idée de la marche à suivre. J’étais au point mort. Pourtant, il fallait que je sache la vérité.

Je tremblais de tout mon corps quand je passai mes doigts sur les traces de mon bras gauches. La peau était tendue, légèrement rouge. Cinq barres me striaient l’avant-bras. Comment elle pouvait me toucher ? Même si je m’étais déjà interrogé sur ça, je trouvais le fait toujours aussi étrange. J’entendis ma sœur venir en haut des marches :

« Greg, elle m’a demandé de lui apporter un jouet. Tu veux bien lui donner ? En échange elle m’a dit que tu pourrais récupérer ce que tu cherches. Elle veut que tu saches la vérité. »

Je restai interdit quelques secondes. Cette chose parlait à ma sœur ? Je ne pouvais pas la laisser faire.

« Comment est-ce qu’elle te parle ?

- J’entends sa voix quand il n’y a pas de bruit. Je n’aime pas sa voix. Elle me fait peur. »

J’étais monté faire un câlin à Julie. Je lui avais fait un bisou sur le crâne et lui avait dit d’aller regarder la télé. Julie m’avait dit de faire attention car elle ne voulait pas me perdre. Elle m’avait alors confié une poupée avec des accessoires avant de s’en aller. Je tentai de calmer la peur qui me serrai la gorge. Un regard sur mon bras me conforta dans l’idée que je n’aurais le droit qu’à une seule chance. Un faux pas et je pouvais y passer. Si j’ai appris quelque chose aujourd’hui, c’est qu’Adélie est rancunière !

En m’aidant de la rampe, j’avais commencé à descendre. Je me retrouvai dans la pénombre de la porte. Je voulais terminer rapidement mais j’eus une idée. Cela me paraissait insensé. C’était quelque chose que je n’aurais jamais pensé faire. J’ouvris la bouche pour parler :

« Adélie ? Je veux que tu laisses ma sœur tranquille pendant la journée. Je l’autoriserai à descendre si c’est ce que tu veux. Vous pourrez jouer ensemble quelque fois. Mais laisse-la en attendant. Elle te donne une poupée. C’est la tienne à partir d’aujourd’hui. Je vais la poser par terre. »

J’ouvris la porte doucement. J’avais peur qu’elle rallume la lampe avant que je ne puisse sonner. Après tout, elle l’avait fait il y a à peine dix minutes. Le glas de la sonnette résonna pendant quelques secondes. J’allumai. Elle n’était pas là. Il ne faisait même pas si froid que ça dans la pièce. Je posai la poupée sur le sol puis éteignis la lumière. Je m’apprêtai à fermer la porte quand je sentis un souffle sur moi. Un souffle glaciale d’une respiration difficile.

Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas fermé la porte plus tôt. Je lui avais laissé le temps d’agir. Je suis resté là où j’étais, attendant je ne sais quoi. C’est là que j’ai entendu sa voix :

« … merci… »

Deux sentiments contraires me traversèrent le corps. Le premier -qui fut de courte durée- fut de la tristesse. De la tristesse pour cet esprit qui était à jamais prisonnier d’une cave sombre. Le deuxième fut la peur. Elle prit le dessus sur tout le reste. J’ai claqué la porte et me suis enfuis en courant. Elle avait chuchoté à mon oreille et j’avais l’impression que ce mot résonnait à l’intérieur de moi.

Lorsque je suis arrivé au salon, ma sœur était en pleurs. Elle avait été courageuse jusqu’à maintenant mais elle ne tenait plus. Entre deux sanglots, elle me demanda :

« Elle va me laisser tranquille maintenant ? Elle ne va plus venir me chuchoter des mots à l’oreille ?

- Non Julie, elle ne viendra plus. »

Je comprenais mieux que personne de quoi elle voulait parler. La voix d’Adélie avait quelque chose de malsain. Je serrai Julie contre moi pour la calmer. Il ne faut vraiment pas que mes parents découvrent ce qu’il se passe ici.

Ma sœur mis un dessin-animé et se calma assez vite. Mes parents arrivèrent en même temps, trente minutes plus tard, avec des pizzas. Mon père me remercia d’avoir arraché les mauvaises herbes. Il me dit également qu’il était content que je m’investisse autant à la maison. Avec tous ces événements, j’avais presque oublié ce que j’avais fait ce matin. Il me donna aussi mon argent de poche. Je le remerciai avec un sourire sur les lèvres. Si je continuais d’aider aux tâches ménagères, je pourrais peut-être réaliser un projet qui me tient à cœur depuis quelques années… Je ne lui fis pas part de mes pensées. Je verrais le moment venue.

Après avoir mangé, j’étais allé dans ma chambre pour poser mon billet de dix dans ma tirelire. Je la cache en dessous de mon lit, là où je suis sûre que personne ne la trouvera. Mon meilleur ami a la fâcheuse habitude de se servir dans mes économies comme bon lui semble. Même s’il n’est pas en France en ce moment, je préfère laisser mon argent en sécurité. Cette petite manigance me permet d’être plus serin. Je glissai ma main sous mon lit quand je sursautai. Il y avait quelque chose qui bloquait le passage. Je jetai un coup d’œil et compris vite pourquoi.

Tous les carnets de la cave s’étaient retrouvés dans ma chambre. L’esprit avait tenu sa promesse. Maintenant, il fallait que je découvre la vérité, et surtout que je comprenne pourquoi Adélie tenait à ce point à ce que je la découvre.

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