Chapitre 17
C’est un cauchemar. Mais c’est bien réel. L’apparition a duré moins d’une seconde. Pourtant j’ai l’impression qu’elle est restée devant moi pendant plus longtemps. Je reste figé au milieu des escaliers. Les gens dernière moi l’ont aussi vu. Je les entends chuchoter entre eux :
« C’était quoi ? Tu l’as aussi vu ?
- De quoi tu parles ? Je n’ai rien vu, répond un autre.
- Ça doit être un effet de l’alcool, renchéri un troisième.
- Oui, tu dois avoir raison, conclue le premier. »
Les gens retournent à leur occupation. Je me retrouve seul au milieu des escaliers. Je suis totalement paniqué. La musique a repris au-dessus. Tout le monde danse et s’amuse. Moi, je ne peux pas penser à autre chose que les yeux et le sourire d’Adélie. Ce sourire qui n’augure rien de bon. Il faut que je fasse quelque chose. Vite.
Je sais que je suis condamné. Je l’ai vu de mes propres yeux. Mais d’autres étaient derrière moi. Eux aussi, elle va sûrement les tuer. Le problème, c’est que je ne sais pas qui était ces personnes. Je ne vais pas demander qui a vu quelque chose d’étrange dans la cave. Je n’aurais pas le temps. En plus, je ne sais pas si Adélie les a identifiés. Elle va sûrement s’en prendre à tout le monde. Il faut que je les sauve tous, il faut tous qu’on se casse de cet enfer ! Mais avant, je dois parvenir à remonter. En pleine réflexion, je n’entends pas Cyril arriver.
« Je sais pas ce que t’as fait mais ça à marcher. La musique est revenue. » Il semble se rendre compte que je ne suis pas dans mon état normal.
« Greg ça va ? On dirait que t’as vu un revenant. »
Je rigole intérieurement. C’est un rire nerveux. S’il savait à quel point il est proche de la vérité… Il me regarde d’un air vraiment inquiet. Je dois être aussi blanc qu’un cachet d’aspirine. Je réussit à rassembler mes esprit avant de lui dire :
« Va fermer la porte de la cave et mets une chaise devant.
- Quoi ? T’as qu’à le faire toi !
- Je ne peux pas le faire ! Je peux pas m’approcher ! C’est urgent. S’il-te-plaît…
- T’es vraiment chelou ce soir. »
Je le vois quand même descendre en grognant. Il ferme la porte et mettre une chaise pour la bloquer. Il revient ensuite vers moi :
« Tu peux m’expliquer ce qu’il se passe maintenant ?
- Il faut faire sortir tout le monde.
- Hein ? Mais pourquoi ? »
Je ne lui réponds pas et remonte à toute vitesse. La panique est en train de me gagner doucement. Après à pas, elle prend le pas sur ma raison. Si bien que je crois voir Adélie à chaque fois que tourne les yeux. Il faut que je me calme. Tout le monde est dans le salon entrain de s’amuser. C’est parfait. Je vais sûrement passer pour un fou mais ce n’est pas grave, au moins je les sauverais. Le reste n’a pas d’importance. Je tire une chaise et me mets debout dessus.
« Votre attention s’il-vous-plaît. »
Tous les regards se tournent vers moi. J’ai soudainement très chaud.
« Il y a un problème électrique dans la maison. Alors je vous demanderai de sortir dehors. Je vais appeler mes parents pour leur dire. Merci de votre compréhension. »
Personne ne proteste et ils se dirigent tous vers la porte. Je suis à moitié rassuré. Tout va bien se passer ? Cyril ne comprend vraiment rien à la situation. Son regard en dit long. Mais il me fait confiance. Je lui parlerai de tout lorsque nous seront en sécurité. Oui, c’est le mieux à faire. Tant pis si mes parents m’engueulent. Soudain, un des invités lance :
« Greg, t’es vraiment drôle. T’as fermé la porte à clé.
- Quoi ? Non, j’ai rien fait. »
Je vais devant la porte et essaye de l’ouvrir. Impossible. Elle est verrouillée et les clés ne sont plus sur la porte. En proie à un mauvais pressentiment, je vais vers la porte fenêtre. Les volets ont été fermé. La fenêtre ne s’ouvre pas là aussi. Et je devine que c’est la même chose pour toute les fenêtres. Adélie nous a piégé. Comme son père l’avait fait avant elle. C’est pour ça qu’elle n’a pas encore attaqué. Elle a enfermé ses proies. Le moment venu, elle n’aura plus qu’à se servir. On est tous condamné. Julien prend alors la parole :
« Tu veux vraiment qu’on aille dehors sous la pluie ? Je veux pas finir tremper. Je vois aucun problème avec l’électricité. La musique fonctionne et la lumière est revenue. Mon père est électricien alors s’il y avait un problème, je l’aurais vu. Moi, je sortirais pas. Je suis venu pour m’éclater ! Aller on va tous danser ! »
Je ne sais pas quoi répondre. Les autres font des messes basses. Moi, je panique totalement. Je connais toute l’histoire. Adélie va faire un bain de sang. Cyril passe devant moi en me pressant l’épaule. J’entends alors sa voix familière rétorquer :
« Les issues sont toutes bloquées. Tu ne trouves pas ça bizarre ? Ce n’est pas Greg qui les a fermées puisqu’il était avec moi. En plus, qu’est-ce que t’en sais qu’il n’y aucun problème. Tu t’y connais en électricité peut-être ? Moi je me casse d’ici. Viennent avec moi ceux qui voudront. »
Il me soutenait encore même en n’aillant aucune idée de la situation. C’est quelqu’un de très populaire au lycée. Les gens le suivront s’il leur demande. Malheureusement Julien aussi à de l’influence.
« Casse toi si tu veux. Nous on reste. Et tous ceux qui veulent le peuvent. »
Il dit cela en pointant du doigt les gens de son groupe et quelques autres personnes.
Cyril souffle et se tourne vers moi :
« Par contre Greg, si les issues sont fermées, comment on part d’ici ? »
Et merde ! Je n’avais pas pensé à ça ! Je me retourne le cerveau pour trouver une solution. En cassant les volets ? Mais avec quoi ? je n’ai aucune idée de comment m’en sortir.
« On peut passer par les souterrains. »
Je me tourne en direction de la personne qui vient de parler. Elle a une chemise de nuit et affiche un air déterminé, malgré la peur que je perçois dans ses yeux. Ma petite sœur est devant nous et elle vient de nous donner la solution. Seul problème, je ne sais absolument pas où se trouve l’entrée. Julie s’approche un peu plus et me chuchote à l’oreille :
« Je suis descendu une fois, pendant que tu étais dans ta chambre. Adélie m’a montré où il était. Mais elle ne peut pas s’en approcher. »
Je soupire de soulagement. Si on arrive à les attendre, nous serons en sécurité. Elle n’a jamais pu s’échapper par là. C’est sans doute pour ça qu’elle ne peut pas s’en approcher. C’est la seule et unique option possible.
« Suivez-moi. »
Je prends la mains de Julie et descends les escaliers. Il ne faut pas perdre un seul instant. Je gronderais ma sœur plus tard. Pour le moment, elle vient probablement de nous sauver la vie. Je ne sais pas ce que fait Adélie mais elle ne va pas tarder à passer à l’action.
Tout le monde me suit en silence. J’allume la lumière des escaliers. La chaise est toujours en place. C’est une bonne chose, enfin je crois. Arrivé en bas, je me mets à grelotter de froid. Jamais la température avait été aussi basse dans la cave. Julie passe devant. Elle compte les carreaux de carrelage. Je me mets à paniquer quand je me rends compte qu’elle semble perdue. Après ce qui me semble être une éternité, elle finit par s’exclamer :
« Grand frère, c’est ici ! »
Je me dirige immédiatement vers Julie, qui pointe du doigt le sol. Lorsqu’on se trouve à côté, on ne dirait pas que le sol s’ouvre. Pourtant c’est la cas. J’appelle Cyril pour qu’il m’aide à ouvrir. Le temps a fait son effet et il est difficile de décoller la plaque. Je gratte les joints avec mes ongles pour faciliter la chose. Ça n’est pas plus utile mais j’ai l’espoir que cela serve. Avec l’aide de Cyril, la plaque finit pour se soulever. Je crois que je n’ai jamais été aussi heureux.
Une fois ouverte, Cyril ouvre le passage suivie de Julie et des autres. Je serais le dernier à passer. Pour être sûr que tout le monde -enfin ceux qui m’ont suivi- est hors de danger. Une fois les derniers passés, je me glisse dans le trou. Au moment où je me laisse tomber, j’entends la chaise, celle qui est devant la porte, bouger. Adélie va sortir. Je vois son ombre qui émerge doucement de la cave. Elle se fige. Elle m’a vu.
Je rampe à toute allure vers la sortie. Je ne fais même pas attention aux pierres qui m’écorchent les genoux et les coudes. Je crois que la blessure à mon bras s’est rouverte. Ma tête émerge finalement au pied du tilleul. Il pleut un peu moins que tout à l’heure. Un léger crachin tombe du ciel. Je me dirige en courant vers les autres. Cyril les a éloignés de la maison. Ils se retrouvent à environ cinquante mètres de l’entrée. En me voyant, ma sœur me saute dans les bras. Elle est totalement terrorisée. Je crie aux autres d’aller en direction du portail. L’un d’eux me fait signe qu’il a compris et le groupe s’en va.
Mon meilleur ami se tourne alors vers moi :
« Tu peux me dire ce qu’il se passe à la fin ? Pourquoi t’es aussi paniqué ?
Au moment où il termine sa phrase, les cris de ceux qui sont restés retentissent. Adélie assouvit sa soif de sang.
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