Et après...
J'ai passé de nombreuses années de ma vie à essayer de prouver l'existence des minis, essuyant les moqueries de mes proches, à commencer par mes petits-enfants. Bien que véritables et sincères, mes histoires ne les intéressent guère. Il faut dire qu'ils grandissent très vite, et qu'ils sont entrés dans le moule des conventions humaines.
Il y a tellement de passages mystérieux dans ce que j'ai vécu que je pourrais moi-même en douter. À commencer par ma rencontre improbable avec Paul, au restaurant où nous avions coutume de nous retrouver chaque jeudi.
D'après Lydie, cet épisode est la preuve que j'avais vraiment perdu la tête. Je tutoyais la folie ou, qui sait, Alzheimer. Avant de mourir, des années après cette aventure, elle m'a avoué que c'est ce grain de folie qui lui plaisait le plus. Peu importaient la part de vérité dans tout ça.
Pour moi, tout ce que j'ai vécu était vrai. Peut-être était-ce irréel. Peut-être était-ce impossible, mais j'ai toujours gardé en moi l'idée que rien n'était arrivé par hasard. Tout avait un sens.
Comment les minis avaient-ils fait pour me réunir une dernière fois avec mon fils ? Pourquoi me forcer à me souvenir d'un événement si tragique ? Je ne le saurai sûrement jamais, mais je les remercie de m'avoir ouvert les yeux.
Mon psy, que j'ai consulté encore pendant un temps, m'a parlé de « résilience ». Sous le choc, suite au décès de Paul, j'aurais inconsciemment oublié les évènements qui y étaient liés de près ou de loin. C'était une façon de me défendre face à la détresse qui m'envahissait de jour en jour.
Pour lui, les minis représentaient la famille parfaite que j'aurais aimé fonder. Je les aurais imaginés pour lutter contre la solitude, suite à ma séparation avec ma femme.
C’est en reprenant conscience des faits grâce aux minis que j’aurais réussi à vaincre mon traumatisme, d’où l’évocation de la résilience.
Il a toutefois tort sur un point. Les minis existent, j'en suis certain.
Malheureusement, ils ont laissé peu de traces derrière eux pour le prouver, si ce ne sont la minuscule torche de Ghislain, que je n'ai jamais réussi à rallumer, et la ribambelle de parapluies qu'il avait traficotée avec les sous-vêtements de Lydie. À son grand dam, je les ai conservés précieusement.
Aujourd'hui, je sais que j'approche doucement de la fin de ma vie. Je vais rejoindre Paul. Lydie.
J'aurais aimé dire au revoir à Ghislain et sa bande, avant de fermer les yeux sur la réalité. J'espère qu'ils ont accomplis leur mission.
J'espère qu'ils se souviendront de moi aussi bien que je me souviens d'eux.
Bah oui, je ne les ai jamais oubliés. Je t'en foutrais, moi, de l'Alzheimer !
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