Je ne t'oublierais jamais
J'avais rencontré Mina une nuit de pleine lune, dans un coin désert du parc. Jamais je n'avais connu une fille comme elle. J'avais toujours été attiré par des filles un peu étranges, mais elle était de toutes la plus exquise.
Elle avait une passion pour le bleu. Un bleu froid dont elle avait coloré ses lèvres, teints ses cheveux, tatoué son front. Ses yeux étaient, je crois, les plus incroyables que j'ai vu de ma vie. Bleus de glace, cerclés de noir. Il mettait en valeur son visage de pure porcelaine.
J'ai succombé à son charme dès que je l'ai vue. Et à mon grand bonheur, cette fille à l'air pourtant farouche n'hésita pas à lancer la conversation. En quelques heures à peine, nous savions tout l'un de l'autre. Enfin, à ce que je croyais...
Nuit après nuit, nous nous retrouvions au parc. Un mois plus tard, nous échangions notre premier baiser. J'aimais Mina du plus profond de mon être, je ne pensais qu'à elle, je ne vivais que pour elle ; elle emplissait toute mon âme et lorsqu'elle me regardait, un bonheur intense m'étreignait, me laissant tremblant.
Quelques nuits après, j'osais la serrer dans mes bras en espérant faire plus que quelques baisers. Je ne pris pas garde à la pleine lune, pas plus que lors de notre première rencontre.
Je savais seulement que je la désirais très fort, presque à en avoir mal, et qu'elle était là, lumineuse, belle et glacée. La lune était dans ses yeux.
Elle se rejeta violemment en arrière et sous mes yeux, elle "changea". Ses yeux semblèrent s'emplir de sang, et je vis ses canines s'allonger démesurément ; elle cracha comme un chat, les doigts crochus, et se jeta sur moi.
Elle me mordit ! J'ai senti comme dans un cauchemar ses canines s'enfoncer profondément dans ma chair. Elle me serrait contre elle comme un chien s'acharne sur sa proie, dents dans la gorge, grognements d'effort et de rage...
À peine me relâcha-t-elle que je me sentis "changer" à mon tour : mes doigts se raidirent brusquement, et mes canines prirent soudain une place plus grande dans ma bouche. Le vent de la nuit se fit plus âpre sur ma peau, les odeurs et les sons s'affinèrent...
La nuit devint claire.
Étant enfant, ma grand-mère m'a toujours dit que j'étais béni des dieux. Comment savait-elle ?
Je goûtais la douceur de la nuit lorsqu'une petite étoile vint se poser sur mon cœur. Sans vraiment m'en rendre compte, je m'aperçus que Mina regardait l'étoile avec une horreur grandissante dans ses yeux de sang.
Puis tout explosa. L'étoile devint lueur, la lueur devint halo éblouissant, le halo une lumière fatale. Mina poussa un hurlement atroce et je redevins humain.
J'attrapai une Mina abasourdie par les épaules, et m'apprêtai à lui demander... Lui demander quoi ? Pour quelle raison elle m'avait caché cela ? Je pouvais le deviner. Pourquoi elle m'avait mordu ? Facile à comprendre !
Nous passâmes malgré cela le reste de la nuit ensemble. Je voulais savoir comment elle était devenue un vampire. Quel effet avait la pleine lune sur sa transformation ? Elle me raconta enfin toute son histoire.
Elle me fit promettre de n'en rien dire à personne. Qui m'eut cru, après tout ? Elle ne savait plus quelle attitude adopter envers moi. Elle m'aimait aussi, et désirait seulement rester avec moi, malgré sa différence, son sang froid contre mon sang chaud...
Ensemble, nous oubliâmes le temps.
Et ce fut l'aube, brusque, un soleil brûlant qui se leva d'un seul coup. Jamais nous n'étions restés ensemble si tard, ou plutôt si tôt. Juste au moment où je lui jurais mon amour, elle se mit à fumer et à hurler "Le soleil ! Le soleil ! Il me brûle !" sans cesse et sans cesse.
En quelques minutes, Mina devint poussière et disparut.
Je vais souvent sur sa tombe, située dans un cimetière proche. Régulièrement, je pose un bouquet de roses en souvenir de notre bref amour défunt.
Mon cœur saigne comme jamais, et pourtant je vis. Je vivais pour savoir que nous avions vécu comme dans un rêve, sans nous rendre compte du temps qui passait... D'une certaine façon, j'étais responsable de sa mort atroce.
Si nous pleurons à la mort d'un être cher, ce n'est pas parce qu'il est mort. C'est parce que nous, nous vivons encore et que cela nous fait souffrir.
Je pense à toi, Mina. Je ne t'oublierais jamais.
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