Découvrir (se)

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Dans la nuit, il n’y avait que le bruit de leurs pas. Elles n’entendaient plus les éclats de voix provenant du bar. Liz avait proposé à Nina de la raccompagner jusque chez elle, et celle-ci s’était sentie renaître. Avec Liz à ses côtés, elle sentait qu’elle n’avait rien à craindre. Tout en marchant, elle se redressait. Son maquillage avait coulé mais Liz aimait ça. Sur la peau foncée de Nina, ces traces avaient quelque chose de sensuel. Et Nina se taisait. Enfin quelqu’un qui ne s’agitait pas, qui connaissait le prix du silence.

Au bout de plusieurs minutes de marche, sentant qu’elle arrive­rait à aligner deux mots sans se mettre à sangloter, Nina se décida enfin à briser le silence, d’une voix douce trahissant pourtant la nature lamentablement inoubliable de sa soirée :

— C’est vraiment gentil, de m’accompagner, tu sais. J’aurais cru que... enfin... tu sais... les punks contre les bourgeois...

Elle s’arrêta de parler. Liz n’avait même pas tourné les yeux sur elle. Au lieu de lui répondre, elle fit passer son sac à dos, récupéré dans une poubelle non loin du bar et rempli de bières, sur son ventre, et sortit deux bouteilles. Elle les ouvrit et en tendit une à Nina sans un mot, sans un sourire. Liz se demandait elle-même ce qu’elle était en train de faire. Elle avait planté ses potes pour ramener cette pimbêche dans ses beaux quartiers. Elle était belle, magnifique. Elle n’avait pas supporté de voir Stéphane se la ramener encore une fois. Mais il y avait autre chose. Un truc dans le regard de la belle noire en tailleur chic avec ses talons aiguilles. Elle réussissait à marcher à la même cadence qu’elle, avec ça ! Elle y était habituée au point qu’ils faisaient sûrement partie d’elle. Liz savait que si elles se mettaient à discuter, à échanger leurs opinions, le rêve se terminerait là.

Elle trinqua avec Nina, s’alluma une cigarette, et lui sourit :

— Entre membres d’une minorité asservie aux mâles... Faut bien s’entraider, entre femmes. Sinon, les connards dans son genre seront légion.

Elles se remirent à marcher, Nina légèrement devant, pour indiquer le chemin. De temps à autre, Liz avait le regard qui tombait sur son arrière-train. Il n’y a pas à dire, quand même : un cul bien arrondi, ça donne envie. La voix de Nina la sortit de sa contemplation. Elle releva les yeux, mais remarqua que sa protégée parlait dans le vide. Elle savait bien que c’était adressé à elle, mais Nina ne la regardait pas. Ce n’était pas un échange. Nina voulait dire des choses. Qui n’étaient pas adressées forcément à Liz, mais elle en serait la dépositaire. Un instant, elle voulut l’arrêter. Lui dire que oui, elle l’avait aidée, oui, elle était d’accord pour la raccompagner, pour s’assurer qu’elle irait se coucher sans souci, qu’elle pourrait reprendre sa vie de petite bourgeoise et l’oublier dès le lendemain. Mais qu’elle n’était pas là pour être sa psy. Chacune sa merde. On s’unit contre l’oppresseur, mais au-delà de ça, tu sors ton porte-feuilles et tu payes un analyste comme toute bonne petite bourgeoise qui se respecte.

Mais elle ne le fit pas. Merde, elle était tellement belle. Nina parlait en regardant le ciel. Avec les lampadaires, on n’y voyait aucune étoile, mais quand elle levait ainsi la tête, on aurait cru qu’elle fai­sait partie d’elles. Une étincelle tombée parmi les hommes et qui avait perdu sa clarté. Les lumières de la ville sublimaient son visage lisse et renvoyaient à Liz sa propre tristesse. Est-ce qu’une nana qui avait une vie si facile pouvait être aussi triste, profondément atteinte, comme elle l’était elle-même ? Alors, un peu malgré elle, Liz l’écouta :

— Tu sais, j’ai grandi dans une famille bourgeoise. Mais je n’en fais pas partie. Mes parents m’ont adoptée. J’étais un enfant des rues, dans le bled dont ils m’ont sortie, au Cameroun. J’avais 5 ans. Et depuis, je suis leur B.A. ambulante. C’est bien mieux que d’être livrée à toi-même, c’est sûr. Et ils m’aiment. Mais je ne suis pas comme eux. Je crois que j’ai passé mon temps à les imiter, faire comme eux dans l’espoir qu’un jour, je me sentirais être vraiment comme eux. Mais je n’y arrive pas. Je n’y arrive plus. Surtout depuis...

Elle n’arrivait toujours pas à le dire. Même à une parfaite inconnue qu’elle allait quitter d’ici une vingtaine de minutes pour ne plus jamais la voir, cela lui était impossible. Elle se mordit la lèvre inférieure en retenant un sanglot. Liz continuait de la suivre. Elle l’entendit s’avaler une gorgée de bière et elle fit de même. Ravaler la rage qui montait en elle. Ravaler la rage contre ce type, mais aussi celle tournée contre elle-même. Maintenant qu’elle était un peu plus lucide, elle savait qu’elle n’y avait pris aucun plaisir. Mais elle n’avait pas réagi, non plus. Comme si elle avait mérité ce qui lui était arrivé.

— C’est pas ta famille qui doit te dicter qui tu es, lui répondit Liz en jetant sa bière vide dans une poubelle. Tu leur dois rien. Te sortir de la merde dans laquelle t’étais, c’était leur choix.

— Comme toi ce soir ? lui demanda Nina avec un léger sourire en se tournant vers elle.

Jusque-là, elle n’avait pas vraiment remarqué. Mais sous ses airs de dure à cuire, Liz semblait cacher quelque chose. Elle en fut émue mais n’eut pas le temps d’approfondir la question. À sa réflexion, Liz leva brusquement les yeux sur elle et une nouvelle fois, leurs regards s’enchaînèrent l’un à l’autre.

— Comme moi ce soir, confirma-t-elle. Et tu me dois rien pour autant. Une autre bière ? Termine celle-là.

Liz était la reine pour botter en touche. Nina le remarqua, ça lui sauta au visage, même. L’attitude de Liz piquait sa curiosité, mais elle n’allait pas insister. Elle termina sa bière d’un trait et attrapa celle que Liz lui tendait en rotant. Elles se mirent à rire ensemble. Nina parce que pour elle, roter en public était de l’ordre du lâchage, Liz parce qu’elle surprit la gêne dans le regard de Nina. Elles trinquèrent à nouveau et se remirent à marcher, d’un pas plus lent. Comme si elles avaient envie l’une comme l’autre que ce moment dure un peu plus longtemps. Liz marchait à présent près de Nina. Elle lui dit à un moment de tourner à droite. Liz suivit sans un mot. Elle pénétrait des quartiers inconnus et se mit à regarder les immeubles. Elle balança une autre bière vide dans une autre poubelle, s’alluma encore une clope sur laquelle elle tirait calmement.

L’une semblait s’apaiser grâce à la présence de l’autre. Liz avait bien noté cette phrase à peine commencée de Nina. Et ça leur faisait un point commun. Toutes les deux avaient un truc à hurler, et elles n’arrivaient pas à le laisser sortir. Véro avait beau être compréhensive, respecter son incapacité à sortir de cette carapace de plus en plus lourde, ce n’était pas la même chose que de savoir que quelqu’un, sur cette foutue planète, dans cette foutue ville, partageait cet état de fait. Liz avait beaucoup de gens qu’elle appe­lait volontiers “amis”. Et pourtant, aucun d’eux n’avait entendu parler de Cécilia. Aucun de ses prétendus amis n’avait entendu parler de la naissance de Liz. Non pas le jour où elle était sortie du ventre de sa mère, mais bien du jour de la mort de Cécilia, le jour où elle avait compris dans quel monde elle vivait. Aucun respect, aucune considération pour l’autre. Une bande de moutons qui se préoccupaient plus de ce que pensait leur entourage d’eux-mêmes que du bien-être de leur progéniture. Nina avait beau se plaindre de n’être qu’une B.A. ambulante, Liz avait le sentiment qu’elle avait de la chance. Il y avait au moins quelque chose de positif. Ses parents adoptifs avaient fait un choix qui lui avait sauvé la vie. Le choix de ses parents à elle n’en était pas vraiment un. Un couple marié “devait” avoir au moins un enfant. Alors ils l’avaient fait. Mais ils gueulaient à qui voulait l’entendre qu’on ne les y reprendrait pas. Aujourd’hui, ils devaient s’en mordre les doigts et tant mieux pour eux. Ils n’avaient pas fait un enfant pour le bonheur de partager cela ensemble. Ils l’avaient fait par obligation sociale. Et malgré ce que lui disait son paternel, Liz était persuadée que sa mère vivait bien mieux maintenant qu’elle était partie.

Nina s’arrêta de marcher. Liz fit un pas de plus qu’elle et attendit qu’elle la rejoigne en s’allumant la dernière cigarette de son paquet qu’elle froissa et balança sur le trottoir.

— C’est ici que j’habite, dit Nina d’une petite voix, comme si elle s’excusait.

Liz leva les yeux sur ce qu’il était plus convenu d’appeler une demeure. Derrière la grande grille en fer forgé s’élevait l’endroit où Nina avait grandi.

— Ben merde...

Ce fut tout ce que Liz eut à dire à propos de la propriété des parents de Nina. Elle venait de comprendre que Nina ne faisait pas partie de la petite bourgeoisie qui se la pète et vient régulièrement leur casser les ovaires dans les bars punks des bas-quartiers en leur crachant leur aisance à la gueule. Non. Ce petit bout de femme repêché à plus d’une demi-heure de marche de chez elle était une putain de véritable bourgeoise, le genre qui prend le thé pendant des garden party.

Nina ricana gentiment en voyant la réaction de sa sauveuse. Elle regarda la punkette, les yeux écarquillés sur sa maison, comme si c’était un rêve. Elle se rendit compte à quel point elle s’était habituée à tout ça, elle qui, enfant, n’avait rien, à peine de quoi s’habiller. Elle s’y était habituée comme si tout cela lui était dû. Mais ce soir, elle se rendait compte que ce n’était pas le cas. Tant de belles choses ne peuvent arriver sans une contrepartie. Ce soir-là, elle savait, commençait à sentir, qu’il y aurait une fin. Son frère gagnerait la partie car tout cela lui était dû à lui, pas à elle. Et en posant ses yeux brillants sur le visage illuminé de Liz, elle savait qu’au fond, son frère avait eu raison. Elle aurait gâché leur vie en leur disant. Ils auraient fini par la rejeter. Au moins, son frère l’avait toujours rejetée, elle n’avait pas eu la surprise de la trahison. Dans cette famille, aussi accueillante ait-elle pu être, elle s’était oubliée. Elle avait oublié d’où elle venait, elle avait oublié que chaque jour était une chance. Elle décida, à cet instant, de ne plus jamais faire cette erreur.

Et ce fut comme un soulagement. Elle eut envie de sauter à nouveau dans les bras de Liz, mais se retint. La pauvre avait déjà paru tellement gênée la première fois ! Elle sentit comme un poids se défaire d’elle, lorsque Liz posa ses yeux sur elle :

— Attends-moi là, lui fit-elle avec un brin d’excitation dans la voix qui surprit Liz.

— Nan, mais attends, je... essaya de répondre Liz en voyant Nina ouvrir la grille et s’engouffrer dans la propriété en courant, malgré ses talons aiguilles.

Mais Nina ne resta pas l’écouter. Un instant, elle voulut s’éclipser. Elle fit un pas, puis deux, en direction de ses amis, mais ne réussit pas à aller plus loin. Elle tira sur sa cigarette de rage. Parce qu’elle n’arrivait pas à savoir pourquoi. Oui, elle était belle, oui, elle aurait bien aimé l’attirer dans son lit, baiser avec elle. Mais l’idée de la séparation ne lui plaisait pas. Pourquoi, bordel, pourquoi ? C’était pourtant couru d’avance. Pas le genre de nana à baiser avec une autre nana. Et de toute façon, elle finirait par retourner dans son monde. Alors pourquoi rester là, si ce n’était pour se faire du mal ?

— Putain, fait chier... grommela-t-elle en décidant de se barrer.

Mais lorsqu’elle tourna le dos, elle entendit la grille se rouvrir. Elle fit volte-face pour voir une Nina chargée de deux cartouches de Camel, une bouteille de whiskey toute neuve, deux verres à whiskey, et ses talons dans les bras.

— Qu’est-ce que tu fous ? lui demanda-t-elle en faisant bien attention de ne pas lever la voix.

— Prends les cartouches, lui répondit Nina en tendant tout son corps vers elle puisqu’elle ne pouvait pas décoller ses bras de son torse. Les clopes, c’est pour te remercier, ça fera les pieds à mon frangin. Le whiskey, c’est pour nous deux, désolée, j’ai pas pris de glaçons.

Prise par surprise, Liz attrapa les deux cartouches de cigarettes. Elle recula d’un pas et scruta Nina, pieds nus. Puis se mit à pouffer de rire. Elle fut rapidement rejointe par Nina. Ce moment fit autant de bien à l’une qu’à l’autre. Liz l’avait sortie d’un mauvais pas, et c’était au tour de Nina de faire un pas vers elle. Elles ne s’en doutaient pas encore, mais le dernier obstacle entre elles venait de tomber.

Mais Nina perdit son sourire en regardant au loin.

— Tu permets que je te paye un verre ? Si tu es d’accord, j’aime­rais te montrer un endroit que j’ai jamais montré à personne.

Liz s’arrêta de rire. Elle fixa Nina et comprit que l’heure était grave. Elle plissa les yeux et pencha la tête sur le côté. Elle hésitait grandement. Et il y avait de quoi. Quelques secondes avant, elle s’était décidé à fuir cette fille qui l’attirait tant, et voilà qu’elle lui proposait d’entrer dans son jardin secret. Cependant, l’expression que Nina prenait, le regard perdu dans le lointain, Liz ne le con­naissait que trop bien. Elle regardait son passé exactement de la même manière.

Il y avait fort à parier qu’en acceptant cette invitation, Liz n’allait pas pouvoir se cacher bien longtemps. C’est pourtant la Liz au cœur de pierre sur qui tout coule sans l’atteindre qui refit surface. Elle passa un bras sur les épaules de Nina et lui désigna les verres qu’elle tenait en main :

— Si tu me promets qu’on boit pas là-dedans, je te suis où tu veux, ma belle !

Nina baissa les yeux sur les verres, mettant un petit temps à comprendre. Puis elle se défit du bras de Liz et les balança le plus loin qu’elle put dans la rue. Toutes deux restèrent en silence suivre la course des verres dans les airs. Comme des enfants éberluées par ces petites boules de couleur qui descendent des toboggans, tombent dans des trous, remontent soudainement par l’action d’un ressort et retombent avec lenteur. Elles, comme les enfants, savent comment ça se terminera. La boule fait toujours sonner la cloche. Mais on ne bouge pas. On connaît la fin, mais on est fasciné par le cheminement. Et fatalement, les verres vinrent percuter le macadam dans un grand fracas. Aussitôt, ce fut au moins une dizaine de chiens qui se mirent à aboyer dans le quartier.

— Putain de merde, lâcha Liz en se rendant compte que d’ici peu, il y aurait bon nombre de mégères à leur fenêtre pour savoir ce qui se passait.

Nina n’eut pas besoin de la tirer bien longtemps par la veste en pouffant de rire, pour qu’elle se mit à courir. Liz aurait même pu semer facilement Nina, qui était pieds nus et qui dut même faire un écart pour ne pas s’ouvrir les pieds avec les éclats de verre sur la chaussée. Liz traçait comme une sprinteuse, le sac à dos qui faisait un boucan d’enfer, les cartouches bien calées sous les aisselles. Nina donnait tout pour la suivre, chaussures à talons aiguilles dans une main, bouteille de whiskey de 35 ans d’âge dans l’autre.

Presque arrivée au croisement, Liz se tourna brièvement vers Nina. Celle-ci lui fit signe de tourner à droite et Liz fonça. Bien vu. Au moment où les lumières commençaient à s’allumer dans les chaumières, elles s’étaient engouffrées dans un chemin boisé qui faisait la jonction entre les deux quartiers les plus chics de la ville. Il faisait une cinquantaine de mètres tout au plus. Mais il n’était pas éclairé, la nuit. Les gens de bonne famille ne se promènent pas à pieds la nuit.

Elles reprirent leur souffle en riant le long de ce chemin et Liz leur sortit à nouveau deux bières et en profita pour fourrer les cartouches dans son sac.

— Ton paternel va sûrement remarquer, demain, fit-elle à Nina. Tu vas prendre la fessée !

— Il ne verra rien. Il en a tellement... Il a un sommelier qui s’occupe de sa cave. Il n’y a que lui qui sait exactement ce qu’il y a dans la cave. Et c’est pas la première fois que moi ou mon frère on s’y sert. Il est plutôt sympa et il ne lui dit rien.

— Un sommelier, putain... grommela Liz en secouant la tête. Bon, c’est par où, l’endroit que tu voulais me montrer ?

Elle ne put rester sans remarquer que Nina reprit aussitôt son sérieux. La belle princesse prit une grande inspiration et fit un signe sur la droite, une fois sortie du chemin obscur. Elles marchèrent lentement et sans un mot jusqu’à ce que Nina s’arrête devant l’entrée d’un jardin public. Liz se figea près d’elle, sans rien dire, lisant les inscriptions sur le dessus des grilles fermées à double tour, sûrement pour éviter les squatteurs pendant la nuit : « Jardin de la fortune ». La punk lâcha un ricanement :

— Ils ont vraiment appelé ce jardin-là comme ça, dans cet endroit ?

Nina ne réussit pas à ricaner avec elle, bien qu’elle-même s’était déjà fait cette réflexion. Sur un ton sec qui surprit Liz, elle lui expliqua :

— C’est parce qu’à l’intérieur, il y a une source. Dans le temps, les gens venaient y déposer des présents et y prier. On disait que ça apportait la chance. La bonne fortune, quoi.

— Ah... répondit simplement Liz, un peu déçue que sa pointe d’humour n’ait pas fait mouche.

— Viens, c’est par là.

Nina lui avait désigné un coin du mur, sur la gauche. Cachée derrière un buisson, il y avait en fait une porte, plus petite, qui restait toujours ouverte. Liz en profita pour déposer sa bière vide dans la même poubelle que celle de Nina, juste avant l’entrée dans le parc. Nina marchait seule devant, le visage fermé. Liz avait envie de lui dire de ralentir le pas, mais elle comprit qu’il valait mieux se la fermer. La petite black savait exactement où elle allait, alors que Liz n’y voyait quasiment rien. Le parc n’était éclairé que par les lumières des lampadaires à l’extérieur. Elle faillit rater Nina qui s’enfonça dans un petit bosquet.

Elle mit un certain temps à trouver l’espace entre deux buissons pour aller la rejoindre. Elle pleurait. Liz le sentit tout de suite, sans savoir comment l’expliquer. Pourtant, elle ne gémissait pas, elle ne sanglotait pas. Peut-être l’odeur des larmes lourdes qui coulaient sur ses joues. À tâtons, Liz trouva son visage et y passa le dos de ses doigts fins, pour tenter de les sécher.

— Hey... ça va aller ?

— C’est ici.

— Ici que... ?

— Que tout est parti en vrille.

— C’est-à-dire ?

— C’est ici.

— Ok...

— Qu’il m’a violée.

— ...

Nina ouvrit la bouteille de whiskey et s’avala une lampée qui lui brûla la gorge. Et cette brûlure lui fit un bien fou.

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