Souffrir
Alors que Jean-Paul tenait Liz à nouveau par la laisse, il guidait les deux jeunes femmes vers un escalier qui descendait sous la maison en expliquant à Nina :
— Cette maison a été le lieu d’orgies phénoménales, il fut un temps ! Mais aujourd’hui, il n’y a plus que Liz à en profiter. Et je dois bien avouer qu’elle est la plus belle expérience de ce genre que j’ai eue dans ma vie. Je crois que je peux facilement vous dire que Liz a fait son entrée dans ce qu’on appelle le Bdsm par ce que je nomme la porte arrière. Elle ne recherchait pas le plaisir mais la douleur. Elle cherchait le danger et non pas le dépassement de soi. J’ai toujours fui ce genre de pseudo soumises complètement inconscientes. Mais je ne sais pas pourquoi, Liz m’a ému. Et de fil en aiguille, nous en sommes arrivés tous les deux à la conclusion qu’elle ne ferait que se détruire, dans ces soirées. Je lui ai proposé qu’on en parle. Et vous ne me croirez peut-être pas, mais il a bien fallu à Liz une dizaine de visites ici avant que je ne la fasse descendre dans... cette cave.
Ce disant, il ouvrit la porte de ladite cave. Nina marqua un arrêt alors que les deux autres y entraient comme s’il ne s’agissait que d’un salon où ils allaient boire un verre. Face à elle se trouvait une sorte de portique en fer. Elle le fixait en comprenant avec effroi qu’il ne s’agissait pas simplement de baise en attachant Liz. Il y avait des chaînes, des cordes, des martinets, des menottes, des fouets, des trucs à pics, des trucs doux, du cuir, du bois, du fer... même les couleurs de la pièce capitonnée inspiraient la peur à Nina. Rouge sang et noir de l’âme.
Elle n’osait pas faire le pas qui, elle le savait, allait être le préambule d’une histoire où elle ne contrôlerait rien. Liz se tenait droite sous le portique, à présent. Jean-Paul lui avait retiré la laisse et le collier. Elle se tenait droite et fixait Nina en souriant légèrement. Nina n’osait pas avancer mais désirait plus que tout ce qu’elle voyait. Sa douce peau blanche que seuls ses poils pubiens, aujourd’hui rasés parfaitement en fine ligne au-dessus de son sexe, venaient ternir.
Jean-Paul était un homme qui savait prendre son temps. Il savait que la découverte de telles pratiques n’était jamais chose aisée, d’autant plus si l’on était mis au pied du mur comme Nina. Il fut touché par le courage de celle-ci. Être descendue jusque-là était déjà, à ses yeux, une formidable marque d’un amour, certes naissant, mais puissant. Il revint vers elle en lui tendant un verre de vin d’une main. De l’autre, il prit la sienne et l’attira à l’intérieur, jusqu’à un fauteuil dans un coin, non loin de la porte. Nina s’assit sans quitter Liz des yeux. Jean-Paul s’éloigna et revint près d’elle avec un verre de vin. Il se plaça devant elle, cachant ainsi Liz à sa vue et lui expliqua plus précisément :
— Vous devez bien avoir en tête, tout le long de la séance, qu’il ne s’agit pas de Liz. Pas vraiment, dirons-nous. Il y a des femmes dont c’est la philosophie. Elles vivent soumises au quotidien et se sentent heureuses ainsi. C’est un choix de vie, si vous voulez. Liz n’est pas de celles-là. Elle ne se soumet que quand elle vient me voir, parce que ça fait partie du contrat. Elle m’appelle “Maître” parce que ça aide, simplement. Malgré tout ce qui va passer ici, nous ne sommes pas dans une relation de domination/soumission. Liz a des choses en elle qui la rongent. Je l’aide à vivre avec, à les expulser. Vous avez sûrement déjà eu cette envie de crier votre rage à vous en déchirer les cordes vocales ?
Nina hocha la tête, la gorge trop sèche pour répondre.
— Vous vous souvenez sûrement du bien que ça vous a procuré. Hé bien pour Liz, ça ne pourrait pas suffire. Liz a besoin de plus, Liz a besoin de sortir d’elle-même, complètement, pour retrouver un minimum de sérénité. Le plaisir, comme la douleur, peuvent aider à atteindre cet état. D’autres le feront par la méditation. Je crois ne pas avoir besoin de vous dire que ce n’est pas vraiment le style de Liz que de s’asseoir en tailleur en respirant à fond du ventre.
Il ricana, et Nina lui offrit un petit sourire pincé. Elle réussit à boire une petite gorgée et continua d’écouter, silencieuse, le Maître des lieux. Elle commençait à être rassurée sur le personnage. Il ne semblait pas du genre à profiter de la faiblesse de Liz pour assouvir ses pulsions morbides et malsaines. Bien que Nina ne pouvait comprendre exactement ce qui avait poussé Liz vers ce genre de pratique, elle se décidait, petit à petit, à y assister jusqu’au bout. Tenter de toucher du doigt l’esprit de Liz, la comprendre.
— Bref, il s’agit en fait plus d’une thérapie, reprit Jean-Paul avec malice. Mais un peu particulière, je le conçois. Afin que vous ne soyez pas trop surprise, je dois vous dire tout de suite que certes, Liz va avoir mal, atrocement mal. Mais tout sera calculé, vous n’avez rien à craindre, et elle me fait une totale confiance. Je connais ses limites. Et pour ne pas vous laisser dans le flou, elle jouira aussi. Ça aide justement à atteindre cet état de dépassement de soi, de sortie de l’esprit du corps. La tension de la douleur, couplée au relâchement de la jouissance l’amènera à un état quasi végétatif. Et toutes ses barrières tomberont.
Nina ouvrit de grands yeux sur le bonhomme. Elle chercha Liz du regard, mais le corps de Jean-Paul l’empêchait de croiser son regard. Était-il en train de lui dire qu’il allait la baiser devant elle ? C’était impossible ! Il ne pouvait pas lui dire ça avec un tel naturel ! Elle ouvrit donc la bouche et lui demanda :
— Est-ce que... Je veux dire... C’est beaucoup, pour moi, là... Je... Je ne sais pas si je pourrai...
— Ne vous en faites pas, Nina. Je suis bien conscient de vos difficultés. Et j’ai une idée. Je lui banderai les yeux. Pas de contact visuel possible pour elle. À tout moment, vous pourrez vous éclipser sans qu’elle le remarque. Je crois pouvoir affirmer que le but n’est pas tant que vous assistiez à l’ensemble de la séance, mais que vous compreniez à qui vous avez à faire. Vous savez, c’est un moment très important pour moi aussi. Mais nous verrons cela plus tard. Commençons, au lieu de vous faire attendre !
Il se tourna vivement vers Liz et Nina put la voir. Elle n’avait pas bougé d’un poil et regardait droit devant elle en direction de la porte. Si ce n’est qu’elle souriait un peu plus largement. Était-ce de la fierté qu’elle voyait dans son regard ? Jean-Paul alla poser son verre et s’approcha de Liz avec le bandeau dont il avait parlé. Il se plaça derrière elle et Liz regarda Nina, apparemment stressée, mais en même temps heureuse. Alors que Nina doutait. Elle n’avait aucun doute sur le fait que Jean-Paul était un homme bienveillant et que Liz devait y trouver son compte. Mais Nina doutait d’elle-même. Allait-elle réussir à supporter tout ça ? L’aimait-elle seulement assez pour aller jusque-là ? Avait-elle envie d’elle à ce point-là ? Liz se mit à sourire de plus belle, lorsque Jean-Paul appliqua le bandeau sur ses yeux. Et Nina avala le reste de son verre cul-sec.
Une fois bien serré le bandeau, Jean-Paul se mit à caresser Liz. Il restait derrière elle, ses mains se baladaient sur son corps avec volupté et légèreté. Ses petits seins étaient malaxés, et à peine descendit-il une de ses deux mains vers son bas-ventre, que Liz écarta les jambes en gémissant. Les doigts larges de l’homme caressaient la ligne de son pubis et Liz se mit à onduler contre lui, les mains toujours croisées dans le dos.
— Toujours commencer avec douceur, souffla-t-il en continuant ses caresses sur les flancs de la punk. Chauffer chaque muscle, comme un étirement. Pour ne pas qu’elle se fasse mal. Enfin ! s’exclama-t-il en ricanant. Pour ne pas qu’elle se blesse, plutôt. Quand elle sera bien détendue, je l’encorderai.
Et de longues minutes passèrent dans un silence presque total. Seuls quelques gémissements de Liz étaient perceptibles et Nina commençait à oublier tout ce dont le Maître lui avait parlé. Elle se surprit à être excitée elle-même, légèrement, bien qu’elle sentait une pointe de jalousie l’envahir. Mais elle devait bien avouer que Jean-Paul savait y faire. Même d’où elle était, elle pouvait voir la vulve de Liz s’humidifier, ses tétons tendus et même le relâchement de ses muscles pourtant d’habitude si nerveux.
Puis Jean-Paul se décolla de Liz. Nina remarqua aussitôt son érection et s’en mordit la lèvre. Et se retint de pouffer de rire. Mais que lui arrivait-il ? Qu’est-ce que Liz était en train de faire d’elle ? Comment pouvait-elle prendre du plaisir à voir une autre personne toucher et faire mouiller celle qu’elle désirait le plus au monde ? Jean-Paul attrapa quelques cordes qu’il passa à son épaule puis revint sans un mot avec la bouteille de vin vers Nina en lui souriant. Il la servit et lui expliqua à voix basse :
— Le shibari est une pratique qui nous vient des samouraïs japonais. L’art d’attacher, mais pas que. Grâce à cet art qui restait transmis uniquement entre initiés qui formaient une élite, ils pouvaient bien sûr attacher leurs prisonniers en s’assurant qu’ils ne pourraient s’échapper... Mais ils torturaient, aussi. Et tuaient. Mais ne vous en faites pas, Nina. En vingt ans de pratique, personne n’a eu de séquelles avec moi !
Il s’écarta d’une Nina catastrophée par ce qu’elle venait d’entendre. Il commença à mêler les cordes entre elles, avant de les passer autour du cou de Liz qui le tendit pour lui faciliter la tâche. Elle eut envie de tout arrêter, mais regarda, fascinée. Exactement de la même manière que l’on regarde un couple de trapézistes voltiger au-dessus du public. On tremble de peur qu’ils ne tombent, mais on ne peut s’empêcher de les regarder en s’attendant à en voir un tomber à tout moment.
— Voyez-vous, continua Jean-Paul en s’affairant dans le dos de Liz, l’encordement nécessite une certaine connaissance de l’acupuncture, au fond. Chaque point d’appui peut ou faire souffrir ou faire du bien. Les nœuds sont trop grossiers pour pouvoir atteindre ces points. Alors, on enlace les cordes, on les choisit en fonction de ses goûts, mais aussi des sensations recherchées. L’épaisseur comme la matière. Ici, de la jute en 6mm. Elle est recouverte d’une fine couche de cire d’abeille. On recherche autant le confort que la douleur. Plus la corde est épaisse, moins elle fait mal, car moins précise.
Nina le vit arriver dans le bas du dos de Liz. Elle ne voyait pas ce qu’il faisait mais comprenait facilement qu’il attachait les bras de la punk. D’un geste assuré, il serra le tout et Liz se crispa. Son sourire disparut mais le soupir qu’elle lâcha ne laissait aucune place au doute. Le plaisir était au rendez-vous. Nina plissa les yeux alors que Jean-Paul retourna Liz. Et ce qu’elle vit la bouleversa. Avec les cordes, Jean-Paul avait imité la colonne vertébrale de Liz, ses bras se croisaient dans le creux de ses reins, le tout la forçant à se maintenir droite, raide. Et elle ne l’avait pas remarqué dans sa chambre, mais malgré un petit cul musclé sans beaucoup de formes, elle avait une cambrure de rêve. Jean-Paul se révélait comme un véritable artiste aux yeux de la jeune black qui commençait à déguster son vin, éblouie par les gestes sûrs de l’encordeur. Il mêlait douceur et fermeté avec fluidité. Sous ses mains, Liz n’était plus cette femme torturée par son passé, elle était un modèle magnifique, elle était une œuvre d’art.
Et pourtant, ses traits se crispaient de plus en plus. Il lui arrivait même de lâcher quelques petits cris aigus, signes que les cordes appuyaient sur des points sensibles. Jean-Paul s’appliquait, suait. Nina se taisait, hypnotisée par l’intensité de ce qui se passait devant elle. L’artiste passait les cordes sur son corps, l’habillait avec les cordes avec une finesse proche de la perfection. Malgré la petite taille de ses seins, il lui faisait comme un soutien-gorge, et l’enlacement des cordes était pareil à la dentelle la plus fine. Celles qui passaient entre ses cuisses avaient été posées là de façon à accueillir deux petites pinces qui lui ouvraient son sexe, ses grandes lèvres écartées.
Liz respirait fortement, presque difficilement. Mais elle arrivait encore à sourire. Jean-Paul passait les cordes dans des mousquetons accrochés au portique sous lequel ils se trouvaient tous les deux. Et Nina observait. Presque par réflexe, elle descendait et remplissait son verre, subjuguée par la façon dont Jean-Paul se servait du corps de Liz. Il la sublimait, littéralement. Il s’attaquait maintenant au bas du corps, avec une application redoublée. Déjà, il avait enlevé son t-shirt et Nina pouvait voir ses muscles tendus. Il n’en avait pas l’air, avant, mais c’était un homme tout sec, tout en nervosité. Sa pilosité était importante mais même si Nina n’aimait pas vraiment ça, elle ne pouvait s’empêcher de penser que ça amplifiait sa virilité.
— Les choses sérieuses vont commencer, dit Jean-Paul au bout d’un moment en s’adressant à Nina sans la regarder. On a bien maintenu son buste. On s’assure aussi par ici, dit-il en désignant les cordes qui passaient sur les hanches de Liz, que le bassin ne se casse pas. Tout le haut du corps doit rester bien droit. On doit garder un peu de leste pour ne pas bloquer tout mouvement, mais pas trop non plus pour ne pas... empêcher la bonne circulation sanguine, cela va sans dire.
Une jambe de Liz se retrouva pliée sur elle-même, le genou sur le ventre, et elle sentit bien que le degré de douleur montait d’un cran. En effet, si son deuxième pied était encore en contact avec le sol, ce n’était que sur la pointe. Le corps de Liz était presque en lévitation, et lorsque Jean-Paul se mit à tirer sur des cordes qui pendaient du portique, elle se souleva carrément en grinçant des dents.
— Chaque point d’appui est exacerbé, à présent, déclara Jean-Paul à voix basse en admirant le résultat de son long travail.
Nina ne dit rien. Elle n’en avait pas le droit ni l’envie. Sur le visage de Liz, elle pouvait sentir sa souffrance. Mais elle la supportait sans presque un bruit. Jean-Paul délaissa Liz pour revenir vers Nina. Il se servit un verre et en but deux petites gorgées. Nina fixait Liz. C’était à peine si elle se rendait compte de la présence de Jean-Paul à ses côtés. La punk était à l’horizontal, visage rougi tourné vers le sol, une jambe pendante, l’autre repliée sur son ventre. Les bras attachés dans le dos semblaient être un véritable supplice. Elle pouvait voir ses muscles se tendre comme s’ils allaient se déchirer.
— C’est plus impressionnant de notre point de vue que du sien, rassurez-vous, souffla Jean-Paul à Nina. Mais je vois que vous avez compris comme cela peut être beau, autant pour nous que pour elle.
Nina hocha la tête vers lui. Elle sentait ses joues rouges, se sentait presque excitée, mais ne parlait toujours pas. Elle s’en sentait incapable. Si elle se mettait à parler, à réfléchir, elle avait peur d’avoir envie de s’échapper.
— Vous devez savoir qu’à partir de maintenant, la douceur va peu à peu disparaître. Je tenais à vous demander. Je peux la jouer plus soft pour vous montrer, sachant que Liz n’aura peut-être pas tous les bienfaits qu’elle venait chercher. Ou bien vous montrer tout. Mais dans ce cas, Liz ne sera pas la seule à jouir. Autant que vous le sachiez tout de suite.
Nina déglutit difficilement. Il lui disait donc ce qu’elle craignait le plus. Dans leurs séances, comme il disait, Jean-Paul baisait Liz. Elle avait repéré les différents godes et vibromasseurs qui trônaient sur les tables et avait espéré que le plaisir dont il parlait était offert uniquement par ces objets. Mais après tout, pourquoi se serait-il privé ? Attachée de cette manière, Liz était totalement offerte. Pourquoi ne l’aurait-il pas fait ? Son regard glissa sur la punk. Ses traits s’étaient relâchés, déjà. Elle s’était habituée à la douleur que les cordes lui infligeaient, autant par les points de pression que par la position visiblement pénible. Et c’était d’autant plus beau à voir. Liz relevait un peu le visage, Nina savait qu’elle écoutait, qu’elle attendait sa réponse. Et elle se tourna à nouveau vers Jean-Paul, les yeux embrumés :
— Allez-y...
Il lui sourit avec tendresse, Liz sourit et laissa retomber sa tête. Et Nina s’en voulait déjà. L’attitude de Jean-Paul changea subitement. Il vida son verre d’un trait et se dirigea vers une table. Il attrapa dans une main un de ces vibromasseurs que Nina avait vus de nombreuses fois dans des vidéos X. Un Wand, elle s’en rappelait très bien le nom. Et dans l’autre main, il prit un martinet tout en cuir. Nina se tendit sur son fauteuil. Elle ferma les yeux, les rouvrit, voulait voir, ne voulait pas voir.
Mais lorsque Liz lâcha son premier cri de surprise alors que le Wand vibrait sur sa vulve rendue douloureuse par les pinces qui l’écartaient, Nina ouvrit grand les yeux. Liz fut prise de secousses qui devaient accentuer les points de pression des cordes. Son cri n’en finissait plus, jusqu’à ce que Jean-Paul hausse la voix :
— Calme-toi ! Calme-toi ! lui cria-t-il en faisant claquer les lanières du martinet sur sa cuisse pendante.
Et Liz serra les dents. Puis rouvrit la bouche en une grimace de plaisir, sous l’action du Wand. Jean-Paul était appliqué. Nina ne pouvait que voir le sérieux avec lequel il jouait son rôle. Il la scrutait à chaque instant, surveillant chacune de ses réactions, s’assurant que chaque corde restait bien à sa place, et qu’aucun membre de la punk ne prenait une couleur trop violacée. Il retira finalement le Wand de la vulve de Liz et celle-ci parla pour la première fois depuis qu’elle avait pénétré dans cette pièce :
— Merci Maître.
Jean-Paul fit claquer le martinet entre ses cuisses. Il ne le fit pas avec parcimonie, cette fois. Les lanières de cuir arrachèrent un cri perçant à Liz. Nina sursauta et ressentit presque la douleur avec elle. Mais Jean-Paul ne s’arrêta pas. Il ne cessait de lever le bras et abattre sur ses fesses et sa vulve ce martinet. Liz tremblait de douleur, tentait de retenir ses cris mais n’y arrivait pas. Tous ses muscles se tendirent, jusqu’à ses mâchoires. Et Jean-Paul restait imperturbable. Il scrutait Liz, visait, ajustait, fouettait.
Nina, elle, était incapable de comprendre ce qu’elle ressentait. Elle voulait sauter de son fauteuil et arrêter Jean-Paul, mais restait figée là. Parce que chaque cri que lâchait Liz était suivi d’un soupir. Et il était clair qu’il ne s’agissait pas d’un simple soulagement. Tout ce que Nina voyait et entendait dépassait de loin sa capacité d’analyse. D’où elle était, elle pouvait voir les fesses rougies, striées, bientôt jusqu’au sang si Jean-Paul continuait encore. Mais elle le voyait aussi. Un fin et luisant filet de cyprine qui coulait de la vulve de Liz. Nina ne pouvait pas nier ce qui était l’évidence : la punk adorait ça.
Et lorsque Jean-Paul s’arrêta, Liz répéta, dans un souffle court, les larmes dégoulinant de son le bandeau :
— Merci... Maître.
Elle se détendit d’un coup en lâchant quelques plaintes. Liz pleurait mais ne semblait pas vouloir s’arrêter là pour autant. L’homme ne répondit pas. Il plaqua à nouveau le Wand contre sa vulve et Liz cria à nouveau, remua à nouveau. Elle était au bord de la jouissance et son Maître se déplaça sur le côté, toujours aussi concentré, jetant à peine quelques regards sur Nina. Le martinet reprit du service. Il l’abattait cette fois de bas en haut dans de larges gestes, tout en gardant le vibreur plaqué sur le sexe inondé de la punk. Son ventre et son dos rougissaient à leur tour, ses gémissements se faisaient plus faibles, plus plaintifs. Un filet de bave coulait au coin de sa bouche. Mais Jean-Paul continua, faisant à présent claquer le martinet sur les seins et les omoplates de Liz.
Nina avait la tête qui lui tournait. Il y avait encore à peine cinq minutes, la douceur était de mise. Puis tout avait basculé. Liz devenait de plus en plus inerte sous ses yeux. La Liz qui faisait reculer des hommes, la Liz qui fonçait dans les pogos acharnés, la Liz qui l’avait faite décoller comme rarement, l’autre soir, le roc sur lequel Nina avait pu se reposer pour mettre des mots sur son mal. Cette Liz-là était en train d’être réduite à néant en un rien de temps par ce cinquantenaire qui ne savait même pas s’habiller de façon un minimum harmonieuse. Et un cri de Liz sortit Nina de sa torpeur :
— Maître ! Puis-je jouir, Maître ?
Jean-Paul lança un regard vers Nina et sembla lui répondre à contrecoeur :
— Jouis, bonne petite chienne.
Il claqua une dernière fois le cul de Liz et se mit à remuer le Wand sur sa vulve, en l’appuyant énergiquement. Aussitôt, Liz se mit à hurler de plaisir. Chaque tremblement de plaisir lui lançait des décharges électriques de douleur dans tout le corps, si bien qu’on ne pouvait plus savoir si elle jouissait ou pleurait de douleur. Et lorsque que ses tremblements diminuèrent, elle le remercia à nouveau. Jean-Paul la fit redescendre doucement, défit quelques nœuds afin qu’elle puisse reposer sur ses deux jambes, bien que fébriles, mais toujours retenue par les cordes arrimées au portique.
Nina était fière d’elle. Elle avait tenu jusqu’au bout. Elle aurait aimé aider Jean-Paul à la faire descendre, lui enlever elle-même son bandeau, mais elle ne bougea pas. Le moment des retrouvailles viendraient bien assez tôt, elle ne devait pas gâcher ce dernier moment par son empressement.
C’est pour ça qu’elle ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Jean-Paul laissa Liz attachée au portique, mais cette fois debout, les bras toujours dans le dos, toujours prise par les cordes, bien qu’un peu relâchées. Il n’avait vraiment libéré que ses jambes, imprimées de la texture des fibres, tremblantes. Il s’approcha de Nina et c’est seulement à cet instant qu’elle se rendit compte de son excitation à lui.
— Suivez-moi, s’il vous plaît, lui dit-il en se dirigeant vers la porte.
Nina eut du mal à se lever. Elle regardait Liz qui semblait au bout du rouleau, reniflait pour retenir des petits filets de morve. Mais Nina, tout en voyant son état pitoyable, ne put s’empêcher de la trouver toujours aussi belle, toujours aussi attirante. Et c’était peut-être ça le pire dans ce qu’elle vivait ce soir-là : ne pas réussir à détester cela. Elle suivit Jean-Paul derrière la porte, qu’il referma presque sans un bruit, puis lui demanda aussitôt :
— Comment vous sentez-vous, Nina ?
L’excitation se sentait dans sa voix. Il avait pris son pied dans cette première partie, mais il devait à chaque instant rester concentré, à cause de la suspension de Liz. Hors de question de se lâcher complètement et qu’une corde bouge et vous appuie à un endroit qui bloquerait votre respiration, ou vous fasse perdre connaissance. Dans la partie qui allait venir, il allait plus pouvoir s’exprimer. Nina le dévisagea :
— Je... Ça va... Je crois.
— Souhaitez-vous vous approcher de nous ?
— Qu... ?
La question resta bloquée dans sa gorge. Ce pervers était en train de lui proposer un plan à trois !
— Non-non ! l’arrêta-t-il. Je veux dire d’elle. Être à ses côtés, lui enlever son bandeau et être à ses côtés pour le reste. Vous pourrez l’embrasser, la caresser, l’encourager, ou simplement la regarder. Mais je vous ai vue. Vous touchez du doigt sans réussir à totalement comprendre. Je vous propose d’aller un peu plus loin, mais vous devez accepter d’abord.
— D’accord, répondit Nina sans hésiter, se surprenant elle-même.
Elle fut à deux doigts de revenir sur ses mots, mais Jean-Paul rouvrit la porte en grand et la prit par la main pour la faire entrer. Il se tenait à présent derrière elle, les mains sur ses épaules et Nina faisait face à Liz, qui avait profité de cet instant de pause pour se redresser. Elle se tenait fermement debout, la poitrine en avant, striée des coups de martinet, les mâchoires serrées, prête à subir ce qui allait venir. Jean-Paul se pencha à l’oreille de Nina et souffla :
— Allez-y... Enlevez-lui le bandeau...
Et il la poussa légèrement. Sans cela, Nina n’aurait sûrement pas osé avancer plus.
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