Un matin j’entendis la sonnerie de l’application smartphone gérant l’interphone de mon appartement. Car oui, de nos jours tout est connecté et en ligne. « Grâce à cela, vous pouvez ouvrir pour un livreur par exemple, même quand vous n’êtes pas chez vous », vendit sous forme de killer-feature, comme on dit en bon français, le promoteur de mon logement.
Prenant donc mon smartphone à la main, j’appuyai sur le bouton « Répondre ». Quelques secondes plus tard, la vidéo s’afficha sur l’écran tenu entre mes mains. Comme à chaque fois avec cette application, la qualité de l’image diffusée depuis la caméra extérieure de l’interphone était indéchiffrable. Un tas de pixels sur-compressés, une bouillie rappelant les diapositives cramées d’antan, qui me permettait de vaguement distinguer une silhouette anthropomorphe.
« Bonjour ? », demandai-je à cet amas de données confuses que l’application tentait désespérément de rendre compréhensible.
« Bonjour, je suis l’Univers. Je suis là pour répondre à vos questions. »
« Ah, très bien, j’arrive », répondis-je sans avoir réellement compris l’introduction de mon visiteur.
À première vue il ne s’agissait pas d’un commercial faisant du porte à porte. Une personne habillée simplement, un visage que vous avez eu l’impression de voir partout, et une dégaine qui vous ferait oublier son existence dès qu’elle quitterait votre champ de vision. De retour dans mon appartement, je proposai un café à ce visiteur. Il l’accepta volontiers.
« Je ne suis pas certain d’avoir saisi qui vous étiez ? », demandai-je alors que ma machine faisait couler un premier café.
- L’Univers, répéta cordialement mon invité imprévu.
- Lune Hiver ? Mais nous sommes au printemps.
- Non, l’Univers tout entier.
- Ah, très bien. Que me vaut le plaisir de votre visite ?
- Je suis venu répondre à vos questions.
- À propos de ?
- De moi. Avez-vous des questions au sujet de l’Univers que je suis ?
- Est-ce que ça vous fait mal quand je marche sur sol ? Quand je plante un poteau dans de la terre ?
- Non. Au contraire, le bruit des pas des milliards d’êtres vivants me parcourant est comme un agréable massage.
- Pourquoi ressemblez-vous à un humain ?
- Pour que vous puissiez mieux appréhender mon existence.
- Désirez-vous du sucre avec votre café ?
- Non merci, j’essaye d’arrêter le sucre car cela favorise mon expansion. »
L’Univers prit une gorgée de café puis me demanda en retour : « Vous n’avez pas d’autres questions ? »
« Pas vraiment. Après tout, en tant qu’écrivain, je suis votre fabriquant. »
Mon invité s’amusa de cette dernière remarque et je passai un agréable après midi en sa compagnie.