La naissance et la reconnaissance
1 an plus tard.
Tôt le matin, alors que le soleil se levait, le Palais de Pierre éclaboussait de mille couleurs la ville de Lac Blanc. Le quartz brut qui en recouvrait la base capturait la lumière rose, et la renvoyait de tous côtés, à la surface comme sous l'eau. De rares canoës, appartenant la plupart du temps à des marchands, circulaient dans les canaux, perturbant la surface de l'eau.
Ce matin-ci, de nombreux canoës se dirigeaient vers le Palais, amenant le nécessaire pour la fête du solstice qui se déroulerait le soir même, ou pour le mariage royal qui la précèderait dans l'après-midi.
Parmi eux circulait un bateau au contenu beaucoup plus léger. Il était mené par une jeune femme dont les cheveux étaient drapés d'un fin voile bleu. Devant elle, un paquet était soigneusement emmitouflé dans des couvertures.
Alors qu'elle atteignait le ponton du Palais de Pierre, les Gardes l'interpellèrent :
- Bonjour, milady, pouvons nous vous aider ?
- Bonjour, Gardes, répondit-elle. Il me faut voir le Roi au plus vite.
On pressentait l’urgence dans sa voix. Elle ôta alors le voile qui cachait ses cheveux. C’était une vraie beauté, avec ses grands yeux bleu marine, son nez aquilin et ses cheveux dorés. Son visage était fin, ses pommettes hautes, et on eut dit que toute la lumière était attirée par elle. Il était tout simplement impossible de ne pas la regarder.
Les soldats reprirent leurs esprits.
- Le Roi n'est pas disponible, milady, il dort encore, c'est le matin de son mariage après tout. Pourriez-vous d’abord nous donner votre nom, et nous dire ce qui nécessite une audience si matinale ?
- Sa Majesté va devoir être réveillée, dans ce cas. Je suis la Domnis Eliana Galmin, porte-parole de la Maison de Folesi. Ce que j'ai à lui communiquer est très urgent, je ne troublerai pas pas le Roi pour des futilités.
- Je vais voir ce qu'il est possible de faire, dit l'un des Gardes, en se tournant pour entrer dans le Palais.
Satisfaite, Eliana sortit de son canoë en soulevant délicatement le paquet, puis s'assit sur le ponton, le serrant fort contre elle.
Quelques minutes plus tard, le Garde revint, suivi d'un majordome.
- Domnis, salua le majordome, si vous voulez bien me suivre, Sa Majesté vient tout juste de se lever, nous vous invitons donc à partager son petit déjeuner.
Il la mena à travers le Palais jusque dans les quartiers royaux, et la fit entrer dans une salle meublée d'une grande table entourée de serviteurs s'affairant à y placer divers mets pour le petit déjeuner royal. Elle aurait pu s'asseoir pour attendre le Roi, mais elle préféra rester debout, son paquet toujours serré contre elle.
Une dizaine de minutes plus tard, le Roi entra par une autre porte, vêtu alors d'une chemise déboutonnée et d'un pantalon ample. Distrait, il commença à manger sans remarquer la présence d'Eliana :
- Quelle allure royale, Votre Majesté, dit-elle.
Le Roi sursauta, et se tourna vers elle. Il avait de la confiture sur les lèvres, ce qui lui donnait un air des moins sérieux, pensa Eliana en souriant.
- Que... ? Eliana ? s'écria-t-il.
- Pour vous servir, Votre Majesté, répondit-elle avec un sourire moqueur, en esquissant une révérence, encombrée par son paquet.
- Que me vaut le plaisir de vous voir, Domnis Galmin, reprit le Roi un peu plus protocolairement. Et à mon petit déjeuner, qui plus est ? Si vous souhaitez le partager, faites moi le plaisir de m'appeler Logart, ce sera moins formel.
- Il en sera selon votre souhait. A vrai dire je ne suis pas vraiment là pour partager votre petit déjeuner, Logart, mais pour vous parler de quelqu'un.
Elle enleva quelques couvertures de son paquet, laissant entrevoir le visage d'un bébé. Logart la regarda, perplexe.
- Elle est née il y a trois mois, expliqua-t-elle en regardant le bébé. C'est ma fille. Et je n'ai eu dans mon lit depuis deux ans que le Roi Logart Alténor, lors du dernier solstice.
Elle leva les yeux, et les fixa dans ceux de Logart.
- C'est ta fille, Logart. La loi est claire. En tant que parent de plus haut rang, tu as le devoir de reconnaître sa filiation et de lui donner une éducation.
- Je... Je connais la loi oui, bégaya-t-il. Bien sûr que je le ferais. Mais elle a le droit de connaître sa mère aussi.
- Oh Logart, dit-elle en s'affalant sur une chaise, ravagée par l'émotion. J'aimerais rester pour l'élever avec toi, mais je suis porte-parole de ma maison et je dois voyager régulièrement. La seule chose qui me console, c'est qu'étant née du mauvais côté de nos deux lits, elle pourra être libre et aimée sans conditions.
- Elle le sera, dit-il doucement. Elle est ma première-née, et même si j'espère avoir de nombreux enfants, j'aurais tout le temps de l'aimer avant. Mon mariage a lieu cet après-midi, je la présenterai alors au peuple avec toi. Après tout, c'est de bon augure pour mon mariage, il sera probablement d'autant plus fertile. J'aurais aimé te proposer une place de concubine, mais ton rang est trop élevé, ce serait une insulte à ta famille. Tu seras régulièrement dans la capitale, j'espère que tu pourras venir la voir aussi souvent que tu le souhaites. Les portes du Palais te seront toujours ouvertes. As-tu déjà une idée de nom ? Je viens tout juste d'apprendre l'existence de cette enfant, alors que tu la portes depuis des mois.
- J'ai pensé à Kyalarys. C'était le prénom d'une Domnis de nos légendes qui appartenait à la famille Royale. Elle était très loin dans l'ordre de succession mais elle a prouvé sa valeur de mille autres façons.
- Elle s'appellera donc Kyalarys.
Il appela un serviteur, et lui confia l'enfant. Il finit alors son déjeuner aux côtés d'Eliana, puis la laissa partir pour se préparer au mariage.
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