Semis automatique
Le vent accrochait le printemps aux branches des saules, notes de chatons dorées, mises ci et là, crochées et ballotées, notes fleuries et melliflues, murmurées aux flûtes de paons amoureux. Le vent accrochait ses ailes de passereau dans le chemisier en fleurs d’une jeune fille à carreaux, et le pourpre des digitales sur la peau de lait qui braillait sous la bise, ondoyait comme le flanc d’un cheval après la course. La grande course sur la voie lactée, constellation qui s’égraine, semée par le vent, décolleté tempétueux, au souffle clair et impérieux, péril et fièvre dans des cieux pers. Cieux océans, vacillants dans le sillage glané des goélandes lointaines, fleuries de bruyères et, demain, qu’on voudrait prendre par le bras et baiser d’autrefroides lèvres. Sentir éclore un peu de mai, un sourire de muguet, mi fougue mi raison, glisser ses doigts dans les cheveux et les je veux, se faire cilhouette au coin d’un oeil, mirage mystère, se taire à son oreille… Cueillir l’estampe d’un rêve à l’estuaire d’une tempe et les rires griottes qui naissent aux cimes les plus hautes, manger ces rires, s’en tacher jusqu’aux oreilles, s’enticher au-delà, à en avoir mal au ventre. Mordre les joues et les jours, cracher les pépins par-dessus un mur de perlimpinpin, s'emplir les yeux de pollen pour mieux pleurer de miel, et quand les mots se font gros, chuchoter. Ne pas chuter, filer le bon coton, le coton parachute, se dire, le vent nous portera, voler, un peu de temps, voler, un peu d’élan, voler, un peu plus loin, à tire d’aile, à tire d’elle, d’elle en il et d'île en archipel, croquer le sable, esquisser l’écume des jours d’hiver dans les neiges hirondelles et les nids d’hérons d’îles. Rémiges étoilées, dont on plume le papier, émoussé de trop de mots savants qui glissent sous la douche, que l’on s’abaisse à ramasser, que l’on s’entête à ramager comme des merles buissonniers aux grives musiciennes. Que l’on s’échine, assez, aux offrandes fleuries, coquelicots fanés, coquetteries bégueules sur l'autel des béguins bégonias. Non, que ne reste que le vent accrochant ses chants à la clé des saules, un peu de pourpre sur les joues et des brins de mai dans les je veux, l’écho cerise de ces rires et du pollen dans les yeux ; un peu de sable pour compter les hivers et des plumes de coton pour jouer les hirondelles ; la patine des mots simples et inusables et point d’autres fleurs que celle de l’âge qui jamais ne fane, tant qu’on sème.
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