27. Résiste
Elle allait partir, retourner dans le salon et faire comme si rien ne s’était passé ? Moi, je pouvais pas. J’y arriverais pas. Mais fallait que j’essaie. Alors, je ravalais l’envie dévorante que j’avais de l’embrasser encore et la suivis.
C’en était déstabilisant. Affalé dans le canapé, je l’écoutais me raconter ses vacances studieuses, vu qu’elle était seule. C’était comme s’il n’y avait rien eu entre nous. Mais j’étais obnubilé par ses lèvres. J’arrêtais pas de loucher dessus. C’était moi qui voulais pas qu’il se passe quelque chose entre nous et j’étais celui qui avait le plus de mal à passer à autre chose. Comment elle faisait ? Ou alors, elle cachait juste bien mieux que moi son attirance.
— Pourquoi t’es rentré plus tôt ? me demanda-t-elle.
Pour te voir. Parce que je suis débile.
— Je commençais à en avoir marre de tout le monde à la maison. Hier matin, je me suis fait réveiller par mes cousins qui tapaient sur des casseroles.
— Les petits cons ! s’exclama-t-elle, avant d’éclater de rire.
Qu’est-ce que j’aimais ce son. Je m’en lasserais jamais. Et je virais au canard, en plus !
— Mika ?
— Hmm ?
— Tu as dit que tu avais de quoi tenir jusqu’en février… Ça veut dire que d’ici là, t’auras plus à te battre, hein ?
J’en savais rien. Je me connaissais, il arriverait un moment où j’aurais besoin d’en découdre. Je le sentais venir. Il faudrait que j’exulte ma frustration. Et que je me prouve que je me ramollissais pas. Mais ça, je pouvais pas lui dire. Elle m’aurait pris pour un fou, elle aurait été déçue. Pour elle, je ne faisais ça que pour survivre. C’était bien plus que ça. Même si j’aimais pas la façon dont ça se passait, l’adrénaline qui m’envahissait quand je me retrouvais au cœur d’un combat me faisait du bien. Quand je gagnais.
— Et quand tu arriveras en février, que tu n’auras plus d’argent ? couina-t-elle.
— T’inquiète pas pour moi, s’il te plait.
Céleste hocha la tête et détourna le regard. J’aurais tellement voulu savoir ce qu’il se passait dans sa tête. J’imaginais que ça se bousculait là-dedans. Elle devait réfléchir à toute vitesse, hésiter. Je la voyais venir gros comme une maison. Elle allait me dire que maintenant que j’étais plus couvert de bleus, je pourrais essayer de trouver un vrai taff. J’aurais pu. Comme ça, j’aurais été définitivement débarrassé de mon père.
— Bien sûr que je m’inquiète !
— Mais tu devrais pas… soupirai-je.
J’osais pas relever les yeux vers elle, de peur de ce que j’y découvrirais. Elle s’était imperceptiblement rapprochée de moi. Je sentais la chaleur qu’elle dégageait réchauffer mon bras. Sa cuisse dénudée contre ma main se parsema de frissons quand je l’effleurai. J’y arrivais plus. À résister.
Ses doigts se mêlèrent de nouveau aux miens. Putain que c’était dur de ne pas céder à l’envie. Elle se faisait de plus en plus pressante. J’avais même du mal à respirer. Elle, elle n’osait plus bouger. Je savais très bien ce qu’elle attendait. Mais justement, elle attendait que ça vienne de moi.
Oh, puis merde !
J’avais quoi à perdre ? Au pire, elle finirait par se rendre compte à quel point j’étais une merde, et elle me jetterait. Mais en attendant, j’aurais au moins pu en profiter. Et je pourrais me rappeler qu’un jour, j’avais eu la chance de faire un bout de chemin avec la femme la plus extraordinaire qu’il m’ait été donné de connaître. C’était débile comme raisonnement. Mais j’avais le cerveau complètement embrumé, retourné par cette irrépressible attirance.
Je lâchai ses doigts et plaquai les miens sur sa cuisse. Je retins mon souffle, encore persuadé qu’elle me repousserait. Même si, au fond, je savais que non. Du coin de l’œil, je la vis sourire. Elle se lova contre moi. Je me retournai vers elle et tombai dans ses yeux doux et brûlants à la fois. Je dérivai sur ses lèvres charnues.
— Je croyais qu’on pouvait pas, susurra-t-elle.
— On peut pas… Mais…
J’eus pas le temps de finir ma phrase. De toute façon, je savais pas quoi dire d’autre que ce “mais”. Mais j’en mourais d’envie. Mais je peux pas te résister. Mais j’ai envie de toi. Elle se rapprocha de moi, ses yeux toujours plantés dans les miens. Et cette fois-ci, je cédai en premier.
Comme la première fois, ce fut une explosion de sensations qui me chamboula. Sa langue dansa vite avec la mienne. Ma main s’agrippa plus à sa cuisse. Si notre premier baiser avait été hyper doux. Là, c’était brutal. Une heure qu’on se retenait, qu’on luttait et on lâchait enfin la pression.
— On peut pas… répétai-je désespérément.
Avec un peu de chance, elle serait plus raisonnable que moi. Mais elle aussi, elle se laissait guider par l’envie. Un rire nerveux lui échappa quand je devins plus entreprenant. Elle avait qu’à pas porter cette nuisette qui dévoilait son corps de rêve, aussi. Allongée contre les coussins du canapé, ses doigts s’étaient glissés sous mon pull, sous mon t-shirt. Je bouillonnais. Ma bouche avait quitté la sienne pour s’égarer dans son cou et suivre la ligne de sa clavicule jusqu’à la naissance de sa poitrine. Qu’est-ce que je faisais ? J’étais censé ne plus l’embrasser, me tenir à l’écart de tout désir. J’avais lamentablement échoué.
— Pas sur le canapé, haleta-t-elle, quand ma main remonta le long de sa cuisse jusqu’à sa culotte en dentelle.
Ah non. Son string. Encore mieux. Elle me repoussa doucement, elle m’embrassa une dernière fois et se leva. Je restai là, immobile, incapable de savoir ce que je devais faire. C’était le moment où jamais pour arrêter cette connerie. Mais j’en avais pas envie du tout. Alors, quand elle attrapa ma main, je la suivis jusqu’à sa chambre.
Bravo ! Vraiment, un succès cette soirée. T’as vraiment bien résisté.
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