32. Je t'aime
Elle était là, devant moi, à quelques mètres. Elle souriait à Alex’, pas à moi. Dès qu’il croisa mon regard, il me fusilla. Céleste avait dû tout lui raconter. Il avait voulu me péter la gueule un soir. Je m’étais défendu, par réflexe. Sauf que j’avais oublié que, moi, je savais me battre comme un lion et pas lui. Ce fut Céleste qui nous sépara. Et depuis ce jour, plus rien. Pas un regard, pas un mot. Rien. J’avais tout foutu en l’air.
Je le savais dès le début que je merderais. C’était pour cette raison que j’avais pas voulu qu’on tente le coup. Enfin, je me rassurais en me disant ça. En réalité, c’était parce que j’avais eu trop peur de m’engager auprès de Céleste que ça avait foiré.
J’étais d’une hypocrisie sans nom. Je lui avais fait du mal, à ma Céleste. Je l’avais vu dans ses yeux quand elle était venue à l’hôtel et qu’elle avait vu cette espèce de pouffiasse. Quelque chose s’était brisé. Sa confiance en moi, peut-être. Son affection. Sa patience. J’avais été trop loin pour me remettre de cette nuit qu’on avait passée ensemble. Ça m’avait conduit à la perdre.
Assis sur les marches de la fac, là où on fumait notre clope d’habitude, je la regardai d’un œil vide. Elle me manquait, putain. Comment j’avais pu être aussi con ? Ça me donnait envie de taper sur un truc. De toute façon, depuis que j’avais plus ma voix de la raison, ma Céleste à mes côtés pour me guider, je réglais tout en tapant un mec ou en baisant une connasse récupérée dans un bar miteux, le genre facile à soulever.
Elle se retourna en riant. Combien de temps ça faisait que je l’avais pas entendue pouffer de rire, la main devant sa bouche, les joues rosies, parce que j’avais dit une connerie qui la faisait marrer ? Son regard changea à l’instant où elle sentit le mien sur elle. Son sourire disparut.
Putain, Céleste, je suis désolé.
Tout le restant de l’année, ce fut le même cinéma. Je me sentais pourrir de l’intérieur depuis qu’elle me souriait plus. J’enchaînais les conneries. Je devenais comme mon père, en fait. Je détestais ça. Je me détestais.
Puis arriva notre dernier partiel. Après ça, j’allais retourner trois mois dans le sud. J’appréhendais le retour, quand ma mère verrait ma gueule éclatée. Ça me faisait encore plus culpabiliser. Je fixai ma feuille en y pensant. Fallait pas que je foire ça, au moins. Ma daronne allait déjà être déçue de voir que je me battais, alors si en plus je validais pas mon année… J’avais taffé à fond pour ces exams. C’était bien moins efficace que quand Céleste m’expliquait tout, mais ça devrait passer quand même.
Résultat, j’avais fini ma dissert’ une heure avant la fin. J’avais carburé comme jamais. Y avait une raison derrière cet empressement. Céleste. Elle finissait toujours plus tôt que tout le monde et se cassait aussitôt. Je voulais pas la louper. Fallait que je lui parle avant de partir à Toulon. Et, quand je lui jetai un oeil, assise à ma gauche, je constatai qu’elle n’avait pas encore terminé. Étonnant. J’avais dû me planter quelque part. Elle pouvait pas plus galérer que moi.
Enfin, je me retrouvai quand même dehors, à me dire que j’avais pas dû bien comprendre la question. J’attendais qu’elle se décide à sortir. Assis en face de la porte, je la guettais. Ça faisait vraiment zonard qui attend sa proie. J’étais ridicule. Elle allait me rire au nez, en plus. Je savais même pas pourquoi j’arrivais pas à tourner la page. Encore aujourd’hui, quand je sautais une autre meuf, c’était à elle que je pensais. Une nuit. Elle m’avait capturé en une nuit. Quel con !
Une heure plus tard, la porte s’ouvrit à la volée sur Céleste. Elle avait l’air hyper vénère. Elle en tremblait même. Et elle respirait mal.
Merde.
— Céleste ?
Elle se retourna vers moi et me dévisagea comme si elle venait de voir un fantôme. J’en étais un peu un, en fait. J’errais là comme une âme en peine, hanté par le souvenir de ses lèvres sur les miennes et de ces quelques heures dans ses bras où je m’étais senti à ma place, enfin.
— Quoi ? cracha-t-elle.
— Ça va ? T’as pas l’air bien…
Elle me fusilla du regard. Merde, qu’est-ce que j’avais fait pour qu’elle me déteste tellement ? Enfin, j’avais l’impression qu’elle m’en voulait encore plus que d’habitude. Les sourcils froncés, je la détaillai. Y avait un truc qui allait. Elle avait l’air épuisée. Elle était débraillée, alors qu’elle était toujours si élégante même quand elle portait un jean troué et un simple t-shirt. Là, on aurait dit qu’elle sortait d’une essoreuse à salade. Elle portait une robe qui arrivait au milieu de ses cuisses. Ses cuisses, putain.
— Ça t’intéresse ? siffla-t-elle, en pointant son genou égratigné. Des mecs te cherchaient hier soir.
J’en restai bouche bée. Incapable de réagir. Buggé. Qui avait osé s’en prendre à elle ? Fallait que je retrouve ces enculés et que je leur fasse payer.
— Apparemment, ils étaient pas au courant que t’étais plus occupé avec une des putes que tu trouves je ne sais où.
Elle était agressive. Je le méritais, mais j’aimais pas la voir comme ça. Ça lui allait pas. C’était pourtant de ma faute.
Sombre con que tu es.
J’avais vraiment tout gâché. Vraiment tout.
Elle tourna les talons, resserra son sac à main sous son bras et partit d’un pas déterminé. Elle boitait, pourtant. J’aurais eu aucun mal à la rattraper, mais au regard froid et méprisant qu’elle venait de me lancer, je compris qu’il n’y avait plus rien à faire. C’était terminé. J’avais merdé. Je l’avais perdue.
Adieu, Céleste. Je crois que je t’aime.
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