Le prince qui était laid

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Il était une fois, dans un royaume dont l’histoire n’a pas retenu le nom, un prince, qui ayant atteint l’âge de la majorité, cherchait une épouse.
Au début, le prince ne s’inquiétait pas ; il était riche, puissant, et prince d’un royaume ; qui n’aurait pas voulu de lui ? Il s’attendait à trouver une foule de jeunes femmes devant chez lui ; il n’y eût personne.
Il questionna alors sa mère :

- Pourquoi personne ne souhaite-t-il m’épouser ?

Sa mère était bien gênée, mais devant l’insistance de son fils, qu’elle chérissait, elle lui révéla :

- Mais… mon fils… Vous êtes laid !

Le prince, à partir de ce jour, si funeste pour lui, ne cessa de haïr les miroirs. Il se trouvait un défaut de plus chaque jour ; et son regard sur lui-même changea. Lui qui n’avait jamais accordé d’importance à sa bouche, son nez et ses yeux, ne voyait désormais plus qu’eux.

Il était effondré, et se terrait dans ses appartements, passant ses journées seul, à ruminer des pensées noires.

Un jour, n’y tenant plus et ayant perdu toute confiance en lui, il fit appeler la sorcière Clothilde. C’était une femme mystérieuse, dont personne ne connaissait ni la véritable apparence, ni le véritable âge, mais qui était réputée dans tout le royaume.

Il attendit cinq jour et cinq nuits avant de la voir enfin arriver dans son palais. Elle avait, pour l’occasion, revêtu l’apparence d’une magnifique et riche jeune femme.
Le prince, quant à lui, cachait sa laideur sous une capuche informe qui était pourtant bien plus ridicule que son visage.

Les deux jeunes gens s’isolèrent dans les appartements du futur monarque et le prince ôta sa capuche. Il s’attendait à des moqueries, mais il n’en fut rien : la sorcière se montra même très empathique et comprit tout de suite le mal-être du jeune homme.
Ils discutèrent pendant des heures, de tout, de rien et de bien d’autres choses comme l’équitation, l’histoire, l’art ou l’amour avant que la sorcière ne lui demande franchement :

- Oh, mon seigneur. Dites-moi donc enfin la raison qui vous a poussé à me faire venir de bien loin… Car, sans vous offenser, j’ai d’autres clients qui doivent se languir de moi !

Le prince raconta alors sa triste histoire, passant de cette épouse qu’il ne trouvait pas aux miroirs qu’il avait bannis du palais. Clothilde l’écouta patiemment et ne le coupa pas.
Quand il eut fini son récit, elle commença à réfléchir, avec l’aide du prince, à comment remédier à son problème.
Ensemble, ils consultèrent son grimoire, et ensemble, ils se mirent d’accord pour que le prince boive une potion summa mutatio : la potion miracle pour le prince, car elle lui confèrerait une apparence digne de celle d’un dieu.

Les deux jeunes gens, désormais liés par une forte amitié, parcoururent le monde en quête des ingrédients qui étaient tous plus rares les uns que les autres : crin de Smallbrouffe, dent de Picendre à écailles, rosée de Naphtalis… etc etc.

Pendant plus de deux années, ils bravèrent tout les dangers et découvrirent des territoires inexplorés ; puis, enfin, ils revinrent au royaume dont le prince était originaire.

Un soir de pleine lune, ils broyèrent, découpèrent et jetèrent les ingrédients durement récoltés dans une grande marmite d’or.
Ils laissèrent reposer le breuvage durant six jours et six nuits ; puis, enfin, le prince put boire la potion. Elle était amère, imbuvable, dégoutante : mais la perspective de perdre sa laideur aida le prince à boire la potion tout entière. Après avoir bu la dernière goutte, il fut pris de douleur intense, de picotements et de sensations de brûlures terribles : mais il faut souffrir pour être beau, c’est bien connu. Alors il supporta la douleur pendant une journée entière : et enfin, cela cessa.
Tout tremblant et plein d’inquiétude, le prince se dirigea vers le miroir qu’on lui avait apporté : et il osa, pour la première fois en trois ans, lever les yeux vers son reflet.
Et ce qu’il vit l’émerveilla : il voyait un jeune homme magnifique, resplendissant, avec des airs divins… et ce jeune homme, c’était lui.

Il remercia mille fois Clothilde, puis se précipita dans la salle du trône. Tous les courtisans présents virent son visage et son apparence nouvelle ; et la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Une semaine lus tard, une foule de jeunes femmes se pressait devant la demeure du futur monarque. Le prince prit le temps de rencontrer chaque jeune fille, mais à chaque fois, un sentiment de mal-être formait une boule dans sa gorge, et il renvoyait les prétendantes.

Ce sentiment grandit encore et encore, alors le prince décida de se confier à la sorcière.
Comme la dernière fois, elle arriva au bout de cinq jours et cinq nuits, avec la même apparence. Encore une fois, il lui confia tout.
La sorcière sembla encore plus empathique que la première fois, et lorsqu’il eut terminé, annonça :

- Mon bon prince… Je sais ce qui te taraude. Tu te sens aimé pour ton physique seul ; et cela te dérange. Tu te dis qu’aucune de ces femmes ne t’aime pour ce que tu es : chacune t’aime pour ton apparence.

Le prince, surpris, acquiesça, puis demanda comment la sorcière avait pu aussi bien le comprendre. Alors, elle lui fit à son tour une confidence ; elle lui révéla qu’elle était aussi dans son cas. Et, dans un nuage de fumée et de poussières, elle quitta son apparence actuelle pour révéler celle qu’était vraiment, une femme laide et rejetée.

Aussitôt, le prince tomba à genoux devant elle, la suppliant de lui rendre son apparence d’origine. Elle le fit, avec une facilité étonnante, sans potion compliquée. Puis, le prince retomba à genoux. Cette fois ci, il lui dit, le plus sérieusement du monde :

- Clothilde. Tu te trouves laide, mais moi je te trouve magnifique, et j’ai appris à te connaître. Tu es la femme la plus qualifiée pour devenir reine, et tu iras de paire avec moi. Me feras tu l’honneur de m’épouser ?

Clothilde accepta, et avoua qu’elle nourrissait depuis bien plus longtemps des sentiments pour le prince. Ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants, et ensemble, ils affrontèrent tout les miroirs, sans plus jamais les craindre.
Moralité ? La seule beauté est celle que l’on trouve derrière chaque visage…

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