6. Le cristal de l’Orgueil.

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Je venais de trouver l’hôte d’un des cristaux dont m’avait parlé Alatheïel ! Mais que devais-je faire maintenant ? Lui parler ! Pour lui dire quoi ?

« Bonjour Monsieur ! Vous avez un cristal qui représente l’un des péchés capitaux en vous, et je dois vous le purifier, merci ! »

Et comment m’y prendre pour le purifier déjà ?

Je me posais mille questions, maugréant contre le manque d’informations transmises par la petite déesse, quand une phrase de celle-ci traversa dans mon esprit :

« Quand tu auras repéré un Humain possédé par son péché, un lien se créera entre vous, te permettant de visiter son “monde intérieur”. Pour cela, tu auras juste à visualiser cette personne dans ton esprit ! »

— OK, allons-y ! dis-je en fermant les yeux. Juste le visualiser alors.

Sans effort, je m’étais représenté le visage de cet homme dans mon esprit. Au départ flou, je le voyais de plus en plus distinctement. Quand enfin chacun de ces traits fut parfaitement dessiné, il se matérialisa entièrement dans ma tête, en même temps que je sentis mon corps partir en avant.

J’étais sur le sol, allongé de tout mon long. En me relevant, je m’aperçus que je n’étais plus à l’hôpital. J’étais dans un endroit sombre rempli de brouillard ! L’air était très sec et chaud. Je fis un tour sur moi, regardant à l’horizon. Rien ! Excepté une lumière violette au loin. Je marchais dans cette direction, remarquant au passage que mon corps ne pesait rien… Mais l’envie de jouer l’astronaute marchant sur la lune ne me disait rien. Je ressentais… comme si des sentiments négatifs planaient dans l’air, m’étouffant encore plus que l’atmosphère de ce lieu. Plus je me rapprochais de la source de lumière, plus j’avais des flashs de la vie du Docteur MORGUE. Ces visions m’apprirent qu’il était l’orgueil personnifié ! Mais il n’était pas né comme ça…

J’étais arrivé en face d’un immense cristal violet qui tournait sur lui-même. À côté du cristal, un gamin était accroupi, le visage enfoui dans ses bras.

« Bonjour Etienne ! appelai-je doucement. »

Le petit garçon leva la tête pour me regarder. Il me fixait avec ses yeux d’un vert profond, ne semblant ni surpris ni effrayé !

« Qui êtes-vous ? me demanda-t-il simplement. »

— Je suis là pour t’aider.

— Vous perdez votre temps.

— Comment ça ? répondis-je surpris.

— D’après mon père, je suis « inutile ». Et puis, si vous m’aidez, c’est bien que je suis « faible » !

— C’est ce que te dit ton père ? m’écriais-je !

L’enfant ne répondit pas.

« Moi je ne suis pas d’accord avec lui, si tu veux savoir. »

L’enfant me regarda avec intérêt, attendant la suite.

« Je pense que tout le monde à une raison d’exister. La difficulté c’est de trouver cette raison, mais crois-moi, tu es déjà utile ! »

— Déjà utile ? répéta le jeune garçon.

— Oui, bien sûr, affirmais-je avec un sourire. Et concernant « l’aide », je sais que tout le monde a un jour ou l’autre besoin d’une personne, quelle qu’en soit la raison. Je dirai même qu’il faut plus de force et de courage pour demander de l’aide. Es-tu courageux ?

— Je ne sais pas, avoua le garçon.

— Je suis sûr que oui !

Le petit Etienne se mit debout, et esquissa un timide sourire.

« Acceptes-tu mon aide ? »

Le garçon, qui ne m’avait pas lâché des yeux une seconde depuis mon arrivée, acquiesça.

« Peux-tu me parler de toi s’il te plaît ? »

— Je m’appelle Etienne Arthur MORGUE, et je n’ai ni frère ni sœur.

— Tu es donc fils unique.

— Oui.

— Et que font tes parents dans la vie ?

— Mon père est avocat. Il voyage beaucoup dans d’autres pays. Il gagne beaucoup d’argent ! Et maman est secrétaire. Elle gagne moins d’argent que mon père.

— Ton père voyage beaucoup ! Ça doit être dur pour toi quand il part ?

Le petit Etienne réfléchit un instant avant de répondre :

« Je ne sais pas ! J’ai oublié comment c’était avant. »

— Comment ça ?

— Il est parti, à cause de moi, et il n’est plus jamais revenu.

Des larmes coulaient des yeux du petit, qui tourna prestement le dos pour les essuyer. Je le laissai faire, attendant qu’il me regarde de nouveau pour continuer.

« Pourquoi penses-tu qu’il est parti à cause de toi ? demandais-je. »

— Parce que j’étais trop nul !

Il baissa la tête, les larmes montant à nouveau à ses yeux.

« C’est ce qu’il me disait tout le temps, continua l’enfant. Il disait que les enfants de ses amis étaient meilleurs que moi. »

— Que faisais-tu de mal selon lui ?

— Tout ! cria le petit Etienne. L’école, le sport, les échecs… Tout ! Je devais être premier, sinon…

— Sinon quoi ?

— Sinon je n’existais pas ! pleura l’enfant sans réussir à retenir ses larmes. Et je veux exister ! Mais même quand j’étais premier, il n’était pas content parce que j’aurais dû faire mieux, mais moi je n’en pouvais plus, alors j’ai arrêté d’essayer… Puis un jour il est parti, et n’est plus jamais revenu.

Je regardai ce jeune garçon pleurer toutes les larmes de son corps, ne sachant pas quoi faire. Je décidai finalement de m’approcher de lui, et de lui caresser les cheveux. Le rythme de ses sanglots diminuait.

« Tu sais Etienne, les enfants ne sont pas responsables des décisions de leurs parents. »

Je m’étais agenouillé pour être à sa hauteur et le regardait dans les yeux.

« Que ton père soit parti, c’est difficile pour toi, n’est-ce pas ? »

Il hocha la tête, me fixant intensément, attendant la suite.

« Je vais te demander de faire quelque chose de très difficile. Tu veux bien ? »

— Oui.

— Pardonne-toi ! Ton père est parti, encore une fois c’est dur pour toi, mais ce n’est pas de ta faute, même si c’est ce que tu penses. Mais en attendant de le comprendre plus tard, pardonne-toi de ressentir ce sentiment. Ça ne fera pas de toi quelqu’un de faible, bien au contraire. Car pardonner, et surtout à soi, tout le monde n’en est pas capable ! Mais toi, je suis sûr que tu le peux.

L’enfant me regarda et sourit. Il semblait être en confiance maintenant.

Tu veux me parler d’autres choses ? De ta maman peut-être ?

Le sourire de l’enfant ne disparut pas, mais il semblait quand même un peu triste.

« J’aime beaucoup ma maman, mais elle est souvent en colère contre moi. »

— Sais-tu pourquoi ?

— Père lui criait dessus parce qu’elle ne gagnait pas assez d’argent. Il lui disait parfois qu’il n’aurait pas dû se marier avec une femme comme elle qui n’est venue dans ce pays que pour épouser un homme riche ! Et après elle me hurlait d’aller dans ma chambre.

— Et tu allais la voir dans sa chambre ? Pour la consoler par exemple.

— Non, elle n’aimait pas ça. Elle disait que je ressemble trop à mon père, avec mes horribles yeux verts et ma tignasse jaune !

— Ta maman était en colère. Elle ne devrait pas te dire ça, mais ça arrive que quand on est en colère, on dise des choses qu’on ne pense pas. En tout cas, moi je te trouve très beau comme garçon.

Le visage du petit Etienne s’éclaircit, et il se mit à rougir.

« Merci. »

Un phénomène inattendu se produisit : le petit garçon grandit, et en quelques secondes, un adolescent me faisait face.

« Merci encore. Mais puis-je continuer à te parler s’il te plaît ? me demanda l’Etienne Adolescent. »

— Bien sûr !

— Avec le temps, j’ai fini par comprendre que pour éviter d’être moqué par les autres, je devais devenir le meilleur. Oui, je n’étais pas nul en fin de compte, bien au contraire. J’ai des aptitudes qui me prédestinent à un grand avenir ! C’est ce que me dit tout monde, et ils ont raison.

— Que veux-tu dire ?

— Depuis le départ de mon père, maman s’est rapprochée de Dieu. Elle m’emmène à l’église avec elle, et elle m’a fait lire la bible.

— Et qu’as-tu appris ?

— Qu’il n’y avait rien au-dessus de lui. On ne peut donc pas se moquer de lui. Tout le monde l’aime, et lui peut punir les autres.

— Continu s’il te plaît, l’encourageais-je.

— Et bien c’est simple. J’ai décidé de devenir Dieu moi aussi.

— Je ne comprends pas ! Un Homme ne peut pas être Dieu !

— J’en serai un, pour ne plus jamais être écrasé par les autres… c’est moi qui les écraserais !

— Ce n’est pas ce que nous apprend la bible ! répondis-je surpris. Les Hommes doivent être bienveillants avec leur semblable…

— Tu n’as rien compris, me coupa le jeune homme. Depuis que j’ai pris ma « place de fort », les autres me traitent différemment, car ils ont peur de moi. Et en même temps ils m’approchent, car ils veulent profiter de moi. De ce que j’ai à offrir. Je suis assez intelligent pour me rendre compte que la religion, comme n’importe quel texte « sacré » écrit par l’Homme, n’existe que pour contrôler le comportement de ceux qui suivent sans réfléchir ! La foi, les religions, n’est qu’un autre moyen de créer et de contrôler des moutons. Je deviendrai Dieu, pour qu’on ne me contrôle plus, et pour contrôler la vie des autres !

— Écoute-moi, lui dis-je un peu affolé par ses affirmations. Je ne suis pas vraiment un croyant, mais je suis sûr que tu te trompes ! Il y a de belles valeurs transmises par les religions. L’amour, le respect, la justice, la compassion, etc.

— Des valeurs ?

— Oui ! Et la question n’est pas de savoir si tel ou tel Dieu existe ! Quelle religion est la bonne ! Non. Une chose existe au-delà de tout ça. La foi en l’Homme même ! Croire que chacun fait de son mieux pour trouver sa place, avec les autres. En pensant comme tu le fais, tu seras toujours seul. Les religions nous apprennent à aimer ce qu’il y a de mieux en nous, et en chacun de nous. Tu t’apercevras que ça aussi, ce n’est pas facile. C’est une phrase bateau, mais ce qui vaut le coup n’est jamais facile. Ne sois pas quelqu’un qui contrôle la vie des autres. Mets-toi à la place des autres. Je vais encore te citer une phrase bateau, que tout le monde connait, mais que beaucoup oublient : « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ! »

Etienne réfléchit un instant, et une lumière de lucidité passa dans ses yeux verts.

« J’ai peut-être eu tort. Oui, je me suis trompé ! déclara-t-il. Mais j’ai toujours peur d’être rabaissé ! Et en même temps, peur qu’on m’abandonne encore ! »

— Fais-toi confiance.

Encore une fois Etienne grandit en une poignée de seconde. C’était devenu un bel homme d’une vingtaine d’années. Derrière lui son cristal explosa dans une lumière violette aveuglante. Je retrouvais peu à peu la vue, et m’aperçus que le cristal était toujours entier, mais il était devenu tout blanc ! Etienne me salua, à la fois pour me dire au revoir et merci, et je le vis disparaitre en même temps que tout ce qui se trouvait autour de moi.

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