Cela faisait six mois qu'elle le pistait. Elle avait infiltré son téléphone et sa boite mail. Tapie dans l'ombre, elle épiait ses faits et gestes à l'affut du moindre faux pas. Elle savait qu'elle ne pourrait rien faire sans une preuve réelle de sa culpabilité.

Cette affaire l'obsédait et même une fois rentrée chez elle auprès de sa famille, elle y pensait. Après déjà dix ans d'ancienneté à la brigade criminelle, elle avait appris à mettre l'affect de côté et à ne pas s'investir émotionnellement mais là, c'était différent. Elle connaissait cet homme...Bien sûr, elle n'avait tenu personne informé de peur d'être retiré de l'enquête.

Une autre vie, vingt ans en arrière. Il avait été son pilier, son confident, le seul capable de panser ses blessures. A ses côtés, elle se sentait en sécurité. Elle et lui contre le reste du monde. Et il avait disparu sans aucune explication...

Elle avait mis du temps à s'en remettre, à accepter l'abandon, la trahison.

Et voilà qu'il refaisait surface de la manière la plus inattendue qui soit. Des meurtres en série, voilà de quoi on le soupçonnait. Elle avait tout de suite reconnu son regard bleu perçant, doux et envoûtant. La barbe fournie qu'il arborait lui donnait un petit côté "ours mal léché" assez plaisant. Son visage avait conservé ses traits juvéniles et si elle devait se fier uniquement à son instinct, il était clair qu'il était innocent.

Elle avait noté méticuleusement tous ses déplacements, ses horaires de travail, ses rencontres. Elle avait pris plaisir à l'observer et à imaginer un nouveau monde à ses côtés.

Quand la nostalgie était trop douloureuse, elle regardait les corps sans vie des victimes et se disait que c'était pour elles. Une noble cause !

Ce matin-là, elle pressentait le pire. Elle savait qu'il avait un rendez vous avec une jeune femme correspondant au profil des victimes précédentes.

Elle gara sa voiture dans une ruelle sombre où elle avait une vue imprenable sur le lieux du rendez-vous. Un café bondé en ce samedi soir. Ils étaient restés un moment attablés en terasse. La soirée de juin était douce et agréable. Elle ne pût s'empêcher de ressentir de la jalousie à l'égard de la jeune femme. Comme elle aurait voulu, une dernière fois, se retrouver en face de celui qui faisait s'accélérer les battements de son coeur...

Vers 23 h, ils quittèrent les lieux et il la fit monter dans sa voiture. La filature commençait. Elle les suivit discrétement. Elle avait l'habitude !

Il roulait tranquilement, et elle pouvait voir sa main sur la cuisse de la jeune femme. Cette image lui asséna un coup violent dans la poitrine. Elle n'était décidément pas guérie...

La voiture se gara sur le parking d'un cimetière. Lieu étrange pour une escapade romantique se dit-elle.

Ils sortirent de la voiture, main dans la main. Il ouvrit son coffre et en sortir un sac de sport noir. Il l'entraina vers l'entrée du cimetière et l'aida à escalader la barrière imposante. Elle devait les suivre. Elle vérifia si son arme était chargée, tout était O.K.

Au moment de sortir de son véhicule, son téléphone sonna, c'était Yves, son mari.

- Allo, chéri tout va bien ?

- Ca va, c'est pour savoir à quelle heure tu rentres car j'ai fait des crèpes!

- Des crèpes ? J'arrive tout de suite !!

Elle remonta dans sa voiture et la démarra en trombe. Bah quoi ? Elle adore les crèpes !