Chapitre 1. Une nouvelle vie (pt - 2)
Elle poussa un long soupir quand elle arriva finalement à sa destination, une buanderie. L’immeuble qui l’abritait était plus petit que les autres qui l’entouraient. La buanderie se tenait à côté de lavoirs publics qu’elle partageait avec d’autres buanderies disséminées un peu partout dans la ville. Parika poussa la modeste porte en bois de l’établissement et un carillon tinta pour annoncer son arrivé. L’intérieure de la boutique n’avait rien de spéciale sinon qu’il fallait descendre une marche à l’entrée avant de pouvoir rejoindre le comptoir. Elle fut accueillie par une femme un peu ronde qui sortit de l’arrière-boutique à l’entente de la porte qui s’était refermée. Celle-ci n’avait pas l’air très amicale et regardait la voyageuse d’un air méprisant. Parika n’y prêta pas grande attention et alla droit au but en expliquant la raison de sa venue. Elle cherchait une femme du nom de Clarissa qui travaillait en tant que lavandière à cet endroit. La grosse dame hocha la tête et disparue par la porte qu’elle emprunta pour venir. Elle patienta pendant un court instant avant de la revoir accompagné d’une seconde femme. Celle-ci était plus souriante et accueillante que sa collègue et salua vivement Parika avant de se présenter comme étant celle qu’elle cherchait, Clarissa. En guise de réponse la jeune voyageuse sortit une lettre de sa sacoche et la lui tendit. A la vue de cette lettre et en réalisant qui en était la porteuse son visage changea subitement d’expression et pâlit.
- Mais… tu es, bégaya-t-elle
- Bin alors, ça va pas
Elle s’empressa de la ranger dans son tablier fait en toile de sac et rassura sa collègue
- Oh ce n’est rien … je … je vais sortir un peu avec la gamine, je serais très vite de retour
- C’est une mauvaise nouvelle c’est ça, demanda-t-elle curieuse, c’est grave ?
Clarissa ne répondit pas à ces questions et se contenta de lui sourire avant de sortir accompagnée de Parika.
Assises sur une caisse, dans la ruelle juxtaposée à la buanderie et à l’abri des regards indiscrets, la laveuse lisait attentivement la lettre qu’on lui avait donnée. A la fin de sa lecture, la jeune femme leva la tête vers Parika
- Alors ce qu’on dit c’est dernier temps est vrai, l’Armée du Tigre Blanc s’est bien disloquée
- Oui, répondit-elle tout simplement
- Et notre chef ? demanda-t-elle en détournant le regard
Parika mit du temps pour répondre. Elle avait tout fait pour ne plus y repensait en gardant le sourire mais il fallait bien que tout cela resurgisse un de ces jours. Ces yeux s’étaient malgré elle chargés de larmes et sa gorge se noua instantanément. Elle avait du mal à parler mais il fallait bien lui répondre
- Maître Redka est … mort
- Je suis vraiment désolé, dit-elle compréhensive, tu fais bien de retenir tes larmes, il n’aurait pas aimé qu’on le pleure tu sais
Elle se leva pour la serrer dans ses bras, tentant de la consoler, et en profita pour lui retirer sa capuche.
- Voilà, que je puisse voir à quel point tu as grandis, s’exclama-t-elle, mais ma parole tu deviens une belle jeune femme
Une belle jeune femme ? Clarissa exagérait-elle ou la taquinait-elle ? Elle ne savait pas quoi penser. Parika n’avait vécu que 16 hivers et allait bientôt rencontrer son dix-septième. Elle n’avait rien pour elle et ressemblait à n’importe qu’elle fille du nord. Un visage aux traits fins, avec des yeux symétriques et un petit nez. Une bouche aux lèvres de taille moyenne, naturellement rose. Une peau nacrée en accord parfait avec le noir profond de ses cheveux qui venait enfin de repousser et qu’elle avait grossièrement rassemblés en une natte derrière sa tête et un corps présentant de bon présage quand il aura atteint la maturité. La seule chose sortant de l’ordinaire chez elle c’était ces pupilles. Elles étaient spéciales. Elles étaient d’un bleu presque troublant. On aurait dit qu’elle avait des pierres précieuses à la place de ces yeux, des saphirs. Parika était surtout connu dans l’armé du Tigre Blanc pour cela. Ces pupilles suscitaient la curiosité parmi ceux qui la côtoyer et son maître et elle semblait être les seul à en connaître leur secret
- Tu n’as plus rien à voir avec la petite fille espiègle qui traînait dans les pattes de notre chef, continua la lavandière sur un ton moqueur.
- J’ai beaucoup changé, dit-elle en rougissant
- On verra bien. Mais bon assez plaisanté.
Elle remit la lettre au fond de son tablier et scruta Paprika pendant un instant tout en se perdant dans ses pensées. La jeune fille eut l’impression que cela dura une éternité.
- Dans sa lettre, finit-elle enfin par dire, Redka m’a demandé de m’occuper de toi ici à Mirona. Mais plus j’y pense plus je me dis que cette ville n’est pas un bon endroit pour toi
- Je saurais me tenir, je te promets que je ne ferais aucun écart.
Clarissa plissa les yeux pendant un moment en regardant avec attention la cape de la jeune fille. Ces yeux entrainés par des années de travail remarquèrent des taches brunes sur le haut de sa robe
- Du sang ?! dit-elle affolée. Ce n’est pas le tient, non, tu n’as aucune blessure au visage. Donc c’est celui de quelqu’un d’autre.
- Je … j’ai dû tabasser quelques personnes en venant, répondit-elle avec un rire embarrassé, mais pour ma défense ils voulaient me forcer à faire le tapin !
- C’est pas croyable ça, à peine arrivé ici tu te mets à attaquer des gens, bon sang tu es bien l’élève de Redka ! dit-elle abasourdie.
Elle passa sa main sur son visage avant de reprendre après un soupir
- Qu’importe … le problème c’est qu’il y a quelque mois de cela un incident s’est produit. Mirona a perdu tout contact avec une petite ville des alentours et son seigneur. Rien n’a été rendu officiel mais d’après les informations qui me sont parvenues, les autorités de la ville pensent que des mercenaires l’aurait assiégée et mis à mort le seigneur. Depuis, les gardes sont en état d’alerte et sont hostiles en ce qui concerne les mercenaires comme toi où moi.
Parika baissa la tête vers le sol et saisie l’état de la situation de la ville dans laquelle elle se trouvait. Si elle faisait un seul mauvais pas où dévoiler ne serait-ce qu’une once de ses capacités de combat, elle finirait au fond d’une geôle pour le restant de sa vie.
- Mais tu ne vas pas t’en aller pour autant. J’ai plus peur que notre chef ne me hante pour ne pas t’avoir aidé que des soldats.
Les yeux de l’adolescente trahirent de l’espoir pour son cas.
- Tu faisais un assez bon travail quand tu t’occupais de nos uniformes et à en juger par l’état de tes mains tu es une bonne travailleuse. Tu es déterminé et je sais que je peux te faire confiance. Je peux te trouver un bon travail. Tout ce que je te demande en échange c’est de te comporter comme …
- Comme une jeune fille normale ? demanda-t-elle sur un ton humoristique.
- Oui, répondit-elle sur un ton agressif, les mains sur les hanches, et tu sais ce que ça veut dire n’est-ce pas, hein !? Pas de dagues cachées, ni de roustes ! Si tu as un problème tu appelles les gardes. C’est clair, godiche !
- Oui, oui très clair lieutenant, répondit-t-elle avec un sourire radieux
- Et pas de ça entre nous, je ne suis plus le lieutenant de personne
Clarissa adoptait un ton autoritaire envers la jeune fille comme le ferait une grande sœur. L’armée du Tigre Blanc totalement séparée, si Parika avait des problèmes, personne ne serait en mesure de la protéger. Agir normalement n’était pas difficile. Tout ce qu’elle avait à faire c’était de garder secret son état de mercenaire. Et au fond n’était-ce pas ce à quoi elle devait aspirer maintenant que son maître était mort ? Commencer une nouvelle vie loin du sang et des champs de batailles, profiter des joies de celle-ci sans constamment avoir peur de mourir ? Elle était contente d’avoir trouvé de quoi vivre dans cette grande ville et elle ferait tout pour ne pas décevoir sa bienfaitrice et sauvegarder cette nouvelle vie.
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