Une vie à nous deux
-Amour, c'est chez nous!
Eh oui, c'est chez nous. Notre petit nid douillet dont j'ai si longtemps rêvé depuis le jour où ma vie d'adolescente tirait à sa fin. Enfin. Nous l'avions imaginé, construit dans nos têtes à la manière d'architectes peu hors pair, déconstruit dans nos rêves à l'aide de morphée...
-Loouuu, vas-tu me laisser décorer notre chambre quand on va vivre ensemble?
-Écoute, cocotte, moi j'ai aucun problème tant qu'il y a de la place pour ma console.
Trois ans plus tard et me voilà la clé à la main de notre petit monde sur le point d'éclore comme je me l'était imaginé à mes dix sept ans. Toutefois, à cet âge j'imaginais notre cocon vaste et grand. J'avais en tête un beau salon comme ceux des magazines, une cuisine avec de l'espace, une salle de bain avec une baignoire sur pattes et sans oublier un balcon qui me ferait apprécier le goût de mon café en été. L'appartement que nous avons choisis relfète peu mes exigences de jeunesse. Il n'y a pas de bain sur pattes. C'est en fait un bon vieux bain-douche avec un pommeau au jet inconstant qui arrose le piètre rideau de douche beige affreux. C'est à peine si nous pouvons être deux sur le balcon aux barreaux terriblement rouillés. Que dire de la cuisine...J'ai du ravaler mon engouement des grands espaces loin au fond de moi, très loin au fond de moi...
-Bon sang, c'est à peine si je peux ranger une fourchette !
-Tu vas me faire croire que ça te dérange tant que ça de ne pas pouvoir ranger la vieille coutellerie passée mode de ta mère dans ce tiroir ?
Outre notre charmante cuisinette, un des coins de l'appartement offre un tout petit espace réservé à l'univers de mon amoureux, un univers où il devient un héros, il cherche des diamants, il poursuit une quête dans un monde virtuel qui l'anime. J'ai beau ne rien comprendre à tous ces jeux, mais le voir s'exalter devant ceux-ci le rend incroyablement irrésistible. Si de mon côté je voulais absolument un bain sur pattes, il m'était bien plus important qu'il ait son endroit à lui. C'est la moindre des choses quand il ne lui reste que le quart de la place dans le garde-robe et dans l'armoire de la salle de bain.
-Bébé ? Pourquoi il y a des bols qui ressemblent drôlement à ce qu'on pourrait appelé une gamelle pour chien ? Tu voudrais bien m'expliquer mon amour ? On a un chien et je ne suis pas au courant ?
-Ah oui, des bols pour chiens? Dans nos cartons ? C'est peut-être ma mère qui s'est trompée ! Elle a du confondre avec les plats à salade.
-Oh, je vois... Elle devait être sacrément fatiguée pour foutre les gamelles de Moumou dans nos boîtes !
Oups ! Il doit se douter de mes manigances. Je dois lui casser les oreilles au moins plus de trois fois par jour à propos de l'adoption d'un chien, d'un chat, d'une girafe, d'un lama, d'une marmotte... Je sais j'exagère, mais honnêtement ça ressemble tout de même à cela. Un nouvel appartement signifie un tout nouveau quotidien. Ce n'est plus nos parents qui cuisineront pour nous, qui feront notre lavage et qui repasseront derrière nous quand on fait les fous. Nous allons établir notre propre routine, notre propre quotidien. Le fait d'avoir à réfléchir à ces pensées ne m'effraient pas. Je suis rendue à cette étape dans ma vie et je pense que nous allons bien nous en sortir.
-On commande ce soir ma cocotte? C'est moi qui paie!
-On vient à peine d'arriver et nous voilà dans le gouffre des étudiants qui ne se forceront pas à cuisiner ! La réponse c'est non ! Ce soir, je cuisine et je cuisinerai tous les soirs s'il le faut.
Je n'ai pas dit que ça allait être facile. Ça ne sera pas toujours facile. Ce n'est pas juste de s'envoler de ces propres ailes, mais aussi de bâtir une vie à deux avec celui que j'aime, de ramasser ses caleçons à terre avec découragement, de devoir constamment lui rappeler de baisser la lunette des toilettes... C'est tout ça! Parfois, je pense que d'opter pour la facilité de temps en temps ne nous fera pas de mal...
-Et puis? Ils sont bons tes dumplings de chez Yin Yung mon amour?
-LA FERME!
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