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Dans une heure, le chaos. Je brûlerai au soleil. Juste au bord du disque. Car je vais m’envoler. Forcément. Maintenant qu’EE est mort, que son corps bourgeonne au fond du lac, plus rien ne m’accroche au sol. Je n’ai plus à en dépendre. Je n’ai plus à avoir peur. La liberté, la vraie, c’est ne plus avoir besoin de rien, ni de l’eau, ni du pain, ni des autres. Et certainement pas d’EE.
Son tas de chair, dans le lac, ne me retient plus.
Et pourtant, les autres vont s’y accrocher, encore. Ils chercheront EE, partout. Dans les rues, dans les champs, dans les bois. Ils retourneront la terre, ils fouilleront tous les magasins, toutes les chambres, en criant son nom. Ce sera comme une résurrection, l’espace de quelque jours. EE partout, dans toutes les bouches, dans toutes les têtes. EE dans l’air, EE au ciel.
EE dans le lac.
Dans une heure, ça commencera. Parce qu’EE ne viendra pas présider la réunion sur la place du village. Les autres vont s’inquiéter. Au début, ce ne sera pas grand-chose. Tout le monde peut être en retard. Ensuite, on se posera des questions. On demandera si quelqu’un l’a vu. On essaiera de le contacter. On ira peut-être chez lui. Le chaos se déchaînera.
Et moi, je ne dirai rien. Je ne serai plus là.
Je ne me suis pas envolé. J’ai attendu, pourtant. Longtemps. Le soleil m’a à peine tapé la peau. Alors j’ai pleuré. Toutes les larmes que je pouvais générer. J’ai cru que le lac déborderait, et recracherait EE.
J’ai attendu encore, mais je suis resté sur terre.
Et puis il a fallu que je quitte le bord du lac. Car je devais être à la réunion, moi aussi. J’ai couru. J’ai eu peur d’être en retard. Les gens auraient pensé des choses, ensuite, avec la disparition d’EE. On m’aurait pointé du doigt. Les coïncidences n’existent pas, surtout dans les affaires comme ça.
J’ai retrouvé mon vélo au bord de la route et j’ai pédalé très fort. Jamais je n’ai roulé aussi vite. Je roule toujours, d’ailleurs. Vers le chaos. Mes jambes brûlent, mes poumons sifflent, mais je roule, toujours, plus vite.
Le soleil descend dans le ciel. Il se tire. Fourbe étoile. De jolies taches teintent la voûte céleste. C’est tout rose. Comme les joues d’EE. Mangées au fond du lac.
J’arrive en avance, alors je prends un moment pour me calmer, me recomposer, et prendre place. Je salue les autres. Toujours affables, ceux-là, toujours un mot à sortir de leur bouche. Les silences d’EE me manquent.
J’attends le chaos.
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