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Et le chaos a enflé, très fort. Pas d’EE, nulle part. Ils ont cherché partout. Ils ont questionné tout le monde. Ils ont appelé les gendarmes. On a perdu EE. Au secours.
J’ai suivi le mouvement, sans rien dire. Muet, complètement. On est venu me voir. On m’a plaint. On m’a redemandé, la dernière fois que je l’ai vu, c’était où, c’était quand. Je ne disais toujours rien, je n’avais pas prévu de réponse, je paniquais en silence.
On a dit que j’étais sous le choc. Que la disparition d’EE me bouleversait trop. On m’a emmené à l’écart, on m’a fait du thé, on m’a donné des biscuits. On a pris soin de moi. Pauvre moi. Si proche d’EE.
Le chaos grandit, incontrôlable. C’est beau de les voir s’agiter. Mais la beauté fait peur, parfois. La nuit infuse le ciel. Trop d’étoiles, et pas une pour m’enlever. Je veux quitter cette terre, pourtant.
M’enfuir.
Je me demande pourquoi ça n’a pas marché. En tuant EE, en l’enfouissant loin sous l’eau, j’aurais dû pouvoir me détacher d’ici. Plus rien pour me retenir. Pouvoir revenir à ma guise, et m’assurer qu’EE demeure au fond du lac. Juste son corps, à repousser quand il remonterait, de temps en temps, jusqu’à ce qu’il disparaisse tout à fait.
Alors, je n’aurais plus à revenir. Plus à supporter cet air lourd, cette eau grouillante, ce pain granuleux, ces autres affables. Je pourrais brûler au soleil, sauter d’étoile en étoile.
L’existence ne serait plus une limite. Je devais la dissoudre dans l’infini du cosmos.
Au lieu de ça, je reste là.
Peut-être qu’EE n’est pas assez mort. Il me retient toujours.
J’aurais dû brûler son corps.
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