Les yeux du soir
Une âme égarée sur la colline près du château d'hiver rêve d'escalader le squelette des vignes pour atteindre la cour désertée depuis des années. La lune rouge lui sourit entre les branches des chênes qui la cachent des regards. Sous l'unique lampadaire qui accompagne son trône, elle chantonne des mélodies aptes à réveiller le dernier pendu devant la prison hivernal. Les lumières de la ville engloutissent la poésie de l'obscurité.
Quand la maison derrière elle se vide de vie pour de bon, elle saute de son banc, monte le volume et se trémousse sur une chanson noire. Sa robe de nuit circule autour de ses jambes alors que son corset met en évidence ses courbes. Sa peau réfléchie les étincelles nocturnes alors que ses cheveux enflamment l'air ambiant.
Elle s'offre aux âmes en peine qui rejoignent les fenêtres barricadées pour la contempler danser. Elles trouvent dans ses mouvements lents la puissance de les faire quitter leur cage d'acier givré et d'abandonner leurs envies sombres qui les ont suivies jusque dans la mort comme la plus fidèle des amantes.
Et moi, baignée dans la pénombre et le brouillard qui s'élève, je la regarde de mes yeux lunaires.
Quelques pas et elle sera à moi. Quelques pas et je pourrai la toucher
Mettre des mots sur la feuille blanche de sa peau
Et, à deux doigts du décès
Embrasser ses pages vivantes
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