Allons-y
À peine Hector eut-il saisi le bébé qu’il interrompit le déverrouillage. Sa bouche grimaça un sourire coi. Il referma les loquets à grande allure en pestant, bordel ! mais c’est quoi ? c’est quoi ce bordel ?
À peine Zoya eut-elle lâché le petit qu’elle fut reprise par cette insatiable complaisance, ce besoin évident d’en finir immédiatement, tendre le cou à n’importe quel couperet, forger une lame et bêler. Ces enfants, ses enfants, devaient accomplir leur mission et elle devait les aider. Béatitude de l'évidence. Il fallait co-o-pé-rer ! Sa vie anodine était superfétatoire, voilà, les petits enfants étaient envoyés pour… pour...
Hector lui avait balancé bébé Simon dans les bras, elle reprit conscience et se vit : les doigts en train de pianoter le code d’ouverture de l’armoire à couteaux.
Hector se tenait contre elle, il était là, ils étaient là, ensemble, à porter le petit. Son mari avait donc compris ! Elle gloussa, tiens, tiens, lui aussi, il a capté, c’est étonnant… Zoya savait que les hommes comprenaient moins vite. Ils se regardèrent. C’est Simon qui nous protège, murmura son mari. Tu l’as dit, chéri, répondit Zoya. Elle voulait ajouter : heureusement que j’ai pas avorté, mais c’était trop trop nul comme réplique, ou comme circonstance. Souvent les pensées nulles affluent aux pires moments, cela au moins n’était pas nouveau.
– Le bébé est un bouclier !
– Un bouclier ?!! Contre quoi ?
– Contre l’envie de mourir !!! La complicité ! Tu te rends compte, toi tu ouvrais la porte et moi j’étais prête à leur donner les couteaux.
– Alors ça explique tout ! hurla Hector.
– Hein ?!
Zoya se demanda si finalement les hommes ne comprenaient pas plus vite, mais il développait déjà.
– Cela explique pourquoi il n’y a jamais de survivants ! Jamais ! Si les adultes se jettent dans les bras des gosses assassins…
– Ben alors ils s’échappent pas...
– On teste ?
– Quoi ?!
– Je lâche Bébé et tu comptes jusqu’à dix.
Olga regardait son grand frère en souriant et fredonnait : ââââââ ! Pa-pa-et-Ma-man-vont-mou-rir ! Âââââ ! Elle chantait faux avec sa voix aigrelette de fillette dopée à la Petite Sirène, elle pensait encore être applaudie. Bravo ma chérie. Comme tu chantes bien.
Boris savait l’implacable nécessité de liquider ses parents, vite et bien, et pourtant… rien. Rien ne se passait. S’il comprenait bien, tout était bloqué par Simon, l’exécrable crevette rose, déjà responsable des terribles disputes auxquelles ils avaient assisté, lui et sa sœur un an plus tôt
- Un, deux, trois...
– C'est celui dont j'ai dit : après moi vient un homme qui m'a précédé, car il était avant moi !
– Hector !!!! Qu’est-ce que tu racontes ?
– Je prie, ma Zoya chérie, je prie.
– Tu pries pas ! Connard ! Six, sept, huit.
– Si, je prie !!!!!!!
– Neuf, dix !
Olga tendait Bébé à son mari.
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