Chapitre 33.4

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— On y va ! lui cria-t-il à travers les grésillements des lumières qui menaçaient de s'éteindre les unes après les autres le bruit sourd des explosions et celui plus strident des sirènes d’alarme.

L’ancien dieu lui attrapa le bras et l’entraîna à sa suite, dans les coursives et les escaliers du vaisseau. Malgré l’obscurité qui baignait certains segments de leur parcours, il savait toujours où passer pour éviter les obstacles.

Les secousses se poursuivirent à un rythme irrégulier et rendirent leur progression de plus en plus chaotique. La lumière revenait parfois, faiblement, puis elle s’éteignait définitivement. Plusieurs incendies envahissaient les coursives se nourrissant de l’oxygène encore présent.

Toujours entraînée par Baal, arrivant à peine à voir devant elle lorsqu’elle n’était pas carrément aveuglée tant ses yeux piquaient à cause de la fumée, elle parvint à atteindre la cellule dans lequel le portail acquis sur Feloniacoupia était entreposé. Elle était à peu près certaine que, sans le Drægan, elle n’aurait jamais pu y arriver… Sauf si Mead’ avait pris le relais, peut-être.

Esmelia fut surprise de voir qu’il fonctionnait. Agréablement satisfaite étant donné la situation. Davantage qu’à un portail, avec ses trois mètres de hauteur, autant en largeur, et bon mètre de profondeur, il ressemblait maintenant plus à un vieux porche disgracieux, rafistolé, qu’à une merveille de technologie hightech. L’intérieur semblait particulièrement obscur malgré son peu de profondeur. Pourtant, il y avait quelque chose à l’intérieur.

Esmelia le sentait comme elle avait perçu l’absence soudaine de l’I.A. Mais cette présence était différente. Vivante, mais pas comme Will, Baal et les labirés l’étaient… Elle n’aurait même pas su dire si elle était comme elle ou Mead’. En tous les cas, cette chose ou cette entité, ou quoi que ce fut d’autre, permettait à des objets et à des individus vivants d’atteindre instantanément l’autre côté, où que cela soit. Probablement dans une autre galaxie.

Les Labirés y faisaient passer aussi vite que possible tout le matériel nécessaire à leur survie quelle que soit la planète sur laquelle ils se réfugieraient.

— Encore combien de temps ? demanda Baal à Grama.

— La bouche restera encore ouverte cinq warks, mais pas plus. Il faudra en attendre cinq autres pour qu’elle puisse à nouveau être ouverte.

— C’est beaucoup trop, grommela Baal. Nous serons atomisés dans moins que cela.

— J’ai fait évacuer l’équipage en priorité. Il ne reste plus qu’une dizaine d’officiers. Ils récupèrent autant d’armes et de vivres que possible.

— Rappelle-les ! lui ordonna Baal.

— Très bien, fit le Second en se retirant pour rappeler les retardataires.

Will arriva à son tour suivi d’un groupe de Labirés. Esmelia reconnut, Achnide, la novice qui étudiait auprès de la chamane. Elle semblait plus terrorisée que jamais. C’était à peine si elle parvenait à mettre un pas devant l’autre. Sans ses compagnons, même Will n’aurait pu la faire bouger de l’infirmerie dans laquelle elle s’était enfermée depuis l’assassinat de sa maîtresse.

Le scientifique avait eu le temps de récupérer une trousse de secours, trois kits de survie, et son inséparable pad, ainsi qu’un tube qui devait contenir ses précieuses cartes.

Esmelia remarqua immédiatement son œil au beurre noir et les autres bleus sur son visage.

Où qu’il soit allé avec Baal, ils avaient visiblement eu à se battre…

Sans s’occuper du Drægan ou d’elle, il interpela Grama qui vint aussitôt vers lui.

— Nous avons fait aussi vite qu’on a pu... Je pense que nous avons trouvé tout ce que vous nous avez demandé. J’ai pris la liberté de demander à Achnide d’ajouter certaines potions qui pourraient vous être utiles en cas d’attaque animale, d’empoisonnement ou de brûlure… Tout ce qui me semblait utile.

Grama le remercia d’un signe de tête.

Grama distribua les kits de survie, le plus conséquent pour lui. Il en laissa un au Terrien. Quant au troisième, il le posa près de Baal.

Après quoi Will s’adressa àl'ancien dieu :

— Je suis passé dans vos quartiers. J’ai récupéré les carnets, les cartes, et les cubes de données. J’en fais quoi ?

— Gardez les carnets et les cartes, je vous les confie. Je garde les cubes.

Will les lui tendit aussitôt, trop heureux de conserver ce qui lui paraissait essentiel. Baal les enfourna dans l’une des poches intérieures de sa veste qu’il referma aussitôt.

Les labirés poussèrent la novice sous le porche dans lequel elle disparut aussitôt. Ils la suivirent immédiatement. Les derniers officiers arrivèrent au pas de course malgré les charges importantes qu’ils portaient. A leur tour, ils entrèrent dans le portail disparurent instantanément dans son obscurité bienveillante.

Will passa la sangle de sa trousse de secours sur son épaule droite. Il avait trouvé le moyen de la solidariser avec celle de son sac à dos pour qu’elle ne le gêne pas au niveau du cou et finisse par l’étrangler.

Il fut un temps où cet exercice de harnachement ne lui était pas naturel. Depuis sa désertion de l’AMSEVE, chaque étape était devenue un automatisme.

Ses anciens compagnons auraient sûrement du mal à reconnaître l’homme qu’il était devenu ces derniers mois.

Will tendit l’un des sacs qu’il avait ramenés à Esmelia.

— Je suis passé par tes quartiers et je t’ai pris quelques affaires. J’espère que cela ira.

— On fera avec, lui répondit-elle simplement.

Elle avait juste un sac à dos, une sorte de holster contenant deux armes de poing qu’elle dût cacher sous sa veste.

Will l’aida à les sangler pour aller plus vite.

— Qui a fini par nous retrouver en premier ? lui demanda-t-il tout bas en l’aidant à passer son sac à dos.

— Jor Pʘnyl, lui répondit-elle. Elle a retrouvé sa baleine blanche. Comme les autres, elle n’a qu’une envie : la dépecer pour découvrir ses secrets les mieux cachés. Cela dit, étant donné le tact dont notre hôte fait preuve avec la plupart des femmes, elles n’ont pas besoin vraiment besoin de prétexte ou de prime pour essayer de lui faire la peau.

Le principal intéressé lui renvoya un regard torve qui disait clairement qu'il l'avait bien entendue malgré le bruit environnant et que, si elle continuait, elle risquait de finir sa vie dans le vaisseau.

Will intervint :

— Il n’y a qu’une seule chose qui intéresse vraiment Jor, c’est le profit. Elle est comme les pies : attirée par tout ce qui brille.

— Je vois…

Du moins, elle voyait l'idée, car elle ignorait ce que pouvait être une pie, même si le mot ne lui était pas totalement inconnu. 

— Et là, elle a vu un phare au milieu de l’océan… ou une soucoupe volante en or, ironisa-t-elle.

— On peut dire cela, acquiesça Will.

Elle vit Baal esquisser un sourire, sans doute douloureux à cause de la coupure qu’il avait à la lèvre. Même s’il s’activait autant que les labirés, il ne perdait rien de leur conversation.

Des marques de fatigue et de souffrance étaient visibles sur son visage, mais il ne lâchait rien. Grama avait du mal à le suivre tant il déployait de l’énergie à aider les labirés afin d’évacuer un maximum de caisses tout en surveillant le temps qu’il leur restait.

Esmelia remarqua aussi des taches de sang sur ses vêtements. Ceux-ci étaient déchirés par endroits. Les vêtements de Will étaient dans le même état bien qu’il ait pris le temps de le cacher, sans succès.

Qu’avaient-ils donc fabriqué durant leur absence ? Dans quoi le dieu déchu avait-il entraîné le Terrien ?

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