Chapitre 14.1

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Copy leur fit comprendre qu’il devait les suivre.

Quick fermait la marche.

Au moment où ils entrèrent dans la coursive, Esmelia sentit le transporteur décoller.

Copy les conduisit jusqu’à ce qui devait être le compartiement des passagers. Les sept labirés qui avaient accompagné Baal, tous vêtus de leur armure grise pressurisée, s’étaient harnachés à leurs sièges. Le vieil homme et l’adolescente s’installèrent de même. Il ne restait que quatre sièges vides vers l'arrière. Will et Esmelia s’installèrent dans les deux plus éloignés d’un commun accord. Ils devinaient qu’aucun des labirés ne souhaitait avoir d'étrangers à leurs côtés.

Esmelia sentit une légère décharge électrique et ses cheveux lui donnèrent l’impression de se hérisser sur son crâne.

Comme pour confirmer son impression, Will la prévint :

— Ce vaisseau possède un bouclier de protection.

L'image du fuselage grêlé lui revint à l'esprit.

— Pas très performant, d’après ce que j’ai pu constater, répondit-elle à voix basse. J’espère qu’il nous protégera mieux des radiations cosmiques que des micrométéorites et des débris spatiaux.

— Et moi qui me réjouissais que ce vieux transporteur pourrait nous conduire à notre destination sans le moindre problème.

Puis, après un court silence, il ajouta :

— Je déteste prendre l’avion, ou quoi que ce soit qui vole.

Pour un peu, elle aurait éclaté de rire.

— Comment êtes-vous entré à l’AMSEVE ?

— Ça, c’était pas gagné d'avance, vu d’où je viens. Ma famille n’est pas traditionnelle… Elle fait partie de l’une de ces innombrables communautés qui ont choisi un mode de vie différent. La nôtre repose sur une forme de matriarcat. Ma mère, comme toutes les femmes de la communauté, ne s’est jamais mariée, mais elle pratique la monogamie. Ce qui est assez rare dans ce genre de communauté. Ce qui ne l’a pas empêché d’avoir de nombreux compagnons, et d’avoir un enfant de chacun de ceux dont elle tombait follement amoureuse. Autrement dit, j’ai pas mal de frère et sœurs, et je ne suis pas certain de tous les connaître.

— J'ai entendu parler de ces communautés, effectivement. Elles prétendent vivre selon des préceptes ancestraux. 

Will acquièsça avant de poursuivre :

— Notre communauté ne vit qu’avec le strict nécessaire. J'étais... Les enfants et les adolescents sont tous scolarisés, mais en dehors du système national. La communauté mise plus sur l’épanouissement personnel que sur la performance intellectuelle ou physique. On ne mangeons que ce que l'on y produit, et et on fabrique nos propres vêtements. Bref, ceux qui y vivent, ou y ont vécu, n'ont pas vraiment le profil pour une institution internationale, même après quelques années d'études supérieures et l’obtention de deux doctorats en biologie et en histoire.

Une secousse brutale se fit ressentir. Il regarda en direction des labirés. Aucun n'avait réagi. Il dut en déduire que c'était quelque chose qui n'était pas inhabituel.

— Bref, pour fêter l’obtention d’un troisième en exobiologie, je m’installe dans un parc à côté de deux couples qui discutaient, reprit-il. Sans savoir comment, je me retrouve mêlé à leurs conversations. Au bout d’un moment, je décide de me rouler un jocko, et pas un petit, non sans en avoir proposé à mes nouveaux amis. Ma mère avait pris l’habitude de m’en en envoyer un peu tous les mois. J’aurais préféré de l’argent de poche, mais bon… Et là, chacun de mes quatre compagnons sort son insigne de police…

Rien que l'image de Will s'apprêtant à fumer une substance illégale lui parut des plus comique. Elle l'avait plutôt imaginé en étudiant un peu coincé, assumant totalement sa geekitude.

Elle éclata de rire. Un peu fort dans le silence du compartiement, ce qui fit se retourner Quick et un autre labiré. Celui-ci la fusilla du regard. Sans doute venait-elle d'interrompre les prémices d'un sommeil de voyageur.

— Pour ma défense, fumer est légal dans la plupart des communautés, et cela faisait un moment que je ne l’avais pas fait. Du coup, j’ai été arrêté et jugé. J’ai eu le choix entre quelques semaines de travaux d’intérêt général et l’armée. Par conviction, j’ai choisi la première solution. Sauf que le soir même de mon jugement, des policiers m’ont mis dans un avion…

— Direction l’Antarctique, devina Esmelia.

— Parfois, à l'AMSEEVE, je me disais que c’était exactement là où je devais être. Et je me le dis encore plus maintenant. Le pire, c’est que je ne sais pas si nous devons nous réjouir de notre situation actuelle…

— Attendons de voir, et nous jugerons plus tard.

— C’est juste une impression… ou un pressentiment. Mais est-ce que ce sera une bonne chose ? Une mauvaise ? Ou les deux ? Chez nous, on a l’habitude de dire que rien n’arrive par hasard.

— Qui sait ?

Vaincue par la fatigue, Esmelia ferma les yeux.

*

Elle les ouvrit lorsqu’elle sentit qu’on lui secouait l’épaule.

— On est arrivé, la prévint Will.

— Où ça ? marmonna-t-elle en se frottant les yeux.

— Apparemment, dans un vaisseau plus gros.

— J’ai dormi longtemps ?

— Quatre heures environ.

Elle ne se sentait pas reposée pour autant.

Lorsqu’elle descendit la rampe, elle remarqua immédiatement le chargement d’échelle. Le transporteur duquel elle venait de s’extraire ne pouvait avaler qu’une seule navette de transport. Là, celui-ci était garé parmi des dizaines de vaisseaux. Ce qui laissait supposer que l’appareil dans lequel ils se trouvaient maintenant était assez grand pour contenir une flotte de défense, et une armée pour la piloter. La plupart des véhicules se ressemblaient et avaient l’air d’être des vaisseaux de combat. D’autres, avaient des formes plus hétéroclites. Tous étaient impeccablement rangés alignés, mais entre chaque véhicule, l’espace était envahi de pièces détachées, de câbles, et d’équipement de toutes sortes.

Près de la moitié des vaisseaux se révélaient,  en leur état actuel, incapables de voler. Trois à cinq hommes et femmes s’occupaient de chacun des appareils désossés. L’air était saturé d’odeurs de graisses et d’une autre, plus forte, qui pouvait être celle du carburant.

Esmelia remarqua que les deux tiers des labirés présents portaient un tablier par-dessus d'un uniforme dans les tons gris. Ce n’était apparemment pas jour de relâche. Quelques labirés avec lesquels ils avaient fait le voyages allèrent saluer ceux qui devaient être leurs amis, ou bien des membres de leur famille.

Grama échangea quelques mots avec une femme qui faisait au moins deux têtes de plus que lui. À la façon dont ils se parlèrent, Esmelia sentit que quelque chose n’allait pas.

Savoir que la moitié de la flotte était incapable de les défendre ne pouvait qu’être propice à des tensions, songea-t-elle.

Même si les autres labirés poursuivaient leurs activités, aucun d’entre eux ne perdait une miette de ce qui se passait entre celle qui était probablement la cheffe mécano principale de la flotte et le second de Baal. Celui-ci observait la scène à distance, mais Esmelia aurait pu parier qu’il savait exactement de quoi il était question entre les deux interlocuteurs.

Lorsqu’ils eurent terminé, Grama rejoignit le Drægan. Ils quittèrent l’aire d’appontement. Voyant que Copy et Quick les suivaient, Esmelia et Will décidèrent d’en faire de même.

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