Chapitre 04.1

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Pendant vingt ans, Kolya s’acquitta de la mission confiée par Brent avec la plus grande application.

Lorsqu'elle avait été en âge d'y aller, il l’avait inscrite à la New-York University. Il lui avait même trouvé un petit appartement dans un quartier tranquille de la ville.

De toutes les façons, avec toutes les relations que pouvait avoir Kolya, n’importe quel quartier où elle se trouvait devenait tranquille dans la minute.

À l’université, elle perfectionna son apprentissage des langues. Elle y approfondit les notions de chinois, de japonais, de russe que Kolya lui avait apprises durant son adolescence, quelques langues mortes, et des notions de divers dialectes régionaux.

Côté face, elle affichait la figure de l’héritière passablement fortunée, surdouée dans tout ce qu’elle entreprenait, discrète, voire d’une timidité maladive. Elle évitait toute présence sur les réseaux sociaux, conformément aux ordres de Kolya.

Pourtant, elle n’en était pas absente. Il avait engagé quelqu’un pour alimenter une page de son invention. Chaque soir, elle découvrait la veille ce qu’elle trouverait le lendemain. Elle devait se familiariser avec pour ne pas commettre d’impairs.

Elle n’avait eu le droit de l’alimenter elle-même qu’à partir de son seizième anniversaire, sous la surveillance de son tuteur.

Côté pile, après ses entraînements intensifs, elle passait ses rares moments de loisirs à faire des recherches sur les plus grosses fortunes du monde, sur les entreprises cotées en bourses, sur les organismes d’état, sur les États eux-mêmes, ceux qui les dirigeaient et les ressources nationales.

Elle ignorait ce que Kolya voulait qu’elle trouve, mais qu’elle le saurait lorsqu’elle tomberait dessus.

Kolya, lui, avait une certaine idée de la recherche et de la connaissance. Peut- être par esprit de génération, il avait le même amour que Brent pour les citations. À croire qu’ils avaient été élevés ensemble.

Son credo était : "Le vrai pouvoir, C’est la connaissance". Plus elle en saurait sur ceux avec lesquels elle serait susceptible de faire des affaires, et plus elle aurait de leviers sur eux, disait-il.

Elle ne se voyait pas travailler dans le domaine des affaires ou de la politique, mais son instinct lui soufflait qu’il avait raison. Il y avait certaines informations dont elle pouvait avoir besoin, et certaines personnes étaient susceptibles de les lui donner.

Et la plupart d’entre elles ne le feraient pas sans contrepartie.

En dehors de cela, la vie avec Kolya n’était pas tellement différente de celle qu’elle avait menée auprès de son père.

Il lui avait appris de nouvelles choses, comme se fondre dans une foule, passer totalement inaperçue quel que soit l’endroit dans lesquels elle évoluait. Quelles que soient les personnes avec lesquelles elle se trouvait.

Il lui avait montré comment se construire une nouvelle identité et à l’endosser durant plusieurs mois.

Elle pouvait désormais s’adapter à la vie en milieu urbain comme en pleine nature. Elle était capable de survivre dans le dénuement le plus total comme entourée des technologies les plus sophistiquées. Elle pouvait évoluer parmi les puissants comme parmi les moins nantis, sans commettre le moindre faux pas.

Son intégration n’était qu’apparente, car elle se sentait toujours différente des hommes et des femmes qu’elle côtoyait. S’en rendaient-ils compte ? Sûrement pas, car son adaptation, elle, était totale.

Elle ne se demandait pas où Kolya avait pu apprendre tout cela. Un homme comme lui avait sans doute une longue expérience dans les domaines du renseignement, de la double identité, voire triple, de la falsification de documents… et du meurtre.

Brent n’avait jamais évoqué la possibilité de tuer un être humain. Il lui avait appris à tuer des animaux. Il l’avait habituée à agir vite, sans causer de souffrances inutiles. Jamais, elle n’avait eu à assassiner des êtres humains.

Nikolaï avait évoqué le sujet dès les premiers jours de ses entraînements. Il lui avait fait comprendre qu’elle devait s’habituer à cette idée, car elle serait peut-être obligée de tuer pour mener ses missions à bien, ou de torturer des hommes ou des femmes pour obtenir des informations ou d’autres choses.

Étrangement, cela ne l’avait pas effrayée. Mais, comme le disait Kolya, penser que l’on peut trucider un être humain est une chose. Le faire en est une autre. Depuis, elle avait appris qu’elle en était capable, et qu’elle n’hésiterait pas à tuer de nouveau si la nécessité devait s’en faire sentir.

Les années étaient passées au rythme des cours à la N.Y.U et des entraînements dans le Wyoming, puis des jobs et des voyages d’un bout à l’autre de la planète, toujours pour apprendre de nouvelles techniques de combat ou parfaire sa culture des langues.

Un jour, elle avait fini par trouver ce qu’elle recherchait grâce à Kolya.

Il y avait d’abord cette histoire d’espèces invasives. Celle-ci avait fini par déboucher sur une affaire autrement plus importante grâce à l’un des informateurs de Kolya, un ancien compagnon d’armes probablement. Il connaissait un hacker susceptible de posséder les renseignements qu’ils recherchaient et les avait rapidement mis en contact.

Le voleur de données s’était révélé prêt à céder ses découvertes moyennant finances.

Kolya et elle s’étaient d’abord méfiés de cette manne tombée du ciel.

Ils avaient surveillé le hacker à tour de rôle durant les jours précédant la rencontre. Ils avaient pu remarquer, c’était que le type était un véritable hypocondriaque nanti d’un paranoïaque pathologique.

Dans le bar où avait eu lieu la rencontre entre Kolya et l’informateur, Esmelia était restée à l’écart, à la demande de l'ancien espion. Ils n’étaient pas supposés se connaître, au cas où les choses ne se passeraient pas dans le bon sens.

Elle avait joué son rôle en s'installant à une table voisine et en ayant l'air d'attendre quelqu'un.

Elle n’avait rien perdu de la conversation. Celle-ci avait pourtant bien failli s’arrêter après quelques échanges banaux.

Se rappelant soudain qu’il ne connaissait Kolya que par le biais d’une relation, et sentant qu’il essayait de lui tirer les vers du nez, l’informateur s’était quelque peu braqué.

Heureusement, le Franco-Russe était persuasif. Il pouvait même se montrer rassurant lorsqu’il le souhaitait. Après deux verres et une bonne dizaine de blagues sur les hackers vivant en ermites dans la cave de la maison parentale, l’informateur avait oublié ses scrupules et s’était montré loquace.

Les vagues allusions étaient devenues des informations structurées.

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