Chapitre 15.2
Elle était confuse. Ce n’était pas ce qu’elle venait de voir qui la troublait. Elle se fichait bien de savoir qui aimait qui et comment à bord. Elle s’en voulait simplement de ne pas avoir compris plus rapidement dans quel endroit elle s’était introduite et de s’être montrée trop curieuse, voire indiscrète.
Une présence, près d’elle, la fit sursauter. Elle n’avait pas bougé de devant la porte. Elle tourna la tête et vit Baal. Elle comprit qu’il avait attendu qu’elle ressorte des quartiers de détente.
Un sourire d’une innocence angélique aux lèvres, il s’approcha d’elle.
Immobile, elle soutint son regard.
Qu’allait-elle bien pouvoir lui dire s’il lui demandait ce qu’elle faisait là ? Évidemment, dans l’urgence son cerveau refusait de lui donner une réponse. En plus, il semblait prendre le plus grand des plaisirs à la voir de plus en plus mal à son l’aise sous son regard comme une gamine prise la main dans le pot de confiture. Et elle, elle se sentait aussi pétrifiée qu’un moustique pris dans l’ambre.
Enfin, après ce qui lui parut être une éternité, il se décida à parler :
— Je ne vous ai pas encore vue aux entraînements.
Elle écarquilla les yeux, sincèrement étonnée.
— Les entraînements ? Quels…
— Grama ne vous a rien dit ?
En dehors de le filer à son insu, elle avait passé son temps à éviter le labiré.
Elle haussa les épaules, préférant ne pas répondre à la question.
— Dans ce vaisseau, chaque personne a un rôle précis. Le vôtre, celui d’une ijà'kô, c’est de me protéger, à l’extérieur, de mes ennemis. Cela ne vous exempte en aucun cas des entraînements que tous mes labirés suivent.
— Aucun problème. Quand ont-ils lieu ces entraînements ? Où dois-je me rendre ? Est-ce que je dois m’habiller d’une manière particulière ?
Elle se rendit compte qu’elle avait peut-être montré un peu trop d’enthousiasme.
— Je vais d’abord vous tester. Voir ce que vous valez.
— Ah ? Et si je ne vous conviens pas… Je veux dire, si je ne suis pas à la hauteur de ce que vous attendez, vous me balancez par-dessus bord ?
Elle espérait qu’un peu d’humour le dériderait.
Il la regarda de haut, sans la moindre esquisse de sourire.
— Non, si je découvre que je me suis trompé sur votre potentiel, je vous renverrai sur la planète où je vous ai trouvée, lui répondit-il. Demain, après votre petit déjeuner, suivez Quick ou Grama. Sur ce, je vous souhaite une bonne soirée.
Il hocha la tête en guise de salut. Voyant qu’il attendait, elle s’écarta, se collant contre la paroi, pour le laisser passer et le remercia en bafouillant une sorte de « merci ».
Elle avait à peine fait trois pas pour retrouver les coursives qui la reconduiraient à sa cellule qu’elle entendit la voix du Drægan derrière elle.
— Dites à MacAsgaill de vous accompagner.
Voilà qui allait plaire à l’Écossais.
Le lendemain matin, elle fit exactement ce que Bail lui avait demandé. Elle ne vit ni Quick, ni Copy.
Aussi, Will et elle suivirent-ils Grama sans se cacher. Le labiré les remarqua mais ne dit rien jusqu’à ce qu’ils pénètrent dans une sorte de vestiaire. Là, il leur désigna une pile de vêtements qu’ils se hâtèrent d’enfiler : un pantalon léger, une tunique et sa ceinture, ainsi que des chaussures souples. Le tout était d’un gris orageux.
Suivant une femme qui portait exactement la même tenue qu’eux, ils entrèrent dans un espace du vaisseau qu’ils n’avaient pas encore visité. Il s’agissait d’une sorte de dojo. Plusieurs groupes de combattants s’entraînaient les uns contre les autres, d’autres s’échauffaient. Quoique le mot échauffement soit un peu faible pour ce qu’elle pouvait voir. Quand ils échangeaient des coups, les labirés ne faisait pas semblant.
Elle aperçut Quick et Copy. Grama échangeait quelques mots avec ce dernier. Elle remarqua que le vieil homme semblait amaigri et faible. Elle restait immobile à les observer, se demandant ce qu’ils pouvaient se dire. Elle avait beau essayer de lire leurs pensées en vain. Rien ne venait. C’était comme si quelque chose les bloquait. Elle ne parvenait même pas à lire les expressions faciales de Quick, habituellement la plus expressive, en dehors d’une profonde tristesse. Quant à Grama, il lui tournait le dos.
Elle reporta son attention sur le tatami et les combattants.
Un couple attira son attention. Elle reconnut immédiatement Baal. Il avait entamé un combat contre une femme de haute taille et musclée. Elle reconnut la cheffe mécanicienne avec laquelle Grama avait discuté lors de leur arrivée, quelques jours plus tôt.
Face à elle, et surtout sans son armure spatiale pressurisée, malgré la blouse qui recouvrait son torse, il avait l’air plus frêle, Il faisait une tête de moins qu’elle.
Elle ne l’avait jamais remarqué jusqu’alors, mais il était d’une taille inférieure à la plupart de ses labirés. En fait, à tous, à l’exception de Grama, Copy et Quick.
Il n’en était pas moins musclé, et à voir la façon dont il résistait aux coups, pourtant non retenus, de son adversaire, il était souple et vif. Les coups étaient renvoyés avec force mais avec plus de faiblesse du bras droit. La blessure qu’il avait reçue au Marché aux esclaves était peut-être plus importante qu’elle l’avait supposée. Néanmoins, il se battait de telle manière qu’il compensait ses faiblesses.
Elle remarqua qu’elle n’était pas la seule à l’observer. Et ce n’était pas seulement pour ses qualités de combattant. Il était séduisant, c’était un fait. Plus que cela même. Il attirait naturellement les regards aussi bien féminins que masculins sur lui.
Esmelia observa plus attentivement les techniques de combats du Drægan, mais aussi celles de tous les combattants. Il y avait un mélange de différents arts martiaux, de lutte, de boxe, de kickboxing, mais aussi de gymnastique et de plusieurs types de danses sportives. Elle n’y voyait pas vraiment de règles. Apparemment, tous les coups étaient permis, y compris avec des armes. Elles étaient nombreuses et de diverses sortes. Certaines accrochées aux parois de la pièce, d’autres rangées dans des râteliers.
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