Chapitre 5 Oscar
Il arrivait toujours le premier. Oscar et Camille ne tardaient guère à le rejoindre. Camille... c'était la plus jolie fille du monde. De Quies, en tout cas. Sa force de vie était communicative. De taille moyenne pour son âge, Camille coiffait souvent ses cheveux noirs en une magnifique queue de cheval. Ses parents adoptifs étaient des ambassadeurs de la plaine des Toulgans, région située à des kilomètres de là au sud-est du Monde des Trois Rivières.
Elle était blanche comme la lune et eux noirs comme la nuit. Elle n'avait jamais rien dit de ses parents biologiques et Axel comme Oscar avaient toujours respecté cette réserve. Enfant des Trois Rivières et fille adoptive d'ambassadeurs étrangers, elle était unique aux yeux de ses camarades. Elle avait la possibilité d'exercer le métier qu'elle voulait. Elle aurait pu choisir de suivre la scolarité des enfants d'ambassadeurs qui séjournaient, toutes nations confondues, dans le luxueux Palais de l'Ouverture. Mais elle avait préféré, avec l'accord de ses parents, vivre la vie d'un petit Triverain. Pourtant, bilingue de fait, vive et curieuse, tout l'aurait prédestiné à un avenir d'ambassadrice.
Quant à Oscar, il était le fils d'un Guerrier d'élite et d'une Accoucheuse. D'humeur goguenarde, il était un brin bagarreur, un brin roublard. C'était, cependant, un ami sûr, un ami sur lequel on pouvait toujours compter. Il mesurait bien deux têtes de plus que ses camarades du même âge, avec au début de son adolescence un corps déjà très tonique et singulièrement charpenté. Il faisait la fierté de son père et promettait de suivre le même parcours brillant d'homme d'armes.
Ce fut lui qui retrouva Axel le premier.
– Salut, ma p'tite araignée ! lança-t-il de son habituel air jovial.
– Salut, tête d'enclume ! lui répondit Axel dans une franche accolade.
Seuls Oscar et Camille connaissaient ce surnom affectueux de « p'tite araignée » donnée à Axel par sa mère. Et seul Oscar prenait un malin plaisir à le taquiner en l'appelant de la sorte en pleine rue.
Oscar et Axel étaient fils uniques et ils s'aimaient comme peuvent s'aimer deux frères, inconditionnellement.
– Bien dormi ? Pas d'insomnie cette nuit ? s'enquit Oscar.
– La nuit fut plutôt paisible, je te remercie de t'en soucier.
Axel avait confié à son ami ses récents problèmes d'insomnie. Depuis peu aussi, d'étranges rêves dans lesquels il était conscient et comme éveillé ponctuaient ses nuits. Rien d'alarmant, mais devant l'étrangeté de la chose, il s'en était ouvert à son ami. Ses rêves, sans être inquiétants, le troublaient toutefois par leur fréquence et leur consistance. Les paysages qu'il visitait alors restaient identiques au fil de ses rêves, il avait cette impression qu'ils existaient en réalité, qu'ils existaient en dehors de sa seule conscience. Il se réveillait souvent en plein milieu de la nuit, à la suite de l'un d'eux, comme fiévreux. Dès lors, il lui était impossible de se rendormir.
Il lui arrivait alors de sortir dans la rue en prenant appui sur le lierre massif qui grimpait jusqu'à sa chambre. Il errait dans son quartier, se promenant jusqu'au Pont de la Création pour tuer le temps. Il rentrait pour n'inquiéter personne et pour satisfaire le sommeil qui le gagnait. Dans le même esprit, il se faisait des plus discrets pour éviter les patrouilles nocturnes.
– Pas de cauchemar insistant cette nuit, conclut Oscar.
– Aucun, confirma Axel.
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