Lettre à mon second amour (qui aurait dû être le grand)
(Très) Cher M.,
Je t’écris cette lettre en croyant en l’infine probabilité que tu tombes dessus par hasard.
Je t’écris cette lettre pour écrire ce que j’aurais aimé te dire une fois de plus.
Je t’écris cette lettre en me disant que si elle avait été manuscrite et envoyée à ton domicile tu l’aurais enlacée comme si c’était moi, et que tu l’aurais lu et relu pendant chacune de tes insomnies.
Je t’écris cette lettre pour rendre notre histoire éternelle, comme elle aurait dû l’être.
Je t’écris aussi (et surtout) cette lettre pour guérir du vide que tu as laissé, de ton manque et de la dure réalité de la vie.
Cela risque d’être décousu mais tant pis. Je vais écrire comme les mots me viennent, pour la forme on repassera.
Expliques moi, M. comment vivre l’Après? Bien sûr personne n’est irremplaçable, surtout en amour, mais tu étais si différent. Comment étouffer un amour qui s’est développé alors qu’il y avait mille cinq cent kilomètres et une mer entre nous? Deux continents. Mais deux êtres qui s’aiment alors qu’importe. Je pensais que nous pourrions résister à tout. Mais la Vie n’était pas de cet avis.
Tout d’abord toutes tes difficultés pour me rejoindre ici. Tu aurais fait les douze travaux d’Hercule que ça n’aurait pas été assez. Tu aurais bu puis traversé la mer qui nous sépare que ça n’aurait pas suffit. Tu as donné tellement de toi dans ce rêve (qui datait de bien avant Nous), tellement d’énergie, de nuits blanches, d’espoir et d’argent. Mais quand on ne naît pas au bon endroit où qu’on s’appelle comme toi M., certains rêves sont malheureusement beaucoup plus compliqués à atteindre. J’ai toujours fais de mon mieux pour te remotiver et t’encourager à ne rien lâcher, mais quand, ce fameux jour, tu m’as annoncé que tu abandonnais tous tes projets et ton rêve ultime; crois moi cela m’a fait autant de mal que notre rupture. J’ai eu l’impression qu’on m’annonçait la mort d’une partie de toi, celle qui te rendait si joyeux et optimiste.
Ensuite il y a eu mes problèmes de santé, que j’ai dû affronter seule. J’ai remercié l’Univers chaque jour de ta présence virtuelle à mes côtés, mais j’étais seule dans les chambres d’hôpitals et dans les salles d’attente. Tu m’as donné tant de courage, tant de soutien et d’amour pour surmonter tout cela et je t’en suis éternellement reconnaissante mais quel était le sens caché de tout cela? Putain je vais mieux depuis que nous avons été séparés. Ne penses-tu pas que l’Univers voulait me rappeler que je suis seule et s’assurer que je n’oublie pas que je peux et que je dois m’en sortir sans l’aide de personne? M., ne pas dépendre d’un homme est ma devise, mon étoile polaire. Je m’attachais bien trop à toi alors mon corps a souligné ma solitude et ma force en me rendant malade. C’est complètement dingue comme pensée tu as raison, mais tu sais combien j’ai besoin de tout expliquer, de tout nommer, car ne pas savoir pourquoi est ce que je déteste le plus.
Enfin, il y a la raison pour laquelle nous avons été séparés (ou en tout cas l’explication que tu m’as donné pour justifier ta fuite). Comment expliquer que tes parents, qui semblaient si ouverts d’esprits et encourageants dans tes projets, aient tout à coup décidé de te marier de force à une femme qu’ils ont choisi, afin de t’empêcher de partir et de fréquenter une «fille comme moi» à jamais? Nous étions conscient de nos différences majeures, mais si elles ne nous dérangent pas nous, qui peuvent-elles bien déranger? Nos famille apparement, parce oui dans cet exemple ce sont les tiens qui nous ont séparés, mais nous savions parfaitement que cela aurait été le cas avec ma famille une fois unis physiquement. Il faut croire que nous avons vécu un amour interdit (qui se finit mieux que celui de Roméo et Juliette heureusement). Interdit par nos familles, nos cultures et nos croyances. Interdit par nos ambitions et rêves diamétralement opposés.
Et pourtant je suis si fière de la fin de Nous, qui prouve bien notre force et notre maturité. Aucun cri, aucune rancoeur ou colère (l’un envers l’autre, parce que de la colère nous en avons). Beaucoup de larmes et de douleurs partagées au téléphone, comme dans un mauvais film Netflix. Beaucoup de bienveillance et de promesse de prières de protection. Un dernier «je t’aime», et c’était fini. Appuyer sur le téléphone rouge une dernière fois, qui n’avait été jamais douloureux de toute ma vie. Et puis le silence ensuite. Le silence de la solitude qui me fait comprendre que plus jamais je ne t’entendrais rire dans mes oreilles, le silence de la réalité que je ne dirais plus jamais à voix haute seule dans mon appartement «Oh je dois lui raconter ça ce soir, il va tellement rire!». La réalité que je ne t’enverrai plus jamais de message le matin pour te dire que je suis bien arrivée au travail, en te souhaitant un bon réveil et en te disant que je t’aime. Tout ça envolé, dérobé, tué par des gens qui se sont octroyé un droit de vie ou de mort sur Nous. Et ils ont réussi, M. Ils nous ont tué. Et tu me manques énormément. Alors laisses moi te dire une dernière fois (pour de vrai cette fois) que je t’aime, habibi.
Avec des larmes sur les jours et la gorge serrée, mais avec beaucoup d’amour.
L.
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