Chapitre X. Les fantômes du passé
Mercredi 30/11/22, fin d'aprés-midi en bord de Seine
Une brume épaisse montait de la Seine, la pluie s’était arrêtée de tomber, l’air était saturé d’humidité ! Il avait froid, il grelottait, il avait surtout peur et guettait, prêt à stopper dans son élan la première jeune femme qui ferait mine de se jeter du pont. Le problème avec cette purée de pois c’était qu’il n’arrivait pas à voir la totalité de l’ouvrage, il attendit un moment encore et découragé décida de partir, se sentant inutile et triste. C’était donc cela sa vie, des filles qui sautaient dans le vide ! Catherine d’abord, il y avait un an ! Cette Sarah il y avait deux jours qu’il avait sauvés in extrémis et Reeve maintenant !
C’en était trop, qu’elles plongent dans la Seine, si elles en avaient envie ! Il en avait plus qu’assez de faire le pied de grue, à se tordre dans tous les sens pour apercevoir l’autre rive ou l’eau du fleuve. Il décida qu’il était temps de rentrer chez lui, de mettre la folle du Pont-Neuf à la porte. Désormais il ne s’occuperait plus que de ses affaires.
Il marchait ainsi à grandes enjambées faillit se faire renverser par une trottinette électrique qu’il n’avait pas vue arriver. Il fallait toujours être sur ses gardes ici. Cette ville l’ennuyait, elle avait sans doute la réputation d’être la plus belle et la plus romantique du monde, il n’avait jamais réussi à la trouver à son goût. Son petit village lové autour d’une minuscule église romane lui manquait ! L’été il faisait trop chaud, l’hiver le Mistral vous glaçait le sang, mais qu’importe, là-bas il s’était senti vivant. Il était temps pour lui d’enterrer les fantômes du passé et de retourner dans le Var où étaient ses racines.
Alors qu’il arrivait à l’angle du quai Conti et s’apprêtait à s’engouffrer dans la rue Dauphine un grand échalas barbu accompagné d’un chien et qui puait la vinasse le bouscula et l’invectiva !
— Salaud, tu as fini de faire du mal autour de toi, il te les faut toutes, tu vas les déglinguer hein ! Tu as déjà tué Catherine, tu t’es cru autorisé à sauver Sarah qui est la pire salope du monde et maintenant tu t’attaques à Reeve !
— Mais que, qui es-tu ?
Le SDF, ne pesait pas bien lourd, il ne devait avoir que la peau sur les os et flottait dans manteau de laine défraichi mais il l’avait surpris et l’avait presque jeté à terre. Le plus étonnant c’est qu’il avait l’air de le connaitre. Il scruta sa mémoire, il ne se rappelait pas l’avoir rencontré. L’autre continuait pourtant de vitupérer.
— Tu crois que je ne te vois pas, moi je suis déjà mort, toi et tes parents vous m’avez tué socialement, tu ne me reconnais pas, c’est normal tu ne t’es jamais intéressé au petit personnel, tu étais trop bien pour ça !
— Marc, vous êtes Marc !
— Tu me reconnais maintenant, j’avais envie de vous broyer, je ne l’ai pas fait, je ne le ferais pas, je ne suis pas un assassin…
— Je ne comprends pas de quoi tu me parles Marc !
— Tu ne comprends pas hein ! Tu ne comprends pas… Moi je ne compte pas, je n’existe plus, je suis déjà mort, mais tu ne feras pas de mal à Reeve, elle était en pleurs, que lui as-tu fait !
— Tu as vu Reeve ! Je la cherche partout ! Comme un fou !
— Elle était là il n’y pas une heure, je l’ai raccompagnée jusque devant chez elle, elle était dans un sale état ! Je lui ai dit de se méfier de cette garce de Sarah, elle casse tout ce qu’elle touche, un peu comme toi et ta famille ! Tu t’en approches plus de Reeve, j’aurais dû lui dire qu’il fallait qu’elle se méfie de toi aussi ! Elle est trop gentille cette fille… elle donne son cœur facilement, sans calculs, c’est un oiseau, elle n’est pas méfiante… tu vas la détruire comme tu as détruit Catherine !
— Mais arrête avec ça, je n’ai pas compris pourquoi elle s’est tuée je l’aimais moi !
— Mais tu n’as jamais aimé personne Michel !
— Mais ce n’est pas moi Michel, je suis Étienne, Michel est mort !
Marc les traits déformé par la colère hurla alors !
— Étienne ou Michel, quelle différence ! Vous êtes tous deux des êtres diaboliques…
Une paire de policiers qui patrouillaient dans le secteur alerté par les cris et les aboiements du berger allemand furent obligés d’intervenir !
— Ça va, monsieur, il vous dérange…
Dès l’arrivée des gardiens de la paix, le SDF s’enfuit !
— Viens, Milord, on va encore nous faire du ma…
Il n’avait pas vu arriver la voiture, le conducteur n’avait pas pu l’éviter !
Étienne ne savait plus où il en était, il était KO debout, il ne comprenait plus rien. Il voulait porter secours au SDF qui gisait inconscient sur la chaussée, mais milord ne lui permettait pas de s’en approcher ! De toute façon les policiers étaient déjà sur les lieux ils balisaient le terrain et appelaient les secours.
Le plus âgé des deux policiers s’adressa à Étienne et contrôla son identité
— Vous aviez l’air de connaitre cet homme, il est généralement sans histoire, sauf quand il a bu, mais je ne l’ai jamais vu saoul à cette heure de la journée, il n’agresse jamais les gens habituellement, vous serez convoqué demain au commissariat
— Oui je connaissais cet homme, c’est un Fantôme qui vient de mon passé, je viendrai demain, soyez sans crainte, il s’appelle Marc, il travaillait autrefois pour mes parents…. comment va-t-il
— On ne peut l’approcher, le chien protège son maitre, on a appelé la brigade cynophile qui va arriver d’un instant à l’autre, le choc n’a pas été trop violent, l’automobiliste roulait à faible allure, le… Marc est inconscient pour l’instant ce qui m’inquiète c’est le sang sur la chaussée, si ça vient de la tête…, les pompiers qui arrivent aussi vont l’hospitaliser, je n’en sais rien, je ne suis pas médecin… Circulez, monsieur, on vous appellera demain.
****
Étienne marcha comme un zombi il arriva devant chez lui sans vraiment s’en rendre compte, ouvrit la porte d’entrée et monta les deux étages, la porte de son appartement était grande ouverte !
Dès qu’il en franchit le seuil, deux paires de bras le tirèrent en arrière dans des sens différents, il n’avait pas la force de se défendre, il tomba à terre.
- Nous avons eu si peur ! Où étais-tu ? Pleurnicha Sarah !
- Excuse moi, je me suis laissé emporter par mes sentiments, renchérit Reeve
- S’il vous plait, laissez-moi tranquille toutes les deux j’ai assez d’ennuis comme cela, pouvez-vous me laisser tranquille ! Toi aussi, Sarah, trouve-toi un autre foyer, j’ai besoin d’être seul !
- Mais, dirent-elles en cœur….
- Demain, je serai convoqué au commissariat, Marc s’est violemment disputé avec moi et il a été percuté par une voiture… il est à l’hôpital à l’heure qu’il est
- Nous n’allons pas te laisser dans cet état, nous allons nous occuper de toi !
- Faites ce que vous voulez, moi je vais prendre une douche, ensuite je réfléchirai à la suite.
****
Longuement il laissa l’eau tiède couler sur son corps, doucement ses idées se mettaient en place. Que faisait Marc à Paris, qui était vraiment Sarah, que faisait-elle sur ce pont prête à se jeter dans le vide. Et surtout pourquoi Reeve avait-elle réagi comme cela ?
Il sortit enfin de la douche, prit son temps pour s’essuyer. Il avait été dur avec les filles…
— Oh ! dans quel pétrin me suis-je fourré se plaignit-il !
En sortant de la salle de bain, il s’aperçut que les deux jeunes femmes campaient encore dans le salon. Sarah dormait la tête posée sur l’épaule de Reeve qui elle, fixait le vide, hébétée !
Il se racla la gorge, ne voulant pas les faire sursauter et dit :
— Je m’excuse Reeve et Sarah ! je ne voulais ni être dur ni grossier avec vous, je suis content que vous soyez encore là toutes deux !
— Tu ne crois pas que j’allais te laisser seul ça ne va pas !
minauda Reeve
— Moi aussi j’ai à me faire pardonner !
— Je n’ai nulle part où aller. Je ne vais pas laisser tomber la seule personne qui m’ait tendu la main. Je reste, moi aussi, répondit Sarah !
E.Y
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