3.
Le jour suivant, ils repartent pour la villa. Dans la voiture qui longe le bord de mer, Lilly est moins agitée que la veille. Elle ne peut détourner son regard de cette étendue d’eau, calme, apaisante qui semble ne jamais finir.
— Tu as vu comme la mer est belle ? Si bleue, si tranquille…
— Pardon ?
Albert ne l’écoute pas du tout, il a en tête toute autre chose que la mer.
— Non rien. Je pensais à voix haute.
— Réfléchis plutôt à ce que tu dois faire. On doit trouver un moment. Il faut qu’il soit seul, suggère-t-il.
Lilly acquiesce d’un signe de tête.
— Ensuite, on agira.
La voiture arrive finalement à destination. Elle s’arrête devant le portail, Lilly en descend la première. Tout à coup une moto sort du garage, le jeune homme qui la conduit ralenti. Il s'arrête à sa hauteur et retire son casque.
— Salut ! Vous cherchez quelqu’un ? demande-t-il amicalement.
Prise de surprise, Lilly ne lui répond pas. Elle demeure muette, dans l’incapacité de faire le moindre mouvement, elle semble suffoquer. Albert, après les avoir rejoint, répond courtoisement au jeune homme. Il explique que tous deux sont en vacances dans la région, et qu’ils se promènent tout simplement. Il ajoute également qu’ils admirent la beauté du panorama lorsque Christian demande s’ils sont ceux qu’il a croisé la veille en remontant le sentier. Tout en discutant, Christian ne détache pas son regard de Lilly, qui a l'air du même âge que lui, et n’a toujours prononcé aucun mot. Elle paraît intriguée par la moto, perdue dans des pensées lointaines. Elle est ensuite prise de nouveau de panique lorsque le jeune homme s’avance vers elle pour lui proposer, si elle n’est pas du coin, de faire un tour en moto pour admirer le paysage, qui était magnifique selon lui vu de cette façon. Elle cherche l’aide d’Albert du regard.
— Je m’appelle Christian et toi ?
Le regard de la jeune fille court de l’un à l’autre rapidement. Albert prend Lilly par le bras arrivant enfin à son secours, et tous deux s’éloignent brusquemment.
— Nous devons partir.
Christian lève les mains en l’air, comme si on l’accusait d’avoir fait quelque chose de mal. Il s’excuse et ajoute qu’il n’a aucune mauvaise intention, uniquement celle de faire un tour en moto pour une visite guidée, comme il propose souvent aux nouveaux arrivants.
— Nous avons des choses à faire, lui répond sèchement Albert en fronçant les sourcils. Au revoir.
Christian est quelque peu surpris, c’est la première fois qu’on lui refuse sa proposition de visite guidée aussi froidement ; d’habitude ceux qui viennent en vacances sont beaucoup plus aimables et aiment discuter du charme de la région. Il s’excuse de nouveau de les avoir importunés et ajoute ironiquement :
— Content de vous avoir connu.
Le jeune homme remet son casque et repart sur sa moto. Il salue d’un geste de la main les deux très sympathiques visiteurs et redescend le sentier en soulevant la poussière. Lilly le suit du regard.
— C’est sûrement son fils, pense Albert.
Tout à coup, comme un éclair, une idée étrange lui traverse l’esprit. Ses yeux pétillent.
— J’ai trouvé ! s’exclame-t-il.
Il se tourne vers Lilly la hâtant de rentrer. La jeune fille est surprise du changement d’attitude d’Albert. Il la stoppe net d’un signe de la main, et lui indique de l’index la voiture lorsqu’elle tente de rétorquer.
— Monte, je t’expliquerai plus tard. Pour l’instant je dois réfléchir.
Il met en route le moteur et reste silencieux tout au long du trajet du retour. Lilly le regarde perplexe au moment où elle discerne un sourire étrange sur ses lèvres. Il murmure quelque chose qu’elle a du mal à comprendre.
— C’est comme ça que tu vas payer.
Jamais auparavant il n’a eu un tel comportement. Lilly ne se souvient d’aucun moment où il a eu un tel sourire. Il semble depuis toujours dépourvu d’une quelconque émotion, l’expression de son visage est toujours imperturbable, dans n’importe quelle situation il se trouve. Il y a également quelque chose d’inquiétant dans le son de sa voix.
— Lilly, va faire un tour. Je dois réfléchir, seul, lui a-t-il ordonné lorsqu’ils arrivent dans leur appartement.
En croisant son regard froid, Lilly juge qu’il vaut mieux obéir. Elle sort sans dire un mot, laissant Albert, qui ne pense qu’à mettre en acte son terrible plan de vengeance.
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