Herwin - Premier jour

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Herwin expira profondément en se sentant comme un gros poisson échoué à attendre sur la plage. Les sourcils froncés et toutes les fibres de son corps tendues, il glissa son regard vers la mer qui tournait à l’orange. Petit à petit, il voyait les ombres des habitations au bord de la berge s’étendre et engloutir ses jambes. L’air se glaçait de plus en plus et il grimaçait pour que son visage ne se fige pas. Enfonçant son col dans son cou et ses mains dans les poches de son ciré, il grommelait.

La mer n’avait cessé de monter depuis qu’il était arrivé. À chaque vague, l’écume restait maintenant sur ses bottes comme le crachat d’un vieux croûton qui ne saurait pas viser plus loin que le bout de ses pieds. Les cris stridents des oiseaux semblaient lui confirmer que le reste de la journée serait orageuse et, à tous les coups, désastreuse. Il ne manquait plus que la pluie et la brume pour faire de ce foutu patelin un parfait décor de film d’horreur. Herwin soupira. Et dire que ce lieu n’était même pas répertorié sur les cartes ! Secouant la tête, il n'en revenait toujours pas d'avoir été déposé au bord de la route, des kilomètres plus loin et d'avoir dû emprunter un chemin si défoncé. Pourquoi donc Jameson ne lui avait pas donné rendez-vous dans une grande ville, bien peuplée, avec des trottoirs, de l’électricité, de la lumière et du réseau téléphonique ? Il devait bien y avoir aussi des mystères à résoudre au cœur de la civilisation, non ? Pourquoi le faire venir dans un endroit perdu au milieu de nulle part dont le seul accès est un chemin pourri entre des falaises ? Et pourquoi tous les bâtiments complètement délabrés ressemblent à d’immondes champignons ? Et cette odeur qu’il avait dû supporter tout le long du trajet, cette putréfaction qui lui rappelait les poubelles non ramassées en plein été, avec ce vent salé qui lui claquait cette infection au visage à chaque pas. Sans oublier son instinct qui remuait ses tripes dans tous les sens en lui disaient de faire demi-tour. Et ces frissons au son du panneau rouillé marquant le début d’Hammelton qui grinçait à chaque rafale… Rien que d’y repenser, Herwin grimaça en sentant les limites de sa patience arriver.

Lorsqu’un bateau arriva péniblement en crachant une fumée noire, Herwin qui n’avait croisé personne d’autre ici supposa qu’il s’agissait de Jameson. Cette arrivée en breloque ne le surprenait même pas. Jameson était toujours fauché, c’était ce qui rendait leurs aventures toutes plus invraisemblables les unes que les autres. En revanche, en voyant le ciré, les bottes et le chapeau jaune, Herwin tiqua. Jameson ne savait jamais où s’arrêter, mais c’était également ce qui faisait son charme. L’écrivain arriva avec un immense sourire, lui claqua une forte tape sur l’épaule et inspira à plein poumons.

  • Tu en tires une de ces têtes ! Sacrebleu ! Comme si tu n’étais pas heureux de me revoir, mon ami !
  • Bien sûr que si… Mais tu ne trouves pas que tu en fais un peu trop là ? On dirait une sorte de canari ou de banane géante…
  • Ne fais pas ton rabat-joie ! Ici, c’est le paradis ! Te rends-tu compte ? Une lettre mystérieuse, des choses inexplicables, un drame, la police que ne doit rien savoir et nous, nous qui serons les héros de l’histoire ! s’exclama Jameson en ouvrant les bras vers le village.
  • Tu ne m’as parlé que d’un disparu, soupira Herwin qui voyait déjà venir une histoire impossible et loufoque.
  • Détails, mon cher, le reste ne sont que des détails.

Jameson s’approcha d’Herwin, les pupilles dilatées et la voix exaltée :

  • Il nous faut juste retrouver un disparu, certes probablement trépassé, ajoutat-il rapidement pour noyer l’information, et résoudre le mystère !

Herwin leva les yeux au ciel et passa une main sur son visage en soupirant. Posant sur son ami un regard un peu dépité et fataliste, il fit un sourire en coin, songeant qu’avec le temps, il aurait pu s’y habituer. Ils se mirent en marche en direction d’une ruelle sombre. Heureusement qu’Herwin l’accompagnait dans ses aventures pour éviter des malheurs à ce délicat insouciant. Arrivant sur une place, Jameson désigna un bâtiment dont l’enseigne était une enclume :

  • Premier arrêt : la forge ! s’excita-t-il

Une forge ?! Herwin s’arrêta un instant et retint un juron en voyant Jameson s’y précipiter. Ils devaient être coincés dans le temps, c’était la seule explication…

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