Priape

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Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination. (Lévitique 18:22)

En ce temps-là, David et Jonathan avaient terminé leur formation de prêtre au séminaire de Givisiez. Le frère de David, émigré au Québec à la Baie James, l’avait invité à passer quelques jours chez lui. David, qui n’aimait pas voyager seul, d’autant plus que c’était la première fois qu’il traversait l’Atlantique, avait invité Jonathan à l’accompagner. Le père de David, vendeur de voitures d’occasion, avait généreusement financé le voyage, afin de récompenser son fils pour la réussite de ses études, peut-être aussi pour se faire pardonner d’avoir douté de sa vocation.

Les deux prêtres atterrirent à YUL, le voyage s’était bien déroulé, mais la valise de Jonathan n’avait pas suivi. Un employé de la compagnie fit des recherches, elle était dans un avion se dirigeant vers Tokyo. Il faudrait plusieurs jours pour la remettre sur le droit chemin.

— Je te prêterai un caleçon propre, proposa David.

— Non, répondit Jonathan, j’en achèterai demain, les miens sont usés.

Jonathan n’osa pas révéler la vraie raison : il avait peur que le contact sur ses organes génitaux d’une étoffe qui avait contenu ceux de David provoquât une excitation et qu’il en retirât un plaisir vénérien. Il avait déjà dû confesser à de nombreuses reprises s’être livré à des actes intrinsèquement et gravement désordonnés.

Les deux prêtres se rendirent ensuite en taxi à leur résidence, un petit studio réservé sur Booking. Ils resteraient une semaine à Montréal avant de partir dans le nord. Le propriétaire les accueillit chaleureusement, leur donna des adresses pour bien profiter de leur séjour. Ils étaient trop fatigués pour souper au restaurant, ils achetèrent quelques victuailles au dépanneur le plus proche.

Le lendemain matin, ils se réveillèrent très tôt, profitant ainsi de dire les laudes après s’être douchés et habillés à la salle de bain. Jonathan avait dormi en caleçon et débardeur, n’ayant pas de chemise de nuit. À neuf heures, ils sortirent pour explorer la ville. Jonathan regarda sur son ordiphone où se trouvait la station de métro la plus proche.

— Elle s’appelle Beaudry, dit-il, et le quartier Le Village, nom sympathique, on ne dirait pas qu’on est dans une grande ville.

Ils se retrouvèrent dans la rue Sainte-Catherine Est en suivant l’itinéraire du GPS. David eut un doute :

— Tu sais pourquoi il y a ces drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel partout ?

— Je pense qu’il s’agit de drapeaux LGBT.

— Et cela signifie quoi ?

— Lesbiennes, Gays…

David se signa.

— Quelle abomination !  

— Calme-toi, Jésus a aussi été tenté par le diable et il a résisté.

Les deux hommes passèrent devant une boutique appelée PRIAPE, des mannequins portant des sous-vêtements étaient exposés dans la vitrine.

— Je vais acheter mes caleçons ici, déclara Jonathan.

— Tu es sûr ? Il me semble pas que c’est pas ton style.

— Ils doivent en avoir d’autres à l’intérieur. Nous n’allons pas passer toute la matinée à chercher des bobettes, c’est comme cela qu’ils disent ici.

Ils entrèrent, un jeune homme les accueillit. Il était dans la vingtaine, noiraud, petit, il avait un gilet en cuir noir ouvert sur son torse nu et velu, un pendentif doré représentant un pénis en érection, des jeans taille basse laissant apparaître la ceinture de son sous-vêtement.

— Salut, dit-il, puis-je vous aider ? Ça alors, des prêtres ! C’est rare.

David se demanda comment il avait vu qu’ils étaient prêtres, puis se rappela que leurs chemises avaient un col romain.

— Bonjour Monsieur, dit Jonathan, je pense en effet que les prêtres ne fréquentent pas ce lieu.

— De perdition, ajouta David.

— Au contraire, ce sont de très bons clients, mais ils commandent en ligne, nous mettons une étiquette spéciale sur le colis indiquant que ce sont des objets de piété pour ne pas faire jaser.

— Ce n’est pas ce que vous pensez, dit Jonathan, je désire juste acheter quelques bobettes, car ma valise s’est égarée.

Le vendeur leur présenta tous les modèles : jockstraps, strings, slips AussieBum. Jonathan en prit deux de chaque sorte.

— Euh, tu penses vraiment que ces habits conviennent à notre fonction ? demanda David.

— Nos ouailles ne les voient pas, et c’est une urgence.

— Je vous montre autre chose ? demanda le vendeur.

— J’ai vu que vous aviez des DVD, dit Jonathan. En auriez-vous qui nous feraient découvrir les édifices religieux du Québec ?

— Certainement, nous en avons un qui a été tourné dans un ancien monastère avant sa démolition, suivez-moi.

David hésitait à passer entre des rangées d’accessoires en cuir.

— Il me semble que je suis à Sodome, dit-il.

— Allons, du courage. Tu ne vas pas être transformé en statue de sel.

Ce qui inquiétait David c’était surtout une sensation entre ses jambes qui l’éloignait dangereusement de ses vœux de chasteté. Il avait déjà dû confesser à de nombreuses reprises s’être livré à des actes intrinsèquement et gravement désordonnés.

Le DVD avait quelques hommes légèrement vêtus au premier plan, mais l’intérêt de Jonathan pour l’architecture religieuse l’incita à l’acheter quand même. Il paya avec sa carte de crédit. Le vendeur le remercia et dit :

— Je suis libre, je peux venir chez vous, quelqu’un me remplacera à la caisse.

— Venir chez nous ? s’étonna David. Pourquoi ?

Jonathan le prit à part et lui chuchota :

— Je pense que cet homme est un prostitué et qu’il veut nous offrir ses services.

— Quelle horreur !

— N’oublie pas les paroles du Christ : Je vous le dis en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu (Matthieu 21:31). Si ce jeune homme vient chez nous, ce sera à nous de le convaincre d’abandonner ses vices et de retrouver sa vertu.

— Mais il faudra le payer !

— Si nous réussissons à sauver son âme, ce sera de l’argent bien employé, mieux que le don que je voulais faire pour la restauration du reliquaire contenant le Saint-Prépuce.

David était septique, mais Jonathan avait déjà accepté la proposition du jeune homme. Ils sortirent de la boutique.

— Je ne me suis même pas présenté, je m’appelle Ayden.

Jonathan expliqua ensuite pourquoi ils séjournaient à Montréal. Ils arrivèrent rapidement dans le studio. David s’excusa de ne pas avoir d’autres boissons à offrir que de l’eau.

— Ce n’est pas grave. C’est sympa ce studio. Je connais bien le propriétaire, je l’invite à bouffer et il m’envoie des clients.

— Je n’ai pas vu le nom de la boutique sur la liste qu’il nous a donnée, dit Jonathan.

— Ce n’est pas pour le magasinage. À propos, si on pouvait régler les aspects matériels avant, j’accepte les cartes de crédit.

Ayden sortit de sa poche un petit lecteur de cartes couplé à son téléphone, Jonathan n’osa pas regarder le montant affiché, il introduisit son code.

— Je vous enverrai la quittance par courriel, dit Ayden.

— Ce n’est pas nécessaire, je vous fais confiance.

— Que désirez-vous que nous fassions ?

— Monsieur, fit David, ne vous méprenez pas sur nos intentions, nous voulons vous faire prendre conscience que les actes d’homosexualité sont contraires à la loi naturelle et vous éviter de finir en Enfer.

— Et violer les enfants, c’est la loi naturelle ? Oui, j’ai été violé par un prêtre, alors tes belles paroles, je n’y crois plus, je préfère rembourser et partir plutôt que d’entendre tes sornettes.

— Calmez-vous, fit Jonathan, David ne pouvait pas savoir. Restez un moment et discutons calmement d’autre chose.

— J’aime mieux ça, même si mes clients ne discutent pas trop d’habitude. Et j’aime mieux que vous baisiez ensemble qu’avec vos servants de messe.

— Vous pourriez vous déshabiller ? balbutia Jonathan.

— À votre service, dit Ayden en riant.

Il fit un langoureux striptease, les deux prêtres furent impressionnés par son gros sexe circoncis et turgescent.

— Ça doit vous changer du séminaire, dit Ayden. Ils doivent tous avoir des petites bizounes.

— Nous ne nous montrions jamais nus, dit David.

— Qu’attendez-vous pour le faire ? On n’est pas au séminaire ici.

David et Jonathan hésitèrent, puis se dénudèrent, constatant avec étonnement qu’ils bandaient aussi. La morale chrétienne m’interdit de décrire plus en détail ce qui se passa ensuite, mais, pour la petite histoire, les bizounes des deux prêtres n’étaient pas si petites que ça et semblaient en parfait état de marche.

Une fois que les deux prêtres furent seuls, encore nus et assis sur un canapé, David se mit à pleurer.

— Que se passe-t-il ? s’inquiéta Jonathan.

— Nous avons péché ! s’exclama David.

— Je sais, je t’absous, nous ferons pénitence demain.

— Je t’absous aussi, mais il y a autre chose. J’ai aimé goûter au fruit défendu, et j’ai peur que je ne puisse pas résister en ta compagnie.

— Je ne pourrais pas résister non plus, je t’aime, David !

— Tu m’aimes ? Tu serais prêt à renoncer à ta vocation pour moi ?

— Pourquoi renoncer à ma vocation ? Tu ne sais pas que la majorité des prêtres sont homosexuels ? Je t’offrirai le livre de Frédéric Martel, Sodoma, pour te convaincre.

— Ces bruits qui courent sont donc vrais ?

— Il n’y a pas de fumée sans feu. Nous devrons être prudents, mais je suis sûr que nous serons heureux ensemble. N’oublie pas ce qu’a dit Ayden.

David se blottit dans les bras de Jonathan qui lui sécha les yeux.

Je suis dans la douleur à cause de toi, Jonathan, mon frère ! Tu faisais tout mon plaisir ; ton amour pour moi était admirable, au-dessus de l'amour des femmes.  (2 Samuel 1:26)

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