Chapitre 11 : Deux pour le prix d’une

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Vendredi 23 Septembre 2022, vingt-deux heures.

Erwann se gare en bas de l’immeuble et coupe le moteur. Il espère un dernier verre pour clôturer la soirée. Un dernier verre et plus si affinité.

— C’est gentil de m’avoir raccompagnée jusque chez moi.

— Je t’en prie. Il fait nuit et même si tu n’habitais pas loin du ciné, ça craint parfois par ici. C’était plus prudent.

La jeune femme lui sourit et des fossettes se dessinent de chaque côté de son visage poupin. Amanda paraît beaucoup plus jeune que son âge. Ses trente-sept ans ne se voient pas du tout. Peut-être cela vient-il de la blondeur froide de ses cheveux platines lissés de la racine jusqu’aux pointes. Elle lui fait penser à la Spice Girl de son époque, celle qui était un peu ronde et femme-enfant.

Baby spice ou un truc du genre.

— J’ai beaucoup aimé le film, dit-elle en triturant les pans de sa veste, qu’elle essaie en vain de rabattre sur son ventre légèrement rebondi.

Elle lui a dit qu’elle avait deux enfants. Seul son corps en a gardé des traces.

— Ouais, c’était sympa, renchérit Erwann, un peu mal à l’aise. Le film était prenant. Tu as bien choisi.

Elle opine du chef, ravie que son idée ait fait mouche.

Ce vendredi soir, Amanda avait accepté l’invitation d’Erwann à aller voir « là où chantent les écrevisses », dont elle avait adoré le livre. Pour une fois, le Breton s’était fendu d’un vrai rencard. Il en avait marre de se faire sucer dans les toilettes des bars ou des restaurants, ou de déglinguer des meufs à l'arrière de sa bagnole. Richard avait raison, il fallait qu’il se calme. Il n’était plus le gentleman qu’il avait été autrefois, mais rien ne lui interdisait de mettre un peu les formes avec ses nouvelles conquêtes. Il pouvait faire des efforts, être plus respectueux. Pas romantique comme il l'avait été par le passé, cet homme-là n'existe plus. Juste un peu moins... Quentin. Ce début de soirée l’avait agréablement surpris, plus que les autres où il s’était comporté comme le dernier des enfoirés. Ça valait le coup d'essayer. Peut-être le temps faisait-il son œuvre finalement.

— Ça te dit de monter chez moi ? propose-t-elle, souriante.

— Si tu veux, oui.

Avec un décolleté aussi affriolant, oui, ça me dit.

Bon, chasser le naturel, il revient au galop ! L’enfoiré n’est pas très loin, mais il compte le faire taire un peu.

À son appartement, Amanda leur sert deux jus de fruits, son invité ayant refusé l’alcool qu’elle lui avait suggéré au préalable. Erwann jette un coup d'oeil circulaire au salon. Des peluches et des jouets jonchent le sol. Mère célibataire laxiste ou dépassée ?

Elle s’assoit à côté de lui et retire sa veste Desigual pour la poser sur le bras du canapé.

Tant mieux, les motifs psychédéliques lui donnaient mal aux yeux.

Erwann accepte le verre qu’elle lui tend, profitant de ses mouvements amples pour reluquer son corps étrangement sensuel. Sans grande discrétion, il louche sur ses seins misent en valeur par un bustier réhaussé de balconnets. Ses courbes lui rappellent celles de son ex-femme lorsqu’elle était enceinte. Il avait toujours aimé son corps charnu et maternel : sa poitrine généreuse et tombante, ses hanches arrondies où il aimait agripper ses mains durant leurs ébats. Sans oublier ses fesses douces et moelleuses contre lesquelles son bassin s’élançait lorsqu’il était derrière elle.

— T’as faim ? lui demande Amanda, en l’extirpant de ses pensées.

— Non, merci.

De toi si, évidemment, si tu es au menu.

Elle lui plait bien, Amanda. La jeune femme lui avait vendu son nouveau téléphone, depuis qu’il avait encore égaré le sien, sans parvenir, cette fois, à remettre la main dessus. Erwann avait fini par cesser ses recherches et bloquer sa ligne, lassé de retourner sa maison, sa voiture et toutes les poches de ses sacoches de travail. C’était la troisième fois que cela lui arrivait ces temps-ci, il commençait à avoir l’habitude. Soit on lui avait tiré son portable tandis qu’il écumait les lieux de perdition avec Richard, soit il allait finir par le retrouver un jour, caché entre les coussins de l’un de ses canapés.

Son nouvel IPhone est cool, mais pas autant que l’opératrice qui lui en avait vanté les mérites. Il était reparti de la boutique délesté d’une somme considérable, mais avec un smartphone dernier cri, une nouvelle ligne chez Orange et son numéro de téléphone à elle.

Une affaire rondement menée.

Voyant qu’elle le dévore de ses yeux bleus pétillants, comme savent si bien le faire les femmes qui désirent être embrassées, il se dit qu’il est temps de lui apporter satisfaction. Erwann repose son verre sur la table basse en bois, fait de même avec celui de son hôtesse et lui prend la bouche au goût d’ananas.

Elle lui rend son baiser, saisissant son visage entre ses mains soignées et féminines.

Une habitude qu’avait Gwen aussi. Mais aujourd’hui, pas de piercing sur la langue pour jouer avec.

Arrête de penser à elle, maugrée-t-il pour lui-même. Passe à autre chose. Elle ne reviendra pas. C’est trop tard maintenant.

— Que t’est-il arrivé au visage ? demande-t-elle alors qu’il reprend son souffle entre deux baisers.

Merde, pas une autre fouine, j’espère.

— Rien.

— C’est impressionnant. Tu t’es fait agresser ?

— Non, répond-il brutalement.

Il arrête de caresser sa voluptueuse poitrine, dégrisé par ce qu’il craint être un nouvel interrogatoire.

— Je vois, excuse-moi d’avoir été indiscrète.

— Pas de problème… c’est juste que je n’aime pas en parler.

Erwann se radoucit, conscient d’être un peu de trop sec avec la jeune femme qu’il trouve charmante au demeurant. Elle l’embrasse encore, pour effacer son indélicatesse. De nouveau dans le bain, il reprend ses caresses, s’aventurant vers son ventre mou et chaud, essayant de glisser une main sous le top trop serré. Impossible de passer dessous, le tissu semble greffer sur sa peau. Tant pis, il remonte et malaxe doucement sa poitrine, à la recherche de la pointe de son téton. Nouvel échec. Il ne parvient pas à la détecter sous le tissu rigide.

Comment on vire cette saleté de corset ?

Allongé sur elle, il lui embrasse le cou, prolonge ses baisers sur le haut de son décolleté avantageux, la main toujours active sur son sein gauche. Voyant qu’il n’arrivera pas à la déshabiller aussi facilement, il continue ses investigations plus bas. Alors qu’il s’apprête à lui déboutonner son jean, Amanda attrape sa main baladeuse.

— Erwann… je préfère pas.

— Ok, c’est toi qui décides, réplique-t-il sans réfléchir.

— Tu m’en veux ?

— Bien sûr que non. Il n’y a pas d’obligation.

— Je te trouve charmant, tu sais.

— Merci.

— J’ai passé une très bonne soirée avec toi.

Moi aussi. Tiens, c’est vrai… moi aussi.

— J’ai bien aimé aussi. Tu es… sympa.

— Et toi, pas très loquace, sourit-elle. Tu crois qu’on pourrait se revoir ?

Non… enfin…si… peut-être…

— Pourquoi pas, oui… Je suis assez pris par mon boulot et ma fille.

Et mes autres aventures…

— Mais on pourra se refaire ça, ajoute-t-il, sincère, dans une volonté d'agir différemment.

— C’est cool, dit-elle en souriant.

Lorsqu’il arrive chez lui, une heure plus tard, après une soirée plus chaste qu’il ne l’aurait imaginé, une voiture l’attend dans le noir. Il la reconnaît sans mal malgré ses feux éteints. La lumière que projettent ses phares braqués sur le véhicule garé à proximité de sa maison est formelle : il a de la visite.

Putain… c’est une blague.

Anaïs ne possède pas son adresse pourtant, il est sûr de ne la lui avoir jamais donnée. Elle a dû se renseigner. Ou le suivre peut-être, elle est capable de tout cette cinglée. Encore qu’il aurait remarqué si quelqu’un l’avait pisté. La jeune femme sort de sa voiture et se dirige vers son SUV.

Après réflexion, il se dit que ce n’est peut-être pas plus mal… Amanda l’a laissé sur la béquille et voilà que débarque la folle furieuse qui vient en redemander, de plus en plus insatiable. Pourquoi pas, après tout. Il n’aime pas l’idée qu’une femme vienne chez lui mais cette semaine, Manon-Tiphaine dort chez sa mère. Il est seul, frustré et une femme chaude comme la braise lui est servie sur un plateau d’argent, livrée à domicile. C’est peut-être son jour de chance finalement. Il aurait tort de se priver.

— Qu’est-ce qui t’amène ? interroge Erwann sur la défensive bien qu’émoustillé par la tenue très avenante qu’elle porte.

Sa robe moulante blanche est si près du corps qu’il détaille chacun de ses attributs féminins comme si elle n’avait rien sur elle. Ses seins pointent fièrement. Ils ont la fermeté des nullipares dont le corps, épargné par les grossesses, ne bouge quasiment pas. La vue de ses mamelons tendus par le froid excite son imagination. Bien qu’un vent d’ouest cinglant les chahute, il a chaud à présent. La bonne nouvelle, c’est que ses capotes grandes tailles sont dans sa table de nuit. Sûrement un heureux présage pour la sauterie qui l’attend.

— Ma sœur a débarqué chez moi, j’ai essayé de te joindre pour te prévenir mais je n’y arrivais pas, se plaint-elle.

— J’ai changé de téléphone et d’opérateur. Comment as-tu su où j’habitais ?

— J’ai demandé au patron du bar qui te connaissait. Celui où on s’est rencontré. Il m’a dit que tu possédais l’une des plus belles villas de Camaret. C’était pas trop dur de te débusquer, voyou, minaude-t-elle en se pendant à son cou.

— Ouais, mais ne le refais pas, ma fille vit avec moi la plupart du temps.

Si seulement c’était vrai…

Quand il repense à ce qu’Alice a dit à Manon-Tiphaine au sujet de sa vie sexuelle et amoureuse, il a envie de débarquer chez elle et son nouveau mari pour lui balancer ses quatre vérités à la tronche à cette mère indigne. Mais son visage étant ce qu’il est actuellement, ce n’est pas trop le moment d’aller s’embrouiller avec Loïc.

— Tu vas pas me laisser dehors Chou, quand même, chouine-t-elle en collant son corps brûlant contre Erwann, racoleuse.

— Nan. Suis-moi, soupire-t-il en éteignant l’alarme de sa propriété et en ouvrant son portail. Monte dans la voiture.

Son personnel de maison est parti à cette heure. Personne ne remarquera sa venue s’il la vire de chez lui après lui avoir donné ce qu’elle est venue chercher. Il roule sur le chemin dallé et se gare devant chez lui. La maison est éclairée grâce au détecteur de mouvement. Le portail coulissant se referme automatiquement.

— Chouette baraque, s’extasie Anaïs en détaillant ce qui l’entoure.

— Ouais, confirme Erwann sans enthousiasme.

Une chouette baraque bien vide. Vide d’amour, vide de sens, comme sa vie désormais. Mauvais père, piètre ami, amant merdique, photographe aux mœurs plus que douteuses. Il est refait !

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