Extrait / Descendance Beethoven et Oudouaïr et De Pericorde

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...Stender vagabondait dans les couloirs, ne faisant même pas attention aux gens qui l'applaudissaient sur son passage. Il tourna dans un angle pour se retrouver dans un couloir désert. Malheureusement pour lui désert pour peu de temps, car il y croisa une jeune fille qui ressemblait en tout point à celle qu'on lui avait promise. Mais elle n'était pas habillée en tenue de mariage. Elle était habillée comme celle qu'il venait de gifler quelques instants plus tôt. Elle venait vers lui. Avait-elle quelque chose à lui dire ? Il demanda quand même :

" Es-tu Alissa ?

- Non mon nom est Eldra. Dit-elle froidement.

- Tiens dont. Mon autre future belle-sœur.

- Elle-même. J'ai vu ce que tu as fait à Shamima. Répondit-elle sans faire apparaître quoi que ce soit dans sa voix.

- As-tu quelque chose à me dire Eldra ? Lança le fils Oudouaïr après un instant de silence immobile.

- Alissa ne veut pas t'épouser.

Stender en rigola : Et ? Ton père me l'a déjà dit et ne semble pas s'en faire pour ça.

- Je sais bien que cette nouvelle n'affecte pas ton cœur de pierre. Mais sache qu'elle ne t'aimera jamais. Tu ne l'auras jamais auprès de tes désirs perfides. Et cette situation se retournera contre toi. Je suis, celle qui t'en fait la promesse."

Stender la regarda partir en haussant les épaules et en ricanant. Dans les couloirs, les foules continuaient à crier leur joie du mariage de Stender et Alissa." Ils auront beaucoup d'enfants ! Ils resteront toute leur vie ensemble ! Le mariage, c'est devenu si rare, s’en est si beau." Puis une fois dans un couloir sombre l'ombre d'Eldra entra quelque part et disparut.

Shamima était dans la salle de réunion, avec son père, sa mère, et Stender. Quelqu'un écoutait à la porte. Le père vociférait de colère.

"Je t'assure que si Shamima ! Alissa épousera Stender. Et elle apprendra à l'aimer. Il est pourtant clair que cette question est réglée. Où est-elle maintenant ?

- Mais père. C'est un homme violent ! Il m'a frappé sans raison. Les traces de sa force sont encore visibles.

- Mais je m'en contrefous de cette claque Shamima. Tu vas me dire où est ta sœur !"

La porte s'ouvrit soudain. Le bas d'une robe de mariée faisant ses prémices dans la salle. Une jeune fille enjouée et prête à mariée apparut face à tous.

" Ça y est ! Je suis prête. Nous allons pouvoir unir nos maisons. Où est-il ? Où est l'homme de ma vie ? Celui dont le destin m'a confié le bonheur. Ho, c'est toi ! Stender ! Elle s'approcha de lui pour lui prendre les mains. Je t'aurais reconnu entre mille. Elle lui fit un baiser sur la joue.

- Eh bien voilà ! Clama le père. Comme il était prévu. Descendons tout de suite procéder à l'union officielle.

- Très bien père ! Pourrais-je d'abord m'entretenir avec ma sœur ?

- Permission accordée. Le fait que vous ayez enfin entendu raison me comble de joie et d'un tel sentiment de bonté. Alissa. Ma petite perle brillera plus que jamais ce soir. Dit-il avec un rire imbibé d'une odeur de Scotch."

Monsieur Beethoven entraîna Stender et sa femme dehors. Il ne resta que Shamima et la jeune fille en robe de mariée dans la pièce.

- "Tu les as peut-être tous dupés. Mais tu ne m'as pas dupé moi. Une fleur ne peut mentir à une autre, Eldra.

- Je me doutais bien que tu me reconnaîtrais. C'est d'ailleurs pour ça, que j'ai fait la demande de rester seul avec toi.

- Pourquoi Eldra ? Pourquoi tout cela ? Quelles idées tordues te poussent à revêtir cette robe, sur ce qui n'est que le masque d'Alissa.

- Car j'ai compris.

-Compris ? Répéta Shamima étonnée.

- Oui, j'ai compris, et je te demande de me faire confiance.

- Non Eldra! Je refuse de te laisser quitter cette pièce avec ma confiance, tant que tu ne m'auras pas tout expliqué

- Le pourquoi de cette union Shamima! Juste le pourquoi. J’ignore si j'avance sur le fil de la mégalomanie ou de la sagesse. Mais je sais que cette union apportera le pouvoir à nos maisons. Et je saurais quoi faire de ce pouvoir. Je saurais maintenir la paix sur des générations a venir. Je saurais le faire ma sœur.

- Je ne peux te suivre Eldra. Ainsi énoncé, tu m'inquiètes bien plus que tu ne me rassures.

- Je prendrai la place d'Alissa. J'épouserais Oudouaïr et je partirai vers le sud demain matin avec le livre. Je saurai dompter la hyène en Stender, cet homme est stupide. Et ainsi, Alissa pourra vivre son amour.

- Non Eldra! Je ne peux ni ne veux te laisser faire cela. Si je refuse qu'Alissa épouse Stender, je ne peux pas permettre que ce soit toi qui le fasses.

- La promesse doit être tenue Shamima. Fais-moi confiance je le fais avec gaïeté, et consciencieusement.

Après un de ces rares sourires brillants et rassurants d'Eldra, Shamima fondit en larmes pour demander: Et que feras-tu s'il te frappe ?

- Ne t'inquiète pas ma sœur. Tu connais ma brillance d'esprit. Je saurai le manipuler. J'aurai le pouvoir, il ne me frappera pas. Je ne peux même pas imaginer le plaisir que j'aurai à troubler l'esprit de cet homme en chaque instant. A partir de maintenant, appelle moi Alissa.

Shamima regarda alors la nouvelle Alissa sans savoir quoi répondre.

Vahar, une jambe sur le balcon, l'autre dans le vide, aidait Alissa à passer par-delà l'obstacle. La jeune mariée se précipita pour réunir ses affaires dans une valise. Soudain la poignée de la porte se secoua. Alissa fit signe à Vahar de se cacher et alla déverrouiller la porte. Shamima entra en trombe dans la pièce en prenant Alissa par les épaules. Un regard affolé, elle bégaya avant de parler clairement.

"Aliss... Alissa.

- Qui a-t-il ma sœur ? Pourquoi sembles-tu tellement affolée ?

- Ho, dieu merci, tu n'es finalement pas partie.

- Alors, tu m'as vu partir ?

- Oui, et peut-être n'aurais-tu pas dû revenir ma sœur.

- Que se passe-t-il ? Dis-le-moi. Mais dis-le-moi vite. Tu m'as vu partir et revenir, mais cette fois, je pars sans retour ma douce. Vahar ! Vahar ! Alla-t-elle chuchoter près de la fenêtre."

L'adolescent se glissa dans la lumière et fit la révérence à Shamima. Celle-ci lui rendit sa révérence et alla saisir la main de sa sœur, pour lui dire:

" Eldra a décidé de te remplacer lors du mariage. Demain matin, elle partira avec Stender. La bible de la Machine dans ses affaires."

Alissa resta un instant béate. Elle observa Shamima et Vahar.

- Ma sœur, va la retrouver et dis lui de reprendre sa place immédiatement. Je vais descendre me marier avec Stender."

Shamima courut vers le couloir. Alissa resta un instant avec Vahar, la main dans la main, les yeux dans les yeux. Le regard de Vahar la suppliait de rester. Celui d'Alissa suppliait pour le pardon. Elle lâcha sa main et se dirigea vers la porte.

Mais la porte s'ouvrit de nouveau à la volée. Vahar se cacha immédiatement. L'homme qui venait d'entrer était Stender Oudouaïr lui-même.

: Eh bien ! Vous en avez mis du temps pour bavasser avec votre sœur. Était-ce vraiment nécessaire de changer d'apparat pour si peu de temps? Nous sommes tous prêt, et nous vous attendons.

- Serait-il possible d'annuler nos fiançailles maintenant, je vous fais cette demande face à face, en espérant de tout mon cœur que vous direz oui."

Stender la regarda un instant puis rigola : Non. Dire non, ne vous sera jamais possible ma chère. Vous avez été absente pendant toutes les festivités. Vous avez été heureuse, puis vous revenez sur vos dires. Arrêtez vos bêtises et rejoignez nous maintenant. Il aurait pu partir ainsi, mais il choisit de s'acharner. Sachez, Alissa, que tout ce qu'on raconte sur l'amour n'est que futilités, de faux rêves que la société se plaît à divulguer, les mots surfaits de poètes dont les vices ont du mal à se combler, des idées vagabondes et perdues d'êtres incomplets. Les gens aiment se torturer à s'en abuser. Mais ma chère, voici la vérité que j'ai apprise des hommes. Il la saisit violemment par le poignet pour continuer : Nous aimons nous mentir. Nous sommes des bêtes, des démons qui se croient beaux. Il n'y a pas d'amour. Ce sentiment qu'on se persuade de ressentir. Il est faible Alissa, faible et éphémère comme une rose, une rose dont on arracherait les pétales pour les broyer entre nos doigts sans s'en rendre compte.

- Les humains ont leurs défauts, mais une de leur grande qualité est justement de pouvoir aimer. Et vous savez quelle est l'autre qualité qui vêtit aussi bien l'homme que l'amour ?

- Je vous en prie, apprenez-moi. Dit Stender en attrapant le menton de la douce Alissa

- Il s'agit de la haine. Celle qui me permet de vous haïr comme je vous hais en cet instant.

- Stender en rigola et la regarda en face, le démon dans les yeux. Eh bien, vois ! Vois comme l'amour et la haine humaine sont faibles, brisés par la férocité et la gourmandise animale de l'homme. Regarde comme de grands intérêts les piétinent avec facilité et amusement, comme ils dansent joyeusement sur leurs corps dépouillés, en scandant les chants des heures de gloire. Vois ! Sur ces mots il lui tira le poignet, lui attrapa l'épaule et l'emmena. La tirant de force dans une marche il lança : Le pouvoir total sera mien, quoi qu'il en coûte ! "

Alissa regarda en arrière pour voir Vahar s'approcher, une épée effilée dans sa main. Mais elle l'arrêta d'un geste de la main, et d'un regard suppliant. Lorsque Stender tourna la tête pour voir ce qui se passait, Vahar avait déjà disparu.

Le mariage avait lieu, dans la grande tente d'Elidre, là où les premiers hommes s'étaient installés au nord, devenue principal lieu historique et spirituel de la ville. Alissa était debout, à gauche de Stender, devant un hôtel où se tenaient monsieur Beethoven et monsieur Oudouaïr, le portrait craché de son fils, mais avec des cheveux grisonnants et rares. C'était d'ailleurs lui qui parlait.

- Monsieur Oudouaïr Stender, consentez-vous à prendre Mademoiselle Beethoven Alissa pour épouse ?

- Oui, je le veux, dit Stender sans émotion, empressé que les formalités se terminent.

- Mademoiselle Beethoven Alissa, voulez-vous prendre monsieur Oudouaïr Stender à vos côtés pour le restant de vos jours.

Alissa aurait voulu répondre non un instant. Ici et maintenant. Devant tous les appareils à lentilles, voletant dans tous les sens. Mais Stender lui broya la main sans hésiter une seconde. Alissa se mit à verser des larmes mais répondit : Oui"

-Ainsi, reprit le père. Devant le monde entier, je déclare unis par les liens sacrés du mariage. Stender Oudouaïr et Alissa Beethoven, mari et femme."

Un nombre de cliquetis indéfinissable se fit entendre dans la vaste pièce. Stender se retourna face à la foule de gens présents, entraînant Alissa avec lui. Lorsqu'ils furent tous les deux, droits face aux caméras. Alissa se reprit et sécha la fine rivière qui courait le long de sa joue. Monsieur Beethoven souleva une couronne au-dessus de la tête de sa fille. Monsieur Oudouaïr en fit de même pour son fils. La couronne au bandeaux d'or collait parfaitement au tour de tête de chacun. Trois bandelettes creusées dans des sillons, séparées l'une de l'autre, liées par de petits nuages faits d'or eux aussi. L'une représentait une rangée de fleurs, parmi lesquelles une seule fleur avait une épine. L'autre représentait une rangée de câbles dont une seule fleur dépassée. La dernière, une ligne de dragons prosternés devant les hommes. Au centre des bandeaux, un rubis sur lequel avait été gravée une lettre d'or. Non plus les traditionnels SOM et MBM habituels, mais un simple et large M, tel le motif d'une maison d'un or accueillant, sur un rouge chaleureux. De simples pièces de toile sur des bois ovales et hauts dépassaient des côtés droits et gauches des couronnes. Le haut du couvre-chef était d'argent. Des pointes, comme celles d'oursins. Brillantes et incrustées de toutes petites pierres précieuses. Les pères posèrent les couronnes en même temps en prononçant :

"- Et maintenant, nous vous proclamons solenellement, Les grands archevêques de l'Aldalam."

Vahar était resté longtemps sur le balcon après qu'Alissa soit partie. Dans ses pensées. Sans savoir que faire, sans savoir où aller. Il entendit soudain que l'on appelait son nom dehors. Il se cacha par réflexe.

" Vahar, c'est moi Damor. Viens vite si tu es là. Vahar !

Vahar sortit de sa cachette pour descendre s'approcher du bosquet d'où venait la voix. Il porta la main à son pommeau en avançant doucement:

-Je suis là Damor. Es-tu seul ?

- Oui. Bien sûr que je suis seul, bougre d'âne. Viens, j'ai une nouvelle de la plus haute importance à propos de mademoiselle Beethoven."

Vahar courut écarter les buissons pour entendre ce que Damor savait.

"Et bien ! Tu as accouru bien vite à son nom.

- Parle, qui a-t-il ?

- J'ai entendu parler le nouveau bras droit de Stender. Je pensais que cette information devait te parvenir. Toi qui es venu de si loin pour cette fille. En tant qu'ami, je te la dois.

- Cesse de tourner... Damor agrippa Vahar par le col et le coupa net.

-Écoute moi bien. Tu dois aller sauver cette fille maintenant. Stender n'est là que pour le livre.

-le livre ?

- Toutes ces histoires de couronnement contées par son père lui sont montées à la tête. Il ne veut que le livre et le pouvoir. Alors maintenant pars, soit le héros avant qu'il ne soit trop tard. Je dois partir tout de suite, ou l'on remarquera mon absence au camp. Il relâcha Vahar qui partit aussitôt remonter dans les appartements d'Alissa. Damor le regarda partir en criant :

J'ai foi en toi, mon ami. Je te crois, ton amour est vrai. Je sens le vent des ailes de cupidon qui te pousse. Il frôle mes joues d'ici. Va et sauve la Vahar. Puis lorsque le jeune guerrier eut disparu Damor dit à voix haute : Que dieu permette à l'esprit de Deïdam le grand épéiste de te prêter sa force mon ami." Puis il partit en regardant une dernière fois derrière lui.

Alissa avançait gracieusement parmi la foule. Sa robe agrippait les yeux de tous les créateurs de l'Aldalam. Son corps inspirait tous les peintres et son visage captivait tous les convives. Des fils attachés à sa ceinture de toile, soutenaient une pièce de soie qui cachait son buste et ses épaulettes, rejoignant son dos en une bande de tissu blanche qui se collait à sa peau. Les yeux des hommes ne manquèrent pas de s'attarder sur chaque centimètre de peau dévoilé. Sa main était posée dans celle de Stender. Néanmoins, le fils Oudouaïr pinçait la peau délicate d'Alissa de son pouce rugueux.

Eldra et Shamima observaient la scène sans pouvoir faire quoi que ce soit. Quand soudain une porte coulissante se brisa à l'arrière. Vahar faisait intrusion.

"Alissa, cria-t-il!"

Mais malheureusement pour lui, ce fut Stender qui vint furieusement vers lui. Alissa tenta de bouger mais son père la retint sèchement par l'épaule.

- Toi ! Vahar ! Sale déserteur ! C'était donc là que tu dissimulais ta minable petite carcasse. Ingrat que tu es.

Vahar dégaina son épée et la pointa vers Stender. Toi, tu es lâche et fourbe. J'ai eu vent de tes plans.

Stender dégaina à son tour et commença à tourner avec Vahar : Voyez-vous ça ! Le traître parmi les traîtres. En garde ! Et il lança son premier coup en piquant vers le ventre de Vahar. Après moult virevoltes, parades et risques partagés, Vahar sortit vainqueur, Stender assommé sur le sol. Monsieur Beethoven et monsieur Oudouaïr ne l'entendirent pas de cette oreille et allèrent dégainer à leur tour face à Vahar.

" Arrêtez ! Cessez cette violence ! Ne savez-vous donc pas dire non, même à l'appel du sang ? Arrêtez ! Criait Alissa."

Les deux patriarches ne firent pas long feu avant d'être blessés au bras et de lâcher leur épée. Énervé, monsieur Oudouaïr cria : Attrapez-le ! Tuez-le ! "

Vahar cria à Alissa : Rejoins moi tout de suite, tu sais où. Je t'attendrais le temps qu'il faut. "

Eldra saisit soudain le bras de ses sœurs et les emporta dans une pièce isolée.

"Vous avez vu comme moi. Pars avec lui Alissa.

Shamima s'avança, hésita puis dit : Elle a raison, tu dois partir ma sœur.

- Et toi Eldra ? Demanda Alissa.

- Je vous en prie faites moi confiance. "

Les trois sœurs se serrèrent dans leur bras en signe d'au revoir. Un dernier moment dans leur bulle, dans leur endroit, l'enclos de leurs sentiments qui n'appartenait qu'à elles.

- Bien maintenant échangeons nos vêtements. Shamima t'aidera à partir.

Et ainsi Alissa rejoignit Vahar sur son balcon et tout deux s'enfuirent au loin. Elle répondit sans mentir lorsque son aimé lui demanda si elle était sûre de son choix. Et avec les yeux humides, elle partit en pensant à ses sœurs. Serrant la main de Vahar dans la sienne.

Eldra sortit de la pièce habillée telle Alissa et joua son rôle à la perfection. Elle alla vers Stender et lui reprit la main pour s'éloigner. Le lendemain, elle était sur la route vers le sud.

Stender parlait à ses deux gardes du corps à voix basse tandis que la nouvelle Alissa marchait au-devant des troupes. Ils étaient dans une des forêts tropicales des grandes péninsules. Tous les hommes marchaient fièrement derrière la jeune fille. Tous sous son charme, prêts à empaler de leur lance quiconque lui voudrait du mal.

" Je n'aime pas cette femme. Depuis notre départ, elle me manipule et obtient tout ce qu'elle désire. J'ai même fini tout habillé, le soir de mon mariage ! Vous vous rendez compte de la position dans laquelle je suis ? Regardez-moi à marcher à l'arrière, et elle à l'avant. Amonko ! De toute cette sorcellerie dgeïko que tu as appris. N'y à t-il rien pour rendre cette fille servile à ma volonté. Fais-la donc oublier un peu son intelligence permanente. Cela la rend trop arrogante à mon goût.

- Je sais ce qu'il vous faut. Je pourrais m'y employer immédiatement. Mais est-ce vraiment nécessaire si notre plan est de la tuer.

- Oui Amonko, nous la tuerons. Car cette femme machiavélique le mérite bien. Elle qui m’efface de mes propres troupes.

- Alors qu'il en soit ainsi."

L'homme en capuche blanche s'approcha alors plus près d'Alissa. Il marmonna et siffla avec sa langue. Avant de souffler sur des parchemins en direction de la jeune fille. En une seconde, la tête d'Eldra se vida. Elle ne savait plus où elle était ni ce qu'elle devait faire. Ni si elle devait faire quelque chose d'ailleurs. Elle se rappela à peine de son nom.

Pendant quelques jours, Shamima joua sur trois tableaux différents face au personnel et à ses parents. Prenant parfois l'attitude d'Alissa, parfois celle d'Eldra. Parfois la sienne, confondant sa propre personne avec un rôle fictif par moment. Elle se trahit un jour. Mais qui aurait eu les nerfs assez solides pour ne pas le faire ? Dans un premier temps, les parents Beethoven et Oudouaïr ne surent quoi faire. Alors qu'elle se promenait en haut de la tour de bois, la jeune fille aperçut au loin, tout ce peuple étrange venir vers eux. Ce n'était ni des humains, ni des dgeïkos, c'était autre chose. Une nouvelle espèce jamais répertoriée. Ils avaient une morphologie humaine. Mais leur peau était si pâle, presque bleutée. Leurs habits, et leurs équipements esthétiquement comme techniquement différents de ceux des hommes. Shamima fut l'une des premières témoins des premiers contacts entre les humains, et un peuple qui se donnait le nom d'Amoes.

" Tu vois Amonko, n'est-ce pas plus facile ainsi ? Avance encore femme. "

Stender et ses gardes du corps conduisaient Eldra dans une clairière déserte. La jeune fille suivait les ordres sans parler, sans aucune résistance.

Des marches naturelles menaient à un cercle de fleurs blanches. Encerclées par des tiges aux duvets longs, telles des fleurs de cannes. Lorsqu' Eldra en eut atteint le centre, Stender cria :" Retournes-toi maintenant."

Eldra obéit d'un seul mouvement, lent et sans volonté.

-Maintenant jette-moi le livre que ton aïeul à écrit au temps de la dérive. Remets-moi, la Bible de la Machine.

Dans ces mêmes gestes sans énergie, la jeune fille prit le livre de son sac et le jeta à celui qui le demandait.

- Merci à toi Alissa. Décidément, tu es si belle, mais trop dangereuse. Quel dommage !"

Stender attrapa une dague sur la ceinture de son garde du corps et vint la planter dans le ventre de la jeune fille. Soudain, sous la sensation de la lame froide dans son corps, et du sang chaud qui s'en échappait, Eldra reprit ses esprits. Elle recula, regarda la lame dans son ventre. Puis elle leva la tête vers son assassin, observa le livre dans la main malsaine et sanglante puis annonça:

" Toi, Stender Oudouaïr. Toi qui es la vanité et la bêtise de l'homme incarnées. Sache que ce n'est pas Alissa que tu viens de tuer. Alissa est loin ! Elle est loin de toi et de ta cruauté. Je te l'avais dit que tu ne l'aurais jamais. Eldra tomba à genoux.

- Alors, tu es donc, Eldra ? Celle qui m'avait tenu cet étrange discours dans les couloirs.

- Oui. C'est moi, Eldra. Et aujourd'hui je meurs. Je meurs à cause de la soif de pouvoir d'un homme. Ah ! Mais ne voyez donc vous pas ? Que c'est cette soif et cette avidité, qui ont toujours détruit les hommes, sont le berceau des maux qui les rongent. Maudit sois tu ! Toi et tous ceux de ton espèce. Des diables à qui l'on a offert la pensée. Mécréants qui ont osé voler la chance. Impertinents effrontés aux désirs plus noirs et plus sales que la gueule abyssale du Léviathan. Quel nom de gueux pourrait décrire dans quelle boue trempe ton nom ? Le sang que tu as sur les mains est plus rouge et plus épais que l'huile. C'est la crasse morale imprégnée sur la peau des tyrans. Jamais tu ne pourras les laver. Tu es perdu Stender ! La jeune fille plia sous la douleur. Dans un souffle elle reprit : Ton âme même habite déjà l'enfer. Par ta faute, c'est mon tour de rejoindre le royaume des morts, elle prit une respiration douloureuse, mais sache que je le rejoins avec joie fils du mal. Je quitte cet enfer rempli de déchets en ton genre. Je pars du monde des goules pour rejoindre la lumière. Voilà donc le véritable visage de la mort, sa vraie justice pour ceux qui la goûtent. Être pour toujours, loin de l'inhumanité des hommes et de la cruauté de sa nature. Je te crache dessus, homme au cœur plus sec et plus fin que les feuilles mortes. " Expulser la haine de son âme, étrangement, avait réveillé le corps d'Eldra. Elle le sentait de nouveau sous son contrôle. La jeune fille avait eu l'intelligence d'emporter une lame avec elle avant de partir. L'objet au pommeau de marbres et d'or et à la lame courte et affûtée, serait l'instrument de la mort du fils de la maison Oudouaïr.

Stender était fier de lui. Les deux livres entre ses mains, il rigolait et rigolait sans s'arrêter tandis qu'Eldra tombait lentement au sol en s'accrochant aux vêtements de l'homme. Il ne vit pas la pointe entrer lentement et profondément dans son foie. Mais il sentit la douleur soulevée par son dernier élan de rire. Une lame froide provoquait une douleur aiguë et lancinante dans son ventre. Il se sentit soudain vidé et s'écria avant la fin : Ha ! Maudite maison Beethoven ! Perfides maisons au sang de traître qui se sont affublés de nom. Voilà là où mènent leur stupidité et leur soif de pouvoir. Voilà où cela mène de vouloir glorifier un nom. Ce sont toutes ces gloires romanesques qui nous ont poussés à être les vampires que nous sommes. Ces noms ont fait enraciner cette gourmandise insatiable dans les cœurs de nos familles, pour me donner soif de pouvoir à mon tour. Il tomba sur un genou. Ah ! Cria-t-il en arrachant la dague de son ventre. Que je meurs ! Cria-t-il, en pliant l'autre genou. Dressant fièrement son torse, sa plaie, ouverte aux yeux du ciel. Que ma lignée s'arrête avec moi. Qu'Eldra meurt ! Que nos familles meurent toutes les deux. Il plia l'échine, mais releva la tête, la douleur peignant un rictus sur son visage amer. Que les rois meurent tous. Dit-il solennellement les yeux et les poings fermés. Avec toute la force et la sagesse que contenait encore son corps à cet instant. Il adressa ensuite une dernière seconde d'attention au ciel, puis baissa les yeux sur le corps étendu de celle qu'il pensait être Alissa, sans vie.

Les hommes de Stender restaient seuls face aux morts. Amonko récupéra les livres et retourna sur ses pas. Ils voulurent repartir sans plus de détails, mais furent interrompus par une troupe d'hommes sortis de nulle part. Lorsqu'ils les menacèrent d'armes et de magies, un grand lion sortit d'entre les bois. Habillé d'un pagne, il se tenait debout et marcha sur deux pattes, entre les hommes, pour aller face au sorcier. D'une patte, il décapita l'homme et récupéra les livres. Un court combat s'ensuivit entre le garde du corps et les individus inconnus. Dépassés en nombre, Amonko et son ami furent tués et enterrés ici même. Les hommes suivirent le lion qui repartait, les livres et les couronnes entre ses mains.

Vahar et Alissa chevauchaient en compagnie de soldats en étrange armure. L'écusson doré d'un aigle, le bec enfoncé dans la gorge d'un dragon, sur le dos du meneur. L'homme à côté d'eux leur parlait.

- Nous avons tout vu des manigances de ces hommes perfides. Un couronnement. Comme si on ne savait pas où ils voulaient en venir. Nous réunissons des hommes pour former un groupe. Nous refusons que tant de pouvoirs soient dans les mains d'une seule et même maison. Nous sommes les descendants des hommes de la Veille. Et nous formons le parti du grand ordre. "

Alissa regarda derrière elle et se blottit dans les bras de Vahar.

- Je me souviens de toi Vahar, je me souviens du moment où tu as obtenu cette cicatrice. Je te remercie de m'avoir sauvé encore une fois.

- Ne regarde pas derrière, nous sommes partis maintenant.

- Alors, notre amour vivra ?

-Il vivra.

Les nouvelles, des morts de Stender et de sa fiancée avaient fait le tour du monde. Les parents de Shamima avaient changé après cela. Toutes les chaînes d'information ne parlaient que de ça. De cela et de cet étrange peuple qui avait fait son apparition il y a peu. Toutes sortes d'opinions et de théories apparaissaient au sujet des amoes. Les réseaux d'images étaient recouverts de leurs photos et de leur culture. On faisait aussi mention de milices indépendantes, pillant et attaquant à tous les coins des groupements. On surnomma ces gens; les pirates. Le père de Shamima, était devenu encore plus mauvais après tous ces événements. Mais sa haine, il la déversa sur le père de Stender, qu'il accusa d'être responsable de la mort de sa fille et de la disparition d'une autre. Et, un jour qu'il arrachait la bannière M du mur de la tour, il déclara la guerre au grand archevêque du sud; Monsieur Oudouaïr. Ce qui fut nommé dans l'histoire Aldamte; " le conflit archevêquial". Bienveillances d'étoiles, ce fut dans ce contexte de guerre que Shamima trouva l'amour à son tour, et enfanta elle aussi, trois filles. Trois triplées aux cheveux blancs qui furent élevées avec amour et attention.

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