Chapitre X

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Jacky commença la rédaction de son post dès les premières lueurs de l’aube. Il griffonna frénétiquement toute la matinée puis relut sa prose deux ou trois. Ce premier jet lui semblait plutôt bon mais il savait qu'en s'en détachant quelques jours, des modifications lui viendraient à l'esprit, d'autres idées germeraient... Après le déjeuner, il prit rendez-vous au centre de vaccination et partit pour la poste, chargé de ses courriers de résiliation. Sur le chemin du retour, Jacky s'arrêta chez Sport Equip’, à Cormontreuil et se procura tout un tas de fournitures selon une liste dressée par Yves.

En s'endormant ce soir-là, Jacky décida d'improviser une excursion de deux ou trois jours en solitaire dans la forêt. Il voulait se plonger en immersion avec Dame Nature, comme un week-end en amoureux avant de l'épouser pour la vie. Qui plus est, une petite cure de remise en forme à randonner au grand air avant le grand départ lui ferait le plus grand bien. Dans la matinée du lendemain, il préparait son sac lorsqu'il reçut la visite de Françoise. Comme à son habitude, il s'inclina plus bas que terre pour faire le pitre :

— Ohhh !!! Bonjour votre altesse, mes salutations les plus pouilleuses...

— Arrête tes conneries, le coupa Françoise sur un ton sec que Jacky ne lui connaissait pas. Je suis venue te parler sérieusement.

— Merde alors, tu me fais peur ! Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta Jacky.

— Rien de grave, j'ai juste quelque chose à te proposer...

Françoise afficha une certaine gêne et une moue des lèvres avant de reprendre :

— Hummm... enfin, quelque-chose à te demander, plus exactement...

— Je t'écoute, s'enquit Jacky curieux.

— Bon, voilà. Je me permets de t'en parler car je sais que ce sont des sujets qui te touchent mais que tu n'y aurais pas pensé tout seul... Je suis presque sûre que tu seras d'acc....

— Arrête de tourner autour du pot, bordel... Accouche !

— Ok... Que penserais-tu de transformer ta maison en refuge pour migrants pendant ton absence ?

Jacky bafouilla de surprise. Françoise reprit :

— Bien-entendu, elle reste ta propriété, au cas où tu reviennes. De toute façon, tu manques de temps pour la vendre. Et puis ça permettrait qu'elle reste habitée, entretenue... Je veillerai au grain, ne t'inquiète pas ! Le potager leur fournirait de quoi se nourrir tout en les occupant, ils pourraient fabriquer des trucs dans ton atelier pour les vendre... J'ai plein d'idées, je suis sûre que ça peut le faire ! On manque cruellem...

Jacky observait son amie argumenter en souriant. Il l'interrompit :

— Arrête, on croirait une avocate plaidant à la cour... C'est d'accord.

— Ohhhh, t'es un amour ! s'exclama Françoise en lui sautant au cou.

— Mais à une condition !

— Tout ce que tu voudras, reprit-elle pleine d'enthousiasme.

— Je veux que ce soit un lieu de vie qui accueille tous ceux qui le souhaitent. Que ça ne soit pas réservé aux migrants. Qu'un clochard y soit aussi le bienvenu, par exemple, sous certaines conditions qu'il nous faudra définir et qui seront les mêmes pour tous. Et qu'un chômeur, un branleur au RSA ou un prof de Français bobo qui souhaite s'investir puisse être acteur au sein de cette communauté, même sans faire partie de votre collectif. Tout cela sous ta responsabilité, bien entendu...

— Euh... Oui eh bien, ça me semble possible... Il faudrait qu'on organise une réunion avec le collectif pour mettre tout ça au point mais je cerne ta vision des choses dans les grandes lignes. Tu crois que tu pourrais nous accorder une soirée dans ton planning avant le départ ?

Jacky réfléchit un instant avant de répondre.

— Hummm... Je pars en forêt quelques jours, je pense revenir samedi au plus tard. Pas samedi soir, ça va être un peu brutal comme retour à la civilisation. Dimanche ou lundi, je te laisse gérer ça et je te rappelle à mon retour pour savoir, ok ?

— D'accord, mais ça risque d'être plutôt lundi dans ce cas. Tu sais, le dimanche, les gens ont du mal à bouger, on risque de ne pas rassembler beaucoup de monde...

— À ta guise, va pour lundi ! On se confirme ça quand je reviens. Inutile de m'appeler d'ici là, je ne prends pas mon portable, je déconnecte !

— Ah bon ? Ce n'est pas très prudent... Éteins-le mais prends-le, au moins ! Si jamais il t'arrivait quelque chose ?

— S'il m'arrivait quelque chose, je ferais comme on faisait il y a encore une vingtaine d'années, je me démerderais sans portable ! s'emporta Jacky. Et puis là-bas en pleine forêt amazonienne, je n'aurai pas de couverture alors autant s'habituer...

Jacky fit mine de poursuivre avant de s'interrompre mais cela n'échappa pas à Françoise. Elle insista :

— Et ??? Allez, crache-la ta Valda ! Je sais bien qu'il n'y a pas que ça, sinon tu pourrais te contenter de l'éteindre, tu n'es pas encore en Guyane...

Penaud, Jacky balbutia quelques onomatopées avant de lancer sur un ton râleur :

— Bon, c'est que je veux me désintoxiquer des réseaux sociaux et que j'ai peur de craquer, voilà ! T'es contente, Julie Lescault ?

— Hummm, mais c'est qu'il devient grincheux à l'approche du départ, notre aventurier ! Allez va, ne t'inquiète pas, ça restera entre nous. Au moins, c'est une raison valable pour ne pas le prendre, je comprends mieux.

— Mes deux premiers arguments l’étaient tout autant ! rétorqua Jacky touché dans son égo. Dans moins d'une semaine, je serai totalement déconnecté. Je pourrais tout aussi bien tout couper dès maintenant et ne pas rallumer...

— C’est pas faux, capitula Françoise. Bon allez, je file. Amuse-toi bien mon geek préféré. Et surtout, sois prudent !

— Oui, promis. Je t'appelle quand je rentre. Bises à Yves et à samedi.

Jacky termina son sac, enfila ses de chaussures de randonnée toutes neuves pour les "casser" et déposa son téléphone portable sur la commode de l'entrée, à côté des clés de voiture. En sortant, il s'arrêta un instant en haut du perron pour humer l'air en fermant les yeux, plaça les pouces sous les bretelles du sac à dos et prit la direction des bois en coupant par la galipe des Clots.

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