Préparation du secours
Un souffle frais et du crachin vinrent réssuciter l’Administratrice. Donchadn ne su combien de temps s’était écoulé depuis l’attaque et sa première pensée s’orienta sur cette défaite si humiliante qu’elle n’était pas prête de l’oublier, ses côtes endolories non plus. Elle s’appliqua à un rapide bilan de son état de santé. La boue et le sang maculaient sa tenue noire malgré le tissu anti-salissure. Après sa remise sur pied aidée par un colon moins groggy qu’elle, la commandante des forces armées de l’expédition Primaterrienne analysa le lieu de la confrontation.
— Attachez-moi ça, cria-t-elle d’une voix teintée d'une colère qu’elle voulait cacher sans y parvenir en pointant du doigt la bête immobile. Je passerai la trouver dès que possible.
Le terrain meuble retourné comme un champ de pommes de terre, déchiré par des obus, dégorgeait le trop plein d’eau. Des hommes et des femmes se relevaient non sans mal. La gadoue collante jusqu’aux genoux, des corps moitié immergés dans un liquide acajou, une pluie pénétrante lui rappelaient ses cours de stratégie en réalité augmentée, lors de batailles du XXème siècle. Une dizaine en état de marcher, deux autres blessées - et après quelques heures- vingt-neuf pertes dont quatre ouvriers, dénombra Donchadn. Trois manquent à l’appel : Guénolée, une aspirante - qui embarquait pour la première fois - Stiphen, un géotechnicien et Samra. Le sentiment de vendetta et l’appétence à secourir les membres de sa colonie se mêlèrent, forgeant une détermination absolue. Dès que possible, Donchadn réclamma au navire en l’orbite l’envoie d’une unité supplémentaire de cinquantes AP. Un délai de dix heures lui parut considérable mais l’urgence de la situaton ne pouvait en rien accélérer leur arrivée. La décision coula de source : pour augmenter les chances de réussir un sauvetage, le temps entre la disparition et le secours devait être le plus bref possible. L’Administratrice réunit alors les personnes valides dans l’unique tente encore debout :
— Compagnons, nous avons subit une agression indigène. Le seul élément qui peut nous être reproché est notre arrivée ici. C’est insuffisant pour accepter le rapt de Samra Aebquari, Stiphen Alsaqr et Guénolée Makhlue. J’ai contacté le Safina pour dépécher un peloton de cinquante Auxiliaires de Paix supplémentaires mais il lui faut encore - elle regarda son poignet, agacée - 9h32 pour les envoyer en navettes ainsi que l’armement lourd nécessaire à la défense du la colonie. Je compte lever une unité d’éclaireurs et en prendre son commandement.
Elle consultat une liste de plusieurs feuilles brunes puis repris :
— dans les éléments de construction du portail, je vois des explosifs canalisés. Combien puis-je en emporter sans compromettre le projet ?
Le silence se brisa après de longues secondes :
— Avec la marge d’erreur acceptable, cinq, intervint le façonnier Symo.
— C’est entendu. Je ne peux forcer personne à participer à cette mission. Y-a-t-il des volontaires parmi les Auxiliaires de Paix ainsi que chez les ingénieurs pour suivre ces créatures jusqu’à retrouver nos compagnons ?
La voix de Donchadn n’augmenta ni en puissance, ni en intensité. Elle voulait, malgré ces évènements, ne pas enthousiasmer les membres du groupe à perdre le contrôle sur leurs choix. Elle comprenait que les chances de succès paraissaient faibles : environnement indéterminé, un ennemi hostile en nombre inconnu aux objectifs incertains… Le seul élément rassurant est notre avance technologique…et encore, on n’en sait rien. Elle sortit une sorte de tablette robuste, alluma l'écran, et tapota silencieusement du bout de ses gants noirs. Les colons la regardaient, chuchotaient. Elle les interrompit sans colère :
— L'Aspirante Guénolée Makhlue a allumé son émetteur de position. Elle a voyagé un moment à grande vitesse, environ 72km/h, puis est immobile au moment où je vous parle.
- Est-elle en vie ? osa un homme.
- Oui...pour le moment.
La peur et l’appréhension flottaient en ce lieu humide. Peu avaient conscience de cette violence basique, lié à un conflit de territoire entre êtres vivants, comme le faisait les animaux en liberté sur Primaterre des siècles en arrière.
— Nous risquons de subir de nouveau une agression. J’ai gardé l’option d’y aller seule si nécessaire. Je pars dans 30 minutes d’ici même.
L’Administratrice quitta la toile le menton haut, fière de son intervention mais véxée de la réaction effarouchée de son auditoire. Son visage s'assombrit. Elle jetta un dernier coup d'œil à la tablette pour confirmer ce qu'elle savait déjà : Guénolée était morte depuis un quart d'heure.
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